Scénario


Pour : Delta Green


Auteur(s) :

Benjamin SCHWARZ

Illustrateurs(s) :

Benjamin SCHWARZ


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Une ombre couleur sépia

"Un grand philanthrope nous quitte."

Kenwish gazette, 30 Avril 1994

 

"Devant la recrudescence des batraciens,

cette année la fête de la grenouille sera avancée."

Kenwish gazette, 25 Mars 1994

Prélude

Banni en même temps que tous les grands anciens, Xoxiigghua s'était retrouvé enfermé dans une prison minérale de la chaîne montagneuse de l'ouest mexicain. Il y resta longtemps seul à méditer sur les fautes qui lui étaient imputées, mais les luttes inlassables qui se déroulaient entre les trépidantes jeunes nations de l'Amérique Centrale finirent par le réveiller. De nombreuses tribus trouvaient en effet refuge dans les contreforts montagneux, et c'est là que les Tawarunhea scellèrent le destin de leurs descendants en pénétrant le sanctuaire du Grand Ancien.

Libéré de sa prison, Xoxiigghua ne tarda pas à étendre son influence corruptrice au sommet de sa montagne en commençant par y créer une zone marécageuse. Pendant près de deux cents ans, les Tawarunhea furent simultanément ses esclaves et ses prêtres. Ils profitaient de son pouvoir pour s'imposer aux tribus voisines, et dans le même temps subissaient les caprices du dieu impie. Un jour cependant, lassés des turpitudes incessantes, toutes les tribus décidèrent de s'unir pour chasser le fléau... En voyant leurs ennemis si nombreux, bon nombre de Tawarunhea sentirent leur délivrance proche et unirent leurs forces aux assaillants.

Xoxiigghua ne craignait ni les flèches, ni les lances, mais le feu semblait lui provoquer quelque frayeur. Il fut donc acculé dans son temple et on l'ensevelit aussi vite que l'on put. Les Tawarunhea survivants furent désignés comme ses geôliers et eurent la charge de garder la mémoire de l'événement. Sous l'effet du climat montagneux le marais se résorba rapidement, et tout redevint comme avant. Fidèles à la tradition, les Tawarunhea restèrent toujours à l'endroit qu'on leur avait désigné jusqu'aux alentours de l'année 1930 où on retrouva les corps décomposés des membres de leurs villages éparpillés dans la forêt avoisinante.

Au cours des siècles les légendes se sont transmises, déformées et mêlées aux autres, si bien qu'actuellement le dieu vert de la montagne est un classique des tribus indiennes relaté dans bon nombre de livres d'ethnologie.

Bibliographie officieuse de Mr. Jewfish

Né en 1906 de parents fortunés, Alexander Jewfish était destiné à succéder à son père à la tête de l'entreprise familiale de textiles. Comme bien des jeunes personnes de la haute société de l'époque il était plus enclin à l'éparpillement dans les loisirs que dans la tenue des comptes. Ainsi le jeune homme s'intéressait-il à des théories qui, à l'époque, n'apparaissaient pas encore comme farfelues. On lui connaissait en particulier une marotte pour le magnétisme animal et les théories sur l'Atlantide. Des lubies de jeune garçon romantique plus qu'un réel engouement scientifique aux dires de son père. Ce qui n'empêcha pas Alexander de participer à une expédition au Mexique au cours de l'année 1930. Organisée en commun avec certaines de ses fréquentations de la faculté de Trinity School, cette mission devait vérifier le bien-fondé de la présence d'éléments liés à un culte marin dans une région montagneuse enfoncée à l'intérieur des terres.

Ceux qui ont vécu son départ se rappelleront certainement les préparatifs faits à la hâte ainsi que l'excitation du jeune homme. Malgré toute son insistance sa mère arriva tout juste à lui extorquer que la destination se trouvait être quelque part au Mexique et qu'il s'agissait de réaliser une découverte révolutionnaire.

C'est au cours de l'année 1931 qu'on avait été averti de son retour à la civilisation et de sa présence dans un hôpital de Mexico. Le docteur Hernandez, directeur du "Hospital General de Mexico" ayant reconnu en lui un jeune occidental de bonne extraction avait enquêté et retrouvé la trace de sa famille. On était alors promptement venu chercher le malade. Hagard et affaibli, il avait fallu attendre deux ans avant que le jeune homme ne sorte de sa torpeur, et ce n'est qu'au cours de l'année 1934 qu'il devait fournir l'effort nécessaire à sa miraculeuse réintégration dans le monde. D'aucuns prétendent que Mr. Jewfish trouva sa bouée de secours dans les affaires familiales ; le fait est qu'il se cramponna aux livres de comptes comme pour étouffer sous le poids d'un lourd pragmatisme monétaire l'ombre qui constamment le guettait aux coins sombres de sa conscience.

Il prit officiellement les rênes de l'entreprise au cours de l'année 1937 et, bourreau de travail, la mena comme on le sait vers le succès et la fortune. Faisant d'énormes bénéfices en fournissant l'armée au cours de la seconde guerre, l'entreprise Jewfish n'en eut pas moins un comportement irréprochable, ayant toujours à cœur les valeurs patriotiques et plus que tout, un réel souci des valeurs humaines. Mr. Jewfish diversifia rapidement les activités de son empire qui s'étend maintenant des légumes en boîtes aux transports en commun en passant par les couches-culottes et la majorité des parts d'un grand groupe de média.

Depuis les années 50, Mr. Jewfish s'était aussi impliqué dans un grand nombre d'œuvres caritatives dont une bonne partie basée en Amérique centrale. Il avait en outre fait récemment de nombreux dons à des musées archéologiques renouant avec son ancienne passion.

Mais aux heures sombres de l'introspection, un long et douloureux cheminement intellectuel avait amené Mr. Jewfish à penser que son comportement anormal lors de l'expédition de sa jeunesse avait peut-être été influencé par une entité extérieure. Ayant eu vent de l'existence du Delta Green et de la nature de ses activités, il avait intégré l'agence au cours de l'année 1992.

Alexander Jewfish s'est éteint le 29 mars dans son bureau particulier du manoir Clifford, victime d'un malaise cardiaque.

Homélie sous un ciel gris

Automne 1994

Les enterrements de grands personnages se passent généralement sous un ciel couvert ; celui de Mr. Jewfish ne fait pas exception. C'est donc sous une pluie fine et glacée que le prêtre débite sa sinistre homélie rythmée par les sanglots des membres de la famille. Les personnages sont présents à la cérémonie, qui en tant qu'ami proche de Mr. Jewfish, et plus certainement en tant que collègue du Delta Green.

Selon le désir de feu Mr. Jewfish, après l'enterrement tout le monde est invité à prendre une collation offerte dans le hall du manoir Clifford. L'occasion de se rencontrer et de chasser la grisaille en évoquant les souvenirs heureux que chacun a eu avec le défunt.

Pour l'événement, le hall a été décoré avec un grand nombre de clichés de Mr. Jewfish.

Ceux que les mondanités rendent nerveux pourront passer leur temps à observer ces nombreuses photos qui couvrent l'essentiel de l'existence d'Alexander, du berceau à quelques jours avant sa mort. Chacune est annotée et datée et porte le nom du photographe. On constatera que depuis les années 40 c'est un certain Mr. John Gage qui a la quasi exclusivité de ces clichés. Grand ami d'Alexander, Gage est le photographe officiel de la famille depuis 1943, il est naturellement présent à la réception.

