Scénario


Pour : DD3


Auteur(s) :

Père Carmody

Benjamin SCHWARZ

Illustrateurs(s) :

Justyna Jedrzejewska


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Eastenwest > 19 - Lieux de savoirs



Romeyro doit mourir

Ce scénario a été écrit pour les Terres Balafrées et plus particulièrement pour la ville de Shelzar. Il sera néanmoins rapidement adaptable à tout autre univers.

L'histoire débute à la manière d'un vaudeville dans les alentours champêtres de la cité du vice, se poursuit sur le même ton léger dans les méandres de Shelzar, et s'achève enfin sur une note plus sombre dans les profondeurs de la ville.

- A Epicure,

je ne te connais pas mais tu me fais bien marrer

Il fait beau ce matin à Shelzar. Je remonte la rue des marchands une pomme à la main. La pomme, je l'ai chapardée sur un étal au début de la rue. Je ne suis pas un voleur, ô non, cette seule idée me fait rire quelques instants avant que mon esprit frivole ne se concentre sur autre chose : Les rondeurs de la crémière et son sourire inondé d'un rayon de soleil matinal échappé au faîte des toits. Les sourires aussi je les " chaparde " ; et plus que cela encore. Je ris à nouveau et croque dans ma pomme en continuant ma route. Oui, c'est cela, je suis un " chapardeur ", le terme convient tout à fait à mon humeur badine. Aujourd'hui comme hier le monde m'appartient ! Peut être même m'appartient-il plus encore aujourd'hui car elle m'a dit " oui ". Oh, pas ce " oui " cérémonieux héritage de mes aînés, non, je parle de ce " oui " lascif du Dédale, le quartier des plaisirs que j'ai appris à connaître et à aimer.

Ma pomme à peine entamée est finie ; je ne mange jamais le trognon, cela me dégoutte... Et puis j'en chaparderai une autre au prochain étal.

A mon arrivée dans l'université l'année dernière je l'avais tout de suite remarquée. Elle était belle comme la nuit... Et tout aussi froide. Le règlement m'empêchait de la voir bien souvent. Les hommes d'un coté, les femmes de l'autre, " l'Université des Désirs Terrestres n'est pas un bordel !" a coutume de répéter Naldwyne De Fontanay, notre doyenne et maîtresse.

Les cris du marchand m'arrachent à ma rêverie. Je viens machinalement de rafler un nouveau fruit, mais tout à mes songes je n'avais pas fait attention à la présence du commerçant. Partie négligeable. Je fronce les sourcils, contrarié par le bruit, et je règle sans un mot trois ou quatre fois le prix de la pomme. De rubicond de colère, le visage du marchand passe à rouge de honte mais je ne le vois pas ; à peine l'ai-je regardé. Mon père m'a appris cela, l'homme du peuple est faible d'esprit, " si tu es pris en faute tu peux toujours en ressortir grandi : paye le triple du prix ". Ou quelque chose d'approchant. Cela dit mon père aurait certainement de quoi acheter tous les marchands de pommes de ce petit souk. En fait je ne sais pas exactement à combien s'élève notre patrimoine, mais qu'importe. Un jour j'hériterai du nom et de la baronnie. Pour l'heure j'ai dix-sept ans et l'éternité devant moi. Je souris. Une éternité de jouissance.

Je repense à mes vertes années. J'en ai fait du chemin depuis que je suis ici. Un an, ce n'est pourtant rien et c'est toute ma vie. Avant cela, pour mon plaisir je courrais après les servantes et les troussais dans les allées sombres du château. J'ai maintenant appris à ménager mon plaisir et le leur, et ce sont elles qui me courent après... " Il faut bien que jeunesse se passe ", mon père ne me l'a jamais dit ouvertement, mais ses yeux l'ont toujours dit pour lui. Je l'ai encore compris le mois dernier, lors de mon retour au domaine... " Le fils prodigue ".

Je me concentre à nouveau sur Esmiriald et je pense aux promesses de la nuit. Je n'aurais pas pensé que cela serait si simple, vraiment, cette formation est merveilleuse. " Attaquer l'amie pour approcher la cible rétive ". Laëlith, elle, n'avait pas été difficile à séduire. Mignonne petite elfe, des seins superbes. Enormes. Beaucoup de bonne volonté mais peu de pratique... Ce n'est pas que je n'aime pas les débutantes, cela a même un charme rafraîchissant, mais tout de même, ce n'est pas la même chose. Gageons que cette nuit sera toute autre.