La trame historique des photographies est curieusement interrompue entre 1930 et 1935, elle correspond à une période de la vie de Mr. Jewfish peu connue du grand public. Seuls les articles les mieux renseignés font une rapide mention à une expédition de recherche à laquelle le jeune homme aurait participé au Mexique en 1930. Mais le relatif secret qui a entouré l'aventure à l'époque et le peu de retombées scientifiques ont entouré l'événement d'une chape de silence. Pour en apprendre plus il faudra discuter avec ceux qui ont bien connu le défunt à cette période. Principalement des membres de sa famille, ou encore Jason, un vieux domestique. En gagnant la confiance de leurs interlocuteurs, les PJs pourraient même entendre parler des cauchemars récurrents de Mr. Jewfish, et de ces mots qui revenaient sans cesse comme une obsession au cours de ses nuits agitées : "L'ombre, l'ombre, ne la laissez pas s'approcher..."

On pourra aussi apprendre que les circonstances de la mort du vieil homme sont plus troubles que la presse a bien voulu le laisser entendre. Il faut dire qu'en tant qu'ami de la famille, l'inspecteur Max Landcrabb n'a pas voulu ajouter à la peine des proches en ébruitant les détails scabreux d'une enquête troublante. Comment diable expliquer que la cervelle de Mr. Jewfish ait pu se trouver comme lyophilisée sans qu'on ne constate d'autre marque sur son corps que ces trois points circulaires brunâtres à la base de la nuque ?

L'inspecteur a fait ce qu'il pouvait pour écourter la présence policière sur les lieux du drame, mais il fallait bien enquêter. Dans une demeure aussi passante et avec une domesticité nombreuse cela ne passa pas inaperçu. Parmi les invités beaucoup sont au courrant de cette enquête au manoir, et les rumeurs vont bon train. Assassinat ? Suicide ? La jeune Miss Alice Jewfish n'entretient-elle pas une relation avec son ami d'enfance l'inspecteur Landcrabb ? Et n'était-elle pas la seule légataire testamentaire de son grand-père ?

Alice et Alexander étaient en effet très proche, suffisamment pour aiguiser les jalousies ou simplement les médisances faciles. Des rumeurs infondées laissent d'ailleurs entendre une relation incestueuse entre les deux Jewfish.

Les personnages ne pourront obtenir les détails macabres qu'auprès d'un membre de la police (corruption ou connaissance), les trois points sur la nuque ainsi que le visage grimaçant tordu dans une caricature d'indicible horreur ont aussi été observés par la domesticité et par Alice qui pourra témoigner que les trois tâches sont apparues successivement et en moins d'une semaine, la dernière le jour même du décès de son oncle. Ce pour quoi la jeune fille avait d'abord suspecté un cancer. Alice a aussi déclaré avoir eu le sentiment que la maison avait été épiée dans la semaine précédant la mort de son grand père. De nombreuses empreintes de pas avaient été relevées, et une domestique a témoigné s'être retrouvée une fois nez à nez avec un vieil indien. L'inconnu était parti sans un bruit et n'était jamais reparu. Les enquêtes n'aboutirent pas et on ne retrouva jamais aucun rôdeur.

Un portrait couleur sépia

Au cours de la réception Miss Alice Jewfish viendra voir les PJs et fera part de sa volonté de s'acquitter d'une demande de son grand-père. Elle les entraînera dans le bureau personnel d'Alexander. Ceux qui ne sont pas habitués à la chaleur d'un intérieur cossu pourront s'y sentir étouffés par le plancher fastueux, le mobilier Louis-Philippe et les décorations rococo. La jeune fille ouvrira la porte vitrée d'un meuble raffiné pour en sortir une photo sous cadre. "Mon grand père tenait absolument que ce cliché vous revienne", en se tournant vers un des joueurs, "une de ses dernières phrases vous était tout spécialement destinée, Mr. Untel saura quoi en faire". Alice est persuadée que son grand-père avait senti son heure arriver, elle aimerait bien que ces étrangers lui en apprennent plus sur ce grand-père qui l'a toujours protégée d'un danger dont elle n'a pas conscience. "Crois-moi Alice, ne cherche jamais à regarder derrière le miroir" avait-il coutume de dire.

Dans le cadre on observera le portrait sépia d'un jeune homme en tenue de baroudeur, indubitablement Alexander lors de son expédition mexicaine. A côté de lui une sorte de petit totem de pierre dont les formes rappellent vaguement l'art maya. La couleur et le format trahissent l'âge de la photographie. Une profondeur de champ très courte rend les détails rapidement flous devant et derrière Mr. Jewfish. On peut néanmoins reconnaître une végétation tropicale et les ruines d'un mur. Dans le fond de la photo on reconnaît aussi deux silhouettes en train de discuter. Un homme et une femme visiblement proches. Un couple peut-être.

Au dos de la photo retirée de son cadre on pourra lire un sibyllin petit texte "Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal. Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d'yeux devant et derrière." Signé L.S. Avec un peu d'érudition ou d'intuition on y reconnaîtra un extrait de l'apocalypse de Saint-Jean (Révélations 4.6).

Derrière la photo et dans le cadre on trouve encore une enveloppe du même format que le cliché. Adressée à Mr. Jewfish elle contient une coupure de presse relatant la découverte d'un charnier dans la jungle à l'ouest du mexique. Le journaliste conclut qu'un village d'une quarantaine de personnes a été éradiqué par des braconniers ou des pillards encore inconnus. Le tampon sur le timbre indique "Washington 1933".

Les amateurs de photographie pourront reconnaître une qualité professionnelle dans ce cliché. Sans compter que les possesseurs d'appareils photo n'étaient pas légion dans ces années, et que l'impressionnante ouverture du diaphragme dénote un matériel de grande qualité, certainement modifié. Des conclusions que John Gage, le photographe attitré de la famille, n'aura aucun mal à tirer si on a la bonne idée de l'interroger. Le vieil homme révèlera d'ailleurs que son magasin dans la rue principale a été fondé par son grand-père, et qu'il a été le seul magasin de photographie de la région jusqu'en 1946. Il y a donc de fortes chances que la personne qui a pris le cliché soit passée par son magasin. Le vieil homme invitera les personnages à lui rendre visite pour compulser les archives et identifiera alors rapidement l'appareil photo comme un rolleiflex de 1929 modifié avec une lentille spécialement importée d'Allemagne. Trois personnes ayant suivi les conseils d'une revue spécialisée de l'époque avaient en effet commandé l'onéreux matériel. Il s'agit du reporter sportif Bill Shut, le photographe d'art Nick Tindall, ainsi que de Neil Steelseeker un reporter animalier assez peu connu.

Alice confirmera qu'il s'agit là du seul cliché de Mr. Jewfish qu'on puisse dater des années 30-35. Elle est un intervenant privilégié concernant l'histoire de son grand père et connaît les rares détails concernant le départ et le retour de son ancêtre. Quand au voyage en soi, cela a toujours constitué un tabou au sein de la famille. Elle pourra en particulier aiguiller les joueurs vers l'université fréquentée par son aïeul, mentionner les étranges traces sur la nuque du mort ou parler des traces de pas dans le jardin.

Les enfants de l'aurore

Les archives de la prestigieuse Trinity School n'ont conservé que peu de documents officiels de l'époque. On y apprendra que Mr. Jewfish était un élève moyen dans les sciences économiques mais qu'il excellait en histoire. Son mémoire sur les civilisations précolombiennes avait fait grand bruit. Il y développait entre autre l'approche de la mer dans l'art et s'interrogeait sur l'existence dans ces civilisations de mythes proches de ceux de l'Atlantide en occident.

On apprendra encore qu'en dernière année il avait fait partie du club de "paranormal" de l'école. Les enfants de l'aurore a existé entre 1926 et 1932 et a sporadiquement publié une gazette "mensuelle" relatant les expériences de ses membres. On pourra avoir accès au livre des comptes et y trouver la liste des quelques quarante membres. Au nombre de ceux-là Mr. Jewfish et Neil Steelseeker, membre extérieur (n'appartenant pas à l'université).

Une dizaine de femmes faisait partie du club à la date du départ pour le Mexique, mais il n'est pas encore possible de distinguer Marion Flloyd des autres noms.

Le premier cavalier

Né en 1908, Mr. Steelseeker a participé à l'expédition de 1930 où il avait brigué la place de journaliste photographe. Revenu à la civilisation dans des circonstances étranges en 1932 il n'aura de cesse de reproduire cette fâcheuse habitude de disparition tout au long de son existence avant de rentrer au pays en 1978 où il reconnut enfin sa fille Lena née en 1930...

Biographie officielle de Mr. Steelseeker

En se renseignant sur le photographe Neil Steelseeker les joueurs pourront glaner quelques informations. Ils apprendront par exemple qu'il a exercé le métier de reporter animalier depuis 1933. Principalement connu dans ces années-là pour ses photos de grands fauves prises en Afrique, il semble n'avoir pas porté un grand intérêt à sa carrière et l'on pourrait dire que son art lui a plus permis de survivre que réellement vivre. Son parcours comporte de nombreux trous qu'on attribue à des périodes d'immersion dans les endroits reculés de l'Afrique. Etrangement, sa carrière semble avoir pris un second souffle et un réel essor dans les années 80 avec ses célèbres clichés de poissons et de cétacés dont on dénombre d'ailleurs une dizaine de recueils vendus à un grand nombre d'exemplaires. Sa bénéficiaire testamentaire est Miss Lena Steelseeker, la propre fille du photographe. Elle veille jalousement au grain comme en témoigne une quinzaine de procès ces six dernières années. Un ou deux magazines people des années 80 relatent le succès soudain du vieil homme et n'hésitent pas à en donner le crédit à sa fille qu'il venait juste de retrouver après 47 ans d'exil sur le continent africain ; un vrai conte de fées.

Neil Steelseeker est décédé le 17 juillet 1990 dans la baie du Yucatan dans des circonstances douteuses. Il était venu photographier les poissons mexicains pour la première fois et on avait retrouvé son cadavre dérivant une journée plus tard. Certains ont murmuré que des opérations militaires secrètes avaient eu cours dans la zone, mais en même temps, le simple fait de plonger à 72 ans ne constitue-t-il pas une raison simple à cet accident ? Quant à miss Steelseeker, en bonne publiciste elle a tout de suite compris l'intérêt qu'elle pouvait tirer de l'affaire et se garde bien de s'exprimer sur l'affaire, contribuant à épaissir le mystère.

Seuls les reportages les mieux renseignés mentionneront les origines troubles du photographe et ses débuts de reporter dans une expédition mexicaine en 1930.

Les rushes de Lena

Née de père inconnu, Lena Steelseeker a passé la première partie de son existence à se battre pour se garantir une place dans une société où le féminisme était encore balbutiant. Energique et entreprenante elle a fait une carrière honorable de célibataire dynamique dans la publicité. Etant donné le caractère de Lena, le retour de son père en 1980 ne s'est pas fait sans heurts ni débordements. Mais les liens du sang étaient plus forts qu'elle ne l'aurait cru, et en 1982 elle prenait une retraite anticipée pour se concentrer à la promotion des clichés de son père. Bien que tardive, la relation entre les deux personnes n'en était pas moins forte et Lena pardonna à son père une enfance pour le moins misérable. Toute petite sa mère lui a expliqué qu'après son retour du Mexique son père avait été interné une année durant dans un hôpital psychiatrique. Une année pendant laquelle il n'avait pas prononcé un seul mot. Il avait finalement disparu avant de réapparaître en Afrique, appareil photo en main, mais ce n'était plus le même homme. Plus tard, Lena avait appris que le retour du Mexique était lui aussi nimbé de mystère. On l'avait simplement trouvé au Texas, errant dans une étendue désertique.

Lena ne garde pas le souvenir de cette époque, mais elle conserve un cliché de 1931 où elle est assise entre les bras de son père lui-même allongé dans un lit d'hôpital, le regard fixe, absent. La vieille dame se doute que son père a passé sa vie à fuir un événement, mais malgré les nombreuses discussions qu'elle a eu avec lui elle n'a jamais su de quoi il s'agissait. Tout au plus a-t-elle appris qu'il y avait une histoire de femme. Une certaine Marion dont il était tombé éperdument amoureux au cours de l'expédition.

A bientôt 64 ans Miss Lena Steelseeker habite une maison coquette qui a certainement dû coûter très cher. Elle se sent très seule et un peu fatiguée de vivre, comme si le poids de tous ces secrets qui ont bâti sa vie l'avait enfin rattrapée. Elle se fera une joie d'apaiser sa conscience en s'épanchant sur une épaule compatissante, surtout s'il s'agit d'entamer la conversation en parlant de son père, ce héros, et de ses grandes qualités de photographe. Pour peu qu'on lui montre un peu d'intérêt, elle pourra même exhumer les archives ; de nombreux clichés pris par son père à divers moments de son existence. En gagnant la confiance de la vieille dame et avec de bons arguments on pourra même prétendre à fureter dans le saint des saints, "la chambre de papa".

On y trouvera des boîtes à archives bourrées de photos classées par dates. En particulier, dans les boîtes de 1929 et 1930 pieusement conservées par "maman" - Dieu ait son âme - on trouvera des clichés d'une jeune blonde élégante et mutine au port indubitablement décadent comme seules les jeunes filles bien nées des années 30 pouvaient se le permettre. Miss Steelseeker suppose qu'il s'agit là de cette Marion dont son père était épris. Les premiers clichés qu'on trouvera de la belle, la montrent tête nue dans une robe chatoyante, un verre à la main dans une foule de gens bien habillés. Au dos du cliché : "16 juillet 1929, Miss M. Flloyd au bal d'été, propriété F".

Embauché en tant que photographe amateur pour couvrir le bal annuel donné par cette famille richissime, le jeune Steelseeker avait fait la connaissance de la dernière des trois filles Flloyds. Comme en témoignent quelques autres clichés, il avait été invité plusieurs fois par la suite pour de petits événements mondains ou simplement pour une après-midi pique-nique au bord du lac de la propriété Flloyd.

Le côté sombre de l'artiste

En tant qu'artiste, Neil s'était aussi essayé à d'autres formes d'expression, comme la peinture ou l'écriture dont on trouvera quelques éléments dans les tiroirs. On remarquera entre autres ce dernier poème qui orne toujours la table de travail du défunt comme il l'avait laissée en partant.