Je quitte la rue des marchands, en pensant à cet autre précepte qu'il me faudra mettre en pratique aujourd'hui. " Faire couler la sève garde la tension et allonge le... plaisir. ". Chère université, ta prose est si... poétique ! Je m'engouffre dans la ruelle des petits pas, passe sous l'auriel du beau parleur et m'engage sous le porche. Dans ma main le sachet de " poudre de licorne " que j'étais sorti acheter. On ne sait jamais.


 

Le baron Anton Willifried De Perluette est une personne influente à Lundt, il a la mainmise sur un bon sixième des terres et un bon cinquième des commerces. Une situation qu'Anton juge pourtant difficile : quelques bourgeois peuvent rivaliser avec sa fortune, et un autre baron, bien que moins riche conteste fréquemment ses décisions. Anton caresse en outre un doux rêve de promotion sociale, l'union de son fils avec une duchesse. Partagé entre tous ces soucis qu'il s'inflige, le baron arbore constamment la mine soucieuse, mais depuis quelques jours son front s'est barré de trois lignes supplémentaires car quelqu'un vient d'un seul coup de saccager tous ses plans et plus encore, de mettre en péril la survie de son nom : on a mutilé son hériter.

C'est un pigeon voyageur qui a porté la nouvelle il y a deux jours de cela, et depuis lors Anton n'a de cesse que de trouver un moyen de réparer l'irréparable. Tout de même, qui aurait cru que ses ennemis iraient jusque-là ? Suivre son fils à Shelzar et lui voler sa virilité ! Un tel procédé revêt un caractère de barbarie et de perversité qu'il ne s'explique pas.

" Un grand malheur est arrivé. Votre fils agressé. Sa virilité a été arrachée. Le tenons endormi. Personne ici ne peut le sauver. Cherchons moyens. "

Comment aurait-il pu deviner cela, Anton Willifried ?

Lundt

Intro

Le début de cette intrigue se déroule dans une bourgade quelconque à quelques bonnes lieues de Shelzar. Pour les besoins d'écriture nous la nommerons Lundt et nous la situerons à une dizaine de jours en char à bœufs de la capitale des plaisirs. Il sera toutefois possible de spécialiser l'endroit, quitte à chambouler un peu le calendrier des événements.

Voilà quatre jours que le Baron a reçu son premier message, il en reçoit maintenant un quotidiennement pour le tenir informé de l'état de son fils. Tenu en stase par les bons soins d'un prêtre de Madriel, le jeune Romeyro est provisoirement hors de danger. On ne devra néanmoins pas le réveiller avant d'avoir trouvé une solution à son problème. Le plus simple serait de laisser les chirurgiens et les prêtres opérer afin de refermer la blessure et de minimiser la gêne, mais cela, Willifried s'y refuse obstinément. Il ne sera pas dit qu'un des Perluette pisse accroupi, comme une femme ! De plus cette solution honteuse priverait à jamais son fils de descendance. Non, Willifried n'y consentira qu'en désespoir de cause. Si d'ici quelques mois ses émissaires envoyés à grands frais dans tout le royaume et au delà sont revenus sans solution il faudra bien reconsidérer les choses.

Mais ce n'est pas en vain que le baron a été surnommé " le vieux lion ". Une autre pensée partage son esprit en marge de ces considérations réparatrices et prend l'ascendant, chaque jour un peu plus : la Vengeance !

Il est clair qu'à travers Romeyro c'est lui-même qu'on a cherché à atteindre, lui et sa famille. On a cherché à salir l'antique et respectable blason des de Perluette. Et CELA est inadmissible et demande réparation. Malgré son courroux, Willfried de Perluette arrive à se concentrer quelques instants et la conclusion lui apparaît limpide : en mutilant son fils à cet endroit précis de son anatomie on a irrémédiablement empêché l'alliance avec le duché voisin. Or, qui ici pouvait avoir connaissance de ces prétentions d'alliance ? Qui pouvait avoir intérêt à s'y opposer ? Torquerive ! Le baron honni et rival de toujours !