... fuite, fuite...

loin des souvenirs qui m'assaillent et dévorent mon âme

comme les chenilles du regret, papillons de remords

aux ailes aiguisées comme des obsidiennes

On ne manquera pas non plus de remarquer le thème récurrent des peintures. Comme une toile d'araignée vert sombre constellée de tâches noires. Un grand nombre de notes prises sur des carnets, et de nombreuses bibles annotées laisse en outre entendre que l'artiste pensait être un des quatre cavaliers de l'apocalypse. La note la plus claire et la plus synthétique mentionne :

" [...] Il se fit tout d'un coup un grand tremblement de terre ; le Soleil devint noir comme un sac de poils, la Lune devint comme du sang [...] "

Peste A.J Veau ?

Famine E.G lion ?

Guerre Moi ? aigle 1990

Mort M.F homme 1994

En fourrageant une bonne après-midi dans les innombrables boîtes remplies de photos, on trouvera aussi ce qui semble être quelques clichés sauvés de l'expédition. Un mur de pierres entièrement nettoyé au pied duquel on peut voir des barques vraisemblablement anciennes fabriquées à l'aide de roseaux et d'autres plantes marécageuses. Ce qui pourrait laisser entendre qu'un marais devait baigner cette zone pourtant montagneuse... Etrange. Par pudeur le photographe n'a pas tiré tous les plans films, si les joueurs se rendent compte qu'il y a plus de négatifs que de photos, ils pourront contempler quelques clichés représentant un amoncellement de cadavres d'indiens.

Pour ceux qui ont le bras long il sera possible de récupérer le décevant rapport d'autopsie. On n'y trouvera rien d'intéressant, l'enquête ayant été bâclée comme c'est malheureusement souvent le cas. Le fait est qu'on y aurait de toute façon rien trouvé d'anormal car le vieil homme a réellement été victime d'un accident cardiaque au cours d'une plongée.

Un peu plus près de la mort

A ce stade de l'enquête il est évident que le seul endroit où les joueurs pourront en apprendre plus sera auprès de Miss Flloyd ou de son entourage. Retrouver la trace de la vieille dame sera chose aisée la famille Flloyd étant en effet une des plus anciennes et des plus connues de la région.

Famille Flloyd et biographie de Marion

Une rapide discussion avec un individu un tantinet intéressé par les affaires économiques ou simplement friand de presse people pourra révéler que les Flloyds ont longtemps régné sur la vie économique et sociale de la région, mais que les trois dernières générations se sont farouchement attachées à dilapider argent et patrimoine si bien que la fortune familiale n'est plus que l'ombre de ce qu'elle fût. En dehors du jeune John-Henry Flloyd qui tente de redresser la barre en réalisant de dangereux investissements en Irak, on a coutume de dire que chez les Flloyds seuls les domestiques conservent l'image, les idéaux et le standing de l'ancien temps.

Le fait est qu'il ne sera pas difficile de trouver des renseignements sur la famille et sur chacun de ses membres, la presse à sensation en regorge. Quant à la propriété qu'on aura vue sur les photographies de Mr. Steelseeker, elle appartient toujours aux Flloyds. Un caprice testamentaire en a fait la résidence principale de la majorité des membres de la famille car condition sine qua non de toucher sa part du gâteau.

En ce qui concerne Marion, les archives de la Trinity School s'avèrent une mine de renseignements. On y apprend qu'elle est née en 1908 et qu'elle était assez douée dans les arts de la scène. Dans une interview donnée à la gazette de l'école elle ne cachait d'ailleurs pas ses ambitions de devenir une star de théâtre et de cinéma. L'article ne manque pas de la titiller sur ses nombreux succès avec le sexe opposé, ce à quoi Marion avait répondu qu'elle en était flattée mais n'envisageait pas d'avenir sans son fiancé Ernst Buckwell.

Sa scolarité interrompue en 1930 reprend en 1935 avec un changement radical dans les matières suivies. Ces matières ne cessent d'ailleurs pas de changer durant les quatre années suivantes, sans résultat visible sur ses notes. En particulier, rien ne laisse entendre qu'elle a persévéré dans ses aspirations artistiques.

La presse people et la presse à scandale ont fait les choux gras de ses frasques sentimentales ponctuées par cinq mariages avec des personnalités en vue. La plus longue de ces unions n'a pas tenu deux ans. De ses activités on ne retiendra pas grand-chose d'intéressant. L'essentiel de ses revenus provenant de rentes et de possessions obtenues par héritage au cours de l'année 40.

Propriété Flloyd

La propriété Flloyd a subi les mutilations d'une modernisation intempestive. Une antenne télévision, une antenne parabolique et un relais GSM se partagent les pignons de la toiture et le jardin anglais a été amputé pour construire une piscine. Quant au lac il est toujours là mais ses abords sont maintenant insalubres.

A quelques pas de l'entrée on pourra contempler une blonde peroxydée jouant au tennis avec un professeur particulier qu'elle s'offre dans au moins deux sens du terme. A 36 ans Fanny Flloyd passe ses journées à endiguer préventivement les outrages du temps. Entre vélo d'intérieur, tennis, bronzage véritable ou artificiel, manucures et autres, elle prend grand soin d'un corps dont elle se sert plus qu'à son tour. Car Fanny se paie le luxe d'une nymphomanie savamment composée. Plus que par réel intérêt pour la position horizontale, c'est très certainement un intense manque d'affection dans ses jeunes années qui la motive maintenant à collectionner les conquêtes masculines.

Quelques instants après avoir sonné on verra un domestique venir s'enquérir du dérangement. C'est vraisemblablement à cet instant que les joueurs apprendront le décès quelques mois plus tôt de Miss Marion Flloyd.

Remarquant l'attroupement devant la grille de la propriété, Fanny ne manquera pas de venir y exhiber ses seins qui s'ils n'étaient pas présentement assujettis à un sous-vêtement sportif révèleraient qu'ils ont subi plus d'une onéreuse modification. C'est elle qui fera ouvrir le portail aux PJs, les occasions de se distraire sont assez rares, et elle se fera un plaisir de cracher sur la mémoire d'une aïeule qu'elle n'appréciait pas.

La vieille est morte

Marion Flloyd était la grande tante de Fanny, et à l'entendre dire, "la vieille" lui a littéralement pourri la vie. Cherchant à s'immiscer dans les affaires de cœur de ses jeunes nièces, flirtant ouvertement avec leurs amis, Marion a dérobé plus d'une conquête et provoqué plus d'une peine de cœur parmi les jeunes filles de la famille, et ce pendant bien deux générations. Pas étonnant qu'elles aient toutes du mal à avoir des relations affectives normales... Le plus étonnant c'est que passé soixante ans elle ait encore réussi à ravir Danny, le premier petit ami de Fanny... "C'est comme si elle possédait une sorte de fluide, un truc envoûtant. Elle avait aussi un je-ne-sais-quoi d'autoritaire qui nous paralysait toutes. C'était un peu comme une araignée dangereuse, de celles qui mangent la tête du mâle pendant l'amour, une mante religieuse."

"Heureusement cela ne pouvait pas durer éternellement ; passées les affres de la ménopause elle s'est calmée et Danny a été sa dernière victime". De fait, l'âge venant Marion avait perdu ses attraits mais pas tous ses appétits. Aigrie, elle passait son temps à épier les aventures des membres de la maisonnée, interférant dès qu'elle le pouvait. Elle se rendait à la rencontre des amis sur le parking ou subtilisait leurs numéros dans les agendas oubliés pour leur raconter de subtils mensonges au téléphone. Elle passait encore ses journées à ressasser ses souvenirs de jeunesse comparant sa beauté d'alors à la notre.

"Attention, n'allez pas croire pour autant que la vielle était complètement folle, non, pour ça elle gardait bien la tête sur les épaules sans quoi on se serait toutes fait un plaisir de la caser dans un de ces mouroirs pour vieux débris... On était même prêtes à lui payer Kingston Place, ça nous aurait coûté cher, surtout à l'âge où elle a vécu, mais on était prêtes à tous les sacrifices pour la voir partir. Mais aucun moyen de la déboulonner de sa chambre pleine de chinoiseries. En fait, il n'y a que complètement ivre qu'elle était fréquentable". De fait, lorsqu'elle avait bu, Marion paraissait plus calme, son tempérament sarcastique tombait, remplacé par une vague de nostalgie. Parfois même elle pleurait. Fanny ne l'avouera peut-être pas, mais dans ces moments-là elle éprouvait une peine immense pour sa grande tante. Syndrome de la victime ou sentiment surnaturel qu'un événement traumatisant d'une ampleur phénoménale était à l'origine du comportement maléfique de la vielle dame ? Fanny, si elle s'était posée la question, aurait eu du mal à y répondre.

Les personnages pourront apprendre que Miss Flloyd est décédée dans la nuit du 29 novembre 1993, au cours de l'éclipse lunaire. Tout un symbole. Quant à une éventuelle autopsie il ne faut pas trop y compter, les enfants se sont empressés de l'incinérer. Étrangement, personne n'a osé aller contre ses dernières volontés et ses cendres reposent dans une urne posée sur la cheminée de sa chambre où seuls les domestiques entrent une fois par semaine. Le domestique qui a découvert le corps et le docteur qui a constaté le décès pourront témoigner de la présence de trois petites tâches circulaires à la base de la nuque de la vieille femme. Bien qu'il fût un peu surpris par cette conformation en triangle équilatéral étrangement régulier, le docteur avait conclu qu'il s'agissait de grains de beauté et n'a pas jugé nécessaire de les mentionner dans son rapport.

Fanny ne connaît rien de la jeunesse de sa grande tante, elle se souvient toutefois d'une aura de mystère vraisemblablement crée par sa mère et ses sœurs, celles-ci relatant parfois d'étranges histoires relatives à un voyage.

Avec des arguments suffisamment convaincants on pourra avoir accès à la chambre de Marion. Ce sera d'autant plus facile si un des personnages peut intéresser Fanny, sexuellement parlant. Tout du long de la visite elle essaiera d'obtenir un numéro de téléphone, c'est en quelque sorte une question d'honneur. Dans ces grands moments on peut la voir passer avec rapidité et naturel d'un comportement de femme libérée type journaliste année 30 à la vamp dominatrice la plus infecte en passant par la femme enfant. Dans tous les cas, Fanny verra dans la requête des joueurs un bon prétexte pour exorciser ses peurs en pénétrant pour la première fois dans la chambre de "la vieille". Elle y accompagnera les personnages et adoptera une attitude pleine de morgue qui ne trompera pas grand monde. On la sentira très mal à l'aise tout le temps de la visite.

Dans la toile de l'araignée, une chouette

La chambre de Fanny, bien que convenablement rangée et époussetée est un véritable capharnaüm d'objets hétéroclites, de statues et de symboles. Un grand poster représentant Eve et le serpent est accroché en guise de tenture au-dessus du lit. Le même symbole est repris à divers endroits : coussins, plaids... A en croire les statues, plus vraisemblablement d'origine sumérienne que chinoise n'en déplaise à Fanny, la vieille dame devait apprécier les lions et les chouettes. Une forte odeur de patchouli s'exhale de plusieurs portes encens et de nombreuses roses rouges ornent le haut des armoires. D'ailleurs la couleur dominante de la pièce est le rouge. On apprendra que Marion aimait aussi les lys... On trouvera encore des allusions à la planète et au dieu Saturne ainsi qu'un certain nombre de pierres précieuses et semi-précieuses sur des étagères. En majorité des tranches de coraline et quelques rubis de qualité moindre encore enchâssés dans leur gangue. Un véritable nid à poussière pour les domestiques, mais autant de symboles qu'un amateur d'occultisme aura peu de mal à rapprocher de Lilith, la première femme d'Adam et patronne des sorcières et des succubes (cf. encart).

A propos de Lilith

Dans la mythologie hébraïque Lilith est connue pour être une chouette au cri strident ou comme une vieille femme tourmentée. Pour les païens c'est la patronne des sorcières et la Déesse de la lune décroissante. Chez les sumériens on l'associait au vent et à la chouette.

Première femme d'Adam elle a été créée le sixième jour de la même terre que lui, et se revendique son égale. On prétend qu'elle aurait fui son compagnon pour vivre avec le démon Samael et qu'elle aurait aidé le démon à tenter Eve.

Lilith représente le désir et l'amour sexuel - pas pour la reproduction mais bien seulement pour le plaisir. On la représente généralement comme une dévoreuse d'hommes et d'enfants, une castratrice à la sexualité débridée.

On prétend encore que ceux qui portent un totem représentant la chouette développent leur clairvoyance et décèlent ce que les gens veulent garder caché.

Sur la table de chevet, la photo de Marion sur scène en 1930. Une magnifique jeune fille qui aurait certainement pu faire un tabac à Hollywood. Le moins qu'on puisse dire c'est que sa réputation n'est pas usurpée.

Dans les armoires, les personnages trouveront d'autres photos s'échelonnant des années 40 aux années 70, essentiellement des clichés de ses mariages et de ses conquêtes.

Très mal caché sous une pile de vieux vêtements pliés, un carton contient des clichés bien antérieurs ainsi que la correspondance amoureuse de Marion et Ernst Buckwell entre les années 1925 et 1928. Le caractère de ces lettres laisse supposer une relation tendre et tout à fait équilibrée, si on excepte la niaiserie certainement imputable à l'origine sociale et à l'époque. Il semblerait en outre que le jeune Buckwell ait été le premier soupirant "sérieux" de la jeune Flloyd.

Dans un tiroir du bureau, au milieu de papiers administratifs en tout genre quelques documents portant l'en-tête d'un établissement hospitalier pourront attirer l'attention des joueurs. Il s'agit de lettres de remerciement provenant de divers établissements auxquels miss Marion semble avoir fait des dons substantiels entre les années 1953 et 1992. Fanny n'est bien entendu pas au courant de ces donations pour le moins surprenantes.

1953, 1955, 1956 : Cooley's Hospital,

1960 : Velvet Curtain Establishment

1985, 1988, 1992 : Lonsey Institute

Renseignements pris, le Cooley's Hospital est un complexe hospitalier public où les fonds versés par miss Marion ont servi, comme convenu, à la restauration de l'aile du bâtiment de psychiatrie. Le Velvet Curtain Establishment est un pavillon privé du même complexe hospitalier, spécialisé dans le traitement des grands dépressifs.

Enfin, le Lonsey Institute est un établissement privé pour personnes âgées atteintes de troubles mentaux.

En comparant les listes on constatera qu'un certain Ernst Landcrabb a séjourné dans le premier établissement de 1932 à 1958 et dans le second de 1958 à 1962. Il réside actuellement dans le troisième établissement, et ce depuis 1982. Il sera possible de lui rendre visite pendant les horaires prévus. On pourra en outre obtenir l'adresse et le numéro de téléphone de Miss Sylvia Agnus la personne qui règle ses frais.