Ses meilleurs hommes dispersés aux quatre vents à la recherche d'un " remède ", le baron se voit contraint de faire appel à une aide extérieure. Peut être est-ce d'ailleurs mieux ainsi finalement. Il ne convient certes pas d'agir dans l'ombre, la maison de Perluette rend sa justice en pleine lumière. Cela, tous doivent le voir et le comprendre... Dans le même temps, il ne convient pas que les gens soient informés que la famille a subi un préjudice. Et encore moins de la nature de ce dernier... C'est décidé.

Dans l'instant qui suit, le baron sonne son fidèle serviteur et le charge de partir en ville sur le champ pour y quérir un groupe discret et extérieur à la ville.

Une pensée fugace caresse l'esprit du baron " Pourquoi diable ont-ils agi à Shelzar ? N'était-il pas plus simple de profiter de la présence de Romeyro à Lundt tout le mois dernier ? ", vite étouffée par la haine.

Calendrier indicatif

J-60 Romeyro arrive à Lundt

J-41 Anton est agressé

J-40 Romeyro rencontre Mathilda

J-36 Romeyro séduit Mathilda

J-35 Romeyro quitte Lundt accompagné par son père

(le voyage à cheval se fait en 5 jours contre 10 en char à boeufs)

J-30 Romeyro arrive à Shelzar

J-20 Willifried quitte Shelzar

(Willifried prend son temps et profite du voyage pour acheter un terrain depuis longtemps convoité.)

J-10 Willifried arrive à Lundt

J-05 Romeyro est retrouvé gisant sans son sang à l'auberge de la corne d'or

J-00 Arrivée des joueurs dans l'intrigue

 

Le contrat

Les joueurs débuteront donc vraisemblablement cette aventure en étant discrètement abordés par Milhay, le serviteur du baron. Bien qu'il soit d'allure modeste on sent bien que cet individu orbite dans le voisinage des grands. Les personnages ne s'étonneront donc pas lorsqu'il leur sera annoncé qu' " un grand du royaume dont le nom ne saurait être prononcé ici " demande à les voir pour une affaire qui requière la plus grande discrétion. Le simple fait d'accepter de rencontrer leur employeur potentiel sera grassement dédommagé, laissant présager de la récompense pour la mission future. Rendez-vous pris en soirée dans un bois en bordure de Lundt, les personnages y seront attendus par le même serviteur qui les mènera à une chapelle désaffectée où le baron les attend. Discret mais prudent, Willifried a caché quelques hommes dans les bois alentours au cas où l'entretien tournerait mal. Il se réserve aussi le droit de réduire ces individus au silence dans l'alternative où ils refuseraient son offre.

Dévoilant immédiatement son identité, Willifried exposera ses doléances. Son fils a été gravement mutilé. Bien que n'ayant aucune preuve matérielle, il ne fait aucun doute que l'attaque a été commanditée par la famille de Torquerive. Ce crime ne PEUT rester impuni, mais comme il ne saurait être dit que la famille de Perluette frappe aveuglément, il conviendra d'enquêter et de recueillir un minimum de preuves avant de tirer vengeance des Torquerive. Cette affaire requière la plus grande discrétion, jusqu'à ce qu'il en ait décidé autrement, le baron ne souhaite pas que la diminution de son fils soit ébruitée. S'ils acceptent le contrat, les personnages seront autorisés à venir trouver le baron chez lui à chaque avancée dans la mission. On comprendra toutefois qu'il vaudra mieux ne pas abuser de son temps pour des broutilles.

Castel Perluette

A une heure à pied des faubourgs de Lundt, Castel Perluette est la propriété principale de la famille. Construite au fil des siècles, elle expose au grand jour l'histoire de la famille. La bâtisse principale constitue un cube de deux étages accolé à un vieux donjon. Le tout est cerclé par une ferme fortifiée de facture plus récente. Les champs alentours sont cultivés par les cerfs dont on devine les hameaux à petite distance. Le personnel du château compte deux palefreniers, une cuisinière et deux " souillons ", deux hommes à tout faire, trois laquais et quatre servantes. Huit gardes sont enfin affectés à la défense de l'édifice.

Les personnages viendront certainement au Castel pour y rencontrer leur employeur, peut-être y resteront-ils dormir, retenus par la pluie ou l'heure trop avancée.

Quadragénaire grisonnant, le baron Willifried de Perluette impressionne tant par sa prestance que par son caractère. De taille moyenne, trapu et noueux, sec et nerveux, obtus et endurant il a été surnommé " le