Le mort vivant

Ernst Landcrabb est bien entendu un nom d'emprunt, rien à voir avec l'inspecteur Max Landcrabb, la famille Buckwell a simplement souhaité rester discrète au retour de leur fils en novembre 1932 et l'a fait interner au Cooley's Hospital sous le nom de Landcrabb. Un nom qui le suivra vraisemblablement jusqu'à son décès.

Bibliographie d'Ernst Landcrabb alias Buckwell

Ernst Buckwell est né en 1907 dans une famille de tradition militaire. Il étudia à la Dragon School, une école militaire réputée pour son sérieux. Son caractère honnête et droit valut à Ernst l'amitié d'un grand nombre d'étudiants et d'enseignants. Ses notes bien qu'au-dessus de la moyenne ne sont exceptionnelles qu'en sport où tant ses capacités humaines que ses capacités physiques en faisaient un capitaine d'équipe hors pair.

Il rencontra Marion Flloyd en 1925 lors du bal annuel de la Dragon School et devint son petit ami en 1926. Pour lui faire plaisir il l'accompagna quelques fois au club des enfants de l'aurore mais son esprit trop pragmatique ne fut jamais séduit par les activités de "ces jeunes intellectuels débridés et puérils". Le projet mexicain initié par Alexander Jewfish, un membre du club de paraphysique, trouva par contre son approbation. Un beau voyage en compagnie de sa fiancée où il pourrait mettre en valeur ses compétences viriles.

Parti en 1930 avec l'aval de son général de père, il ne donna pas signe de vie avant 1932 où on le retrouva errant en haillons dans le jardin de la propriété familiale.

Sylvia Agnus

Sylvia habite un petit pavillon de banlieue, elle compense sa petite taille par une activité énergique, et ses oreilles rondes et fines achèvent de la faire ressembler à une petite souris. Les ascendances militaires de sa famille s'expriment chez elle par un caractère propre et carré ainsi qu'une moralité sans faille. Un individu un tant soit peu "psychologue" sentira néanmoins que cette quadragénaire cache une faille. Fille de Lena Agnus née Buckwell (1915-1985) et d'un militaire, sa peur des hommes condamne en effet très vraisemblablement Sylvia Agnus au célibat à vie.

Mariée hâtivement en 1924 à un jeune militaire, les mauvais traitements que celui-ci lui faisait subir, n'avaient pas réussi à décider Lena à le quitter. Cependant lorsqu'elle découvrit que son mari abusait de sa fille elle ne mit pas une semaine à faire ses bagages et à fuir. C'est dans sa ville natale qu'elle trouva refuge, à quelques pas de l'hospice où son frère était soigné. Lorsque moins d'un an plus tard l'état d'Ernst ne nécessitait plus l'internement, elle décida de le prendre à la maison. C'est ainsi qu'après un père qui la violentait, le deuxième homme dans la vie de Sylvia devait être cet oncle apathique.

Sylvia connaît tout du "passé glorieux" du grand frère maternel, elle a passé une partie de son adolescence à astiquer les trophées sportifs et les photos valorisantes de cet être étrange capable de ne pas proférer un son pendant des mois. Les photos et les trophées ont depuis trouvé place dans des cartons au grenier. Une mesure salutaire prise par la quadragénaire en 1985 après le décès de sa mère. Ne pouvant s'occuper correctement de son oncle elle-même, elle ne tarda pas à le confier à un établissement convenable et convenant à ses faibles moyens ; car personne d'autre dans la famille ne pourvoit aux besoins d'Ernst Landcrabb. Sylvia n'a d'ailleurs aucun lien avec la famille Buckwell qui l'a depuis longtemps rejetée comme engeance d'une mère fautive. Habituée à subir, il ne lui viendrait même pas à l'esprit de s'en plaindre ou de trouver la chose anormale.

Auprès de Sylvia on pourra collecter un grand nombre d'informations concernant la jeunesse d'Ernst. Elle est d'autant plus heureuse de pouvoir en donner une image positive et grandie qu'elle se sent coupable d'avoir placé son oncle en institution.

Auprès d'elle on pourra se convaincre que Marion Flloyd était une jeune fille d'une grande beauté un peu timide et vraiment charmante. On apprendra aussi le retour houleux de l'oncle au manoir et son internement discret.

En exhumant les cartons du grenier on trouvera, au milieu de nombreux souvenirs totalement inintéressants pour l'enquête, les quelques cartes annotées ayant certainement servi à la préparation de l'expédition. En comparant avec une carte moderne on conclura que le but de l'expédition se situait à une soixantaine de kilomètres à l'est de "la chamela", un petit village de la côte ouest du Mexique. Parmi les nombreuses annotations ajoutées à la main, le nom "xiutecutli" à consonances indiennes plutôt qu'hispanisantes attirera certainement l'œil des joueurs. Il pourra être traduit par "le dévoreur de feu", nom donné originellement à un volcan dont on trouvera trace sur une carte topographique moderne et bien entendu sous un autre nom.

Ernst Buckwell alias Landcrabb

Le Lonsey Institute est une maison de retraite spécialisée dans le traitement de personnes âgées atteintes de légers troubles mentaux et où il est relativement aisé de rencontrer le personnel soignant ou les patients. On se fera confirmer que Mr. Landcrabb souffre de légers troubles émotionnels qui peuvent parfois le plonger dans des longues périodes d'apathie. En dehors de ces crises et en dépit de son grand âge, Ernst est tout a fait conscient et capable de tenir une conversation.

Les personnages pourront rencontrer Ernst dans sa chambre. Recroquevillé dans la chaise roulante qu'il n'a pas quittée depuis l959, le vieil homme n'a plus grand-chose à voir avec les photographies de l'athlète aux épaules carrées que les joueurs ont eu l'occasion de voir.

Ernst sera capable d'entretenir une courte conversation polie avec ces étrangers. Il peut facilement évoquer des souvenirs récents mais a du mal à se souvenir de la période d'avant les années 60. Tout effort de mémoire le fatiguera rapidement, rendant ses propos incohérents.

Pour évoquer ce qui s'est passé dans la jungle il faudra faire preuve de tact et de patience. Ernst pourra révéler les coordonnées exactes de la découverte, c'est lui qui les a calculées sur place. Il pourra aussi mentionner ces vieilles pierres qui ont tant excité Alexander, lui arrachant des "j'en étais sûr" et des "j'avais raison". Il pensait avoir trouvé la preuve de l'existence des Atlantes et leur lien avec la civilisation Olmèque.

Il relatera encore le changement d'attitude de Marion et des autres membres du groupe. Derrière les mots de "frénétique" et de "déluré" il faudra comprendre que les explorateurs avaient laissé libre cours à leurs pulsions les plus viles. L'affection toujours vive qu'Ernst porte à son ancienne fiancée se mêlant aux authentiques troubles de mémoire du vieil homme, il ne lui est pas facile de révéler que cette dernière avait commencé à flirter avec tout le monde et que cela avait rapidement dégénéré en une orgie échevelée sous un orage d'une rare violence. Il se souvient encore du bruit des crapauds qui avait commencé après la disparition des porteurs indigènes vraisemblablement quelques jours plus tôt, juste après qu'ils aient déterré le premier escalier et l'étrange poteau de pierre qu'on a vu sur la photo chez Jewfish.

A mesure qu'il exhume ces douloureux souvenirs, la gorge du vieil homme semble se nouer par l'émotion, sa respiration se fait de plus en plus saccadée et les mots sortent de ses lèvres sans ordre ni grande cohérence. Il fera allusion à des massacres, ses compagnons auraient retrouvé leurs porteurs dans un village voisin et les ayant découpés à la machette, se seraient nourris de leur chair. Ernst semble avoir vécu les mêmes affres et il crachera par terre pour se débarrasser du goût du sang ; se bouchera les oreilles pour ne pas entendre les cris. Enfin, il revivra la vision d'horreur de la déité antédiluvienne qui avait présidé leurs ébats et dans un râle le vieil homme s'écriera "la reine des grenouilles, elle est venue me chercher !" Suite à quoi il sombrera dans une de ses crises d'apathie. Ses yeux se voileront lentement, sa bouche s'ouvrira et sa tête basculera un peu vers l'avant. L'occasion de contempler une tache parfaitement circulaire à la base de sa nuque. Un infirmier pourra révéler que cette tache est apparue le lendemain du 29 mars, une date dont il se souvient car c'était la pleine lune, un de ces jours où les malades, plus agités demandent plus de travail.

A compter de cette rencontre le vieil homme ne sera plus jamais à même de répondre aux questions des joueurs.

La mort vient au mouroir

Le lendemain dans la nuit toutes les grenouilles de la ville et alentours se mettent simultanément à coasser, et on peut sentir une forte odeur de vase envahir les rues. Les choses ne se passent pas très bien au Lonsey Institute, et les infirmiers de garde sont très occupés à calmer les patients les plus atteints. De nombreuses chambres s'élèvent des plaintes et des gémissements. Quelques cris aussi.

Au milieu de ce concert lugubre un rictus mauvais déforme les traits d'Ernst. Il éclate de rire puis rigide se lève et marche à pas lents mais assurés vers la fenêtre qu'il ouvre en grand. Il se tient quelques instants devant la fenêtre, complètement immobile, puis retourne s'asseoir sur sa chaise roulante où il reprend son air vide. Les grenouilles se taisent subitement. Une nouvelle tache est apparue sur la nuque du vieillard.

Sauve qui peut

Parce qu'il est probable que les joueurs aient des scrupules à euthanasier un misérable vieillard déjà amputé de son existence...

Oraison glauque

Les joueurs apprendront certainement que la nuit a été agitée au Lonsey Institute, soit qu'ils auront eu la bonne idée de s'enquérir de la santé de leur protégé, soit qu'ils auront la chance de voir un rapide entrefilet narrant la chose aux informations locales.

Au cours de la journée les personnages auront la possibilité de vaquer à leurs occupations et certainement, les choses se précipitant, de faire des rencontres fructueuses ou douloureuses. C'est néanmoins le soir qu'encore une fois tout se passera. Au Lonsey Institute le concert de batraciens reprend plus violemment encore que la veille. Sous l'effet des sédatifs qu'on leur a administrés au cours de la nuit pour les calmer, les fous sont beaucoup plus réceptifs à la venue de celui qui vient ce soir prendre son dû. Certains réussissent à se détacher et déambulent armés dans les couloirs constituant une réelle menace pour le personnel. Les infirmiers sont vite dépassés par les événements, d'autant plus que les forcenés ont reçu l'aide d'étranges individus encapuchonnés qui se sont introduits dans le bâtiment par le jardin. Cinquante adeptes de trois sectes distinctes sont en effet arrivés en ville pour assister à l'avènement de leur déité.

Au milieu d'un concert de grenouilles allant crescendo et sous les litanies profanes de ses voisins de cellule Ernst commence à se redresser, il se lève, très droit. Il étend ses bras vers le sol paume ouverte, puis plie lentement ses jambes. Une lumière diffuse semble émaner de tout son corps, ses yeux sont fixes, totalement noircis et luisants comme des pierres humides. La rumeur des grenouilles est à son paroxysme. Celui qui fut Ernst ouvre lentement la bouche et laisse échapper un coassement dont la puissance fait voler les vitres en éclats. Aussitôt tous les bruits cessent et une odeur méphitique emplit l'établissement. En quelques bons phénoménaux le vieil homme se trouve sur le rebord de la fenêtre. Une scène qui pour grotesque qu'elle puisse paraître ne prête pas à rire. Ernst tourne la tête vers l'intérieur du bâtiment, ses traits nettement déformés le font ressembler à un batracien et des excroissances tentaculaires lui sortent de la bouche. Si passés quelques secondes de stupeur personne ne pense à l'arrêter il sera trop tard.

L'entité se propulse par bonds prodigieux et les personnages ne peuvent qu'assister impuissants à ses déplacements au travers du parc. Elle finit par s'immerger dans le lac artificiel de l'établissement pour n'en plus sortir. Sur le rebord de la fenêtre, seule trace subsistant du passage du monstre, une flaque verdâtre et huileuse exhume des relents de marais.

Epilogue

Maintenant que les joueurs ont laissé l'entité achever la capture du corps d'Ernst Buckwell, il ne leur reste plus qu'à tenter de fuir l'hospice contrôlé par les fanatiques encapuchonnées et les malades. Une fois dans la rue ils sentiront comme un infime changement dans l'atmosphère. Peut-être est-ce l'air particulièrement chaud et humide. Un tapis vert, s'écoulant du bassin de l'institut recouvre lentement l'asphalte, les voitures, les lampadaires... Une mousse spongieuse et humide a commencé de corrompre la ville.

Malgré l'heure tardive, on voit des lumières s'allumer dans les maisons, puis des cris s'élever. Un habitant sur dix, pris dans son sommeil n'a su résister à la corruption mentale du monstre du lac, si bien que rapidement des centaines d'individus errent sans volonté s'en prenant à leur famille et à leurs voisins. Ces pantins du démon n'obéissent qu'aux encapuchonnés et à leur dieu.

La progression glauque s'accélère et en moins d'une demi-heure le centre de la ville est totalement recouvert de l'infecte mousse et de la tourbe humide qui ne cesse de s'écouler du lac de l'hospice Lonsley. Les routes sont impraticables et un marais fangeux recouvre les environs de la ville. Un nouvel ordre se mettra en place où les sectaires auront le rang le plus élevé.

Pour venir à bout du problème il faudra que les joueurs réussissent à fuir la zone pour prévenir les autorité que l'épicentre se situe dans le parc. Il n'y a malheureusement pas d'autre solution qu'un bombardement massif.

Outre le problème d'orientation dans cet univers qui a résolument changé en si peu de temps, il leur faudra échapper à la vigilance des sectaires et de ceux qu'on appelle déjà ici "les rêveurs". Sans compter ces formes humanoïdes de vase et de lichen sortant çà et là des flaques fangeuses et dont le comportement chaotique laisse supposer une intelligence proto humaine.

Ajouts et adaptations

Les dernières pièces du puzzle

Pour ceux qui veulent vraiment des "parce que" à tous les "pourquoi"

Au cours des siècles les légendes se sont transformées, estompées, si bien qu'au final les Tawarunhea ont quelque peu oublié leur rôle. Lorsqu'en 1930 les peaux blanches sont venues profaner la colline sacrée ils n'ont opposé qu'une résistance de forme rapidement balayée par quelques verroteries et autres mirages de la vie civilisée. Quelques mois plus tard ils devaient s'en mordre les doigts lorsque Xoxiigghua libéré de sa prison avait poussé les quatre blancs à assouvir sa vengeance. Très peu d'entre eux réussirent à échapper au massacre, mais ils n'oublièrent jamais. Ayant voué leur existence à la traque du "faiseur de marais", ils ont fini par en retrouver la trace.

Affaibli par des siècles d'emprisonnement le grand ancien avait préjugé de ses forces, ne pouvant faire plus que d'étendre son influence pernicieuse sur l'esprit des quatre blancs, il s'était rapidement retrouvé enfermé dans une nouvelle prison, l'esprit de Marion Flloyd. Le caractère bien forgé de la jeune femme constitua le meilleur des talismans. C'est ainsi que sans le savoir Marion retint en elle l'esprit d'un Xoxiigghua trop affaibli pour s'évader.

Mais la présence insidieuse de l'étranger dans leur esprit avait marqué à jamais les quatre humains. Les trois hommes, portant en eux une trace persistante quoique infime du passage du dieu dans leur âme se mirent à agir comme des automates divins pendant un temps plus ou moins long, avant de revenir à leur humanité et au monde. Et même alors, il leur fallut un certain temps pour tourner la page et reprendre goût à une vie artificiellement, divinement, prolongée.

Quant à Marion, bien que portant le fardeau le plus lourd, sa résistance extraordinaire lui permit de reporter le problème de quelques décennies, trouvant des réponses aux réflexions ou aux pulsions qu'elle ne comprenait pas dans ses maigres connaissances de magie héritée de la faculté. Elle vécut en se prenant pour un avatar de Lilith jusqu'à ce qu'une conjonction lunaire et son âge avancé aient raison de sa résistance. Après une semaine d'une activité intense qui le fit luire comme un phare astral, le monstre brisa sa cellule et s'enfuit recoller les bribes de lui-même encore prisonnières de deux autres crânes moins durs. A partir de cet instant, tant ses adeptes que ses traqueurs le suivirent à la trace. Quant à la suite, ce sont les joueurs qui l'ont écrite.

Un peu plus de sel

Quelques éléments supplémentaires pour saupoudrer une enquête qui s'enlise ou s'endort

Une sororité de prétendues sorcières se fait pompeusement appeler les filles de Lilith. Bien qu'elles n'aient en définitive pas grand-chose à cacher, ces jeunes filles se complaisent dans le secret. Elles organisent à chaque pleine lune des sabbath qui n'ont guère plus d'intérêt que des soirées pyjama. La création du "club" remonte néanmoins au début du siècle, ce qui contribue à le nimber d'une aura de mystère et lui confère une organisation bien rodée en particulier en ce qui concerne les grades et le secret de ses membres.

La personnalité de feu Marion Flloyd n'était pas passée inaperçue, et elle avait été contactée en 1964 par "la mère" des filles de Lilith. Plusieurs générations de postulantes au club se sont ensuite vues engagées comme domestique chez les Flloyd. Les joueurs auront certainement l'occasion de croiser Roberta Landspeek alias Proserpina, une jeune domestique rondelette et arborant un médaillon en forme de chouette. S'ils ne s'intéressent pas à elle, il y a par contre fort à parier que les filles de Lilith n'apprécient pas ces individus qui profanent la chambre de celle qu'elles considèrent comme la réincarnation de leur déesse. Elles apprécieront encore moins le fait que les PJs semblent y avoir trouvé quelque objet ou quelque intérêt mystique qui leur échapperait... Et certaines de ces furies pratiquent les arts martiaux ou la boxe.

Tout du long de cette enquête les personnages pourront voir dans les médias des éléments annexes à leur histoire. Des cas isolés d'arrestations de fous légers devenus subitement violents ou un médecin qui s'inquiète de la recrudescence des internements ce mois-ci, interrogé par les personnages, le Dr Adolf Wölfli révèlera une étrange similarité entre tous ces cas, essentiellement des délires paranoïaques et mystiques. La société moderne et ses débordements... Les informations télévisées relatent aussi un taux anormal de batraciens et montre des réunions de quartier où l'on chasse la grenouille. Sans compter les nombreux reportages animaliers autours de ce thème.

Trois sectes de petite envergure ont su reconnaître les signes avant-coureurs de l'avènement de leur dieu. Les joueurs auront certainement l'opportunité d'être confronté à ces dangereux fanatiques à la fin du scénario, mais il est aussi probable qu'ils aient à se rencontrer avant. Après tout, l'un ou l'autre des adeptes d'une de ces organisations aura pu flairer la présence de celui qu'il vénère aux alentours de la propriété Flloyd ou du manoir Clifford.

La vérité première est convaincue que Jésus était un extraterrestre, et que conformément aux prophéties son clone est de retour pour sauver et punir. Edmund Pillow est leur prédicateur, il a été averti en songe de l'arrivée du messie. Passablement allumé, il interprétera les faits comme la punition divine : un nouveau Sodome et Gomorrhe.

Eschaton est un repaire de fous dangereux ayant tous plus ou moins fréquenté les institutions psychiatriques à un moment de leur existence. Pyromanes, violeurs, meurtriers, ils ne vivent que pour voir leur jugement dernier, et qu'importe qui le donnera. Lenny Engineface dirige cette nasse de scorpions avec maestria, donnant ce qu'il attend à chacune de ses ouailles, déformant la vérité de manière à leur rendre acceptable. Face à ce névrosé manipulateur il faudra être particulièrement malin si on veut s'en sortir vivant. Tous les membres d'Eschaton ont senti l'appel du grand puant.

Les partisans de la grande théocratie comprend un grand nombre de personnes du commun en mal de sensations fortes ou recherchant simplement un sens à l'existence. Leur guru Pasqualito River, docteur en philosophie et en théologie, a recherché la trace d'une théologie première dont toutes les autres seraient issues. Il l'a "trouvée" en mélangeant des éléments de chacune. C'est à l'écoute des rêves troublants de certaines de ses ouailles qu'il a compris que quelque chose en rapport avec le monde chtonien allait bientôt se produire. Avènement de Gaïa, déesse mère emblématique de la réverbération des esprits souterrains et de l'humus primal signe et critère de toute existence ? Les fidèles sont suffisamment fanatisés pour représenter une menace contre des ennemis évidents. Il est néanmoins tout à fait possible de discuter avec eux ou avec leur "guide". En outre, lors du grand chamboulement final, pas assez "réceptifs" pour subir l'influence du grand ancien ils pourront s'avérer utiles aux joueurs.

Les joueurs ne sont pas les seuls sur cette enquête. Maria, Don Genardo et Don Juan, shamans Tawarunhea ont juré de retrouver le "faiseur de marais" et de le renvoyer au néant au coût de leur vie s'il le faut. Ils pourraient bien décider d'associer leurs efforts à ceux des joueurs et faire bénéficier ces derniers d'un grand nombre de leurs connaissances. Au jour fatidique, un interne au racisme ordinaire a empêché ces "emplumés" de pénétrer dans l'institut et les a fait mettre dehors par la sécurité. De fait, les indiens devant passer par les grilles du jardin arriveront trop tard et y seront décimés par une entité déjà trop forte pour être contrecarrée par le pouvoir illusoire d'une dague d'obsidienne pourtant sacrée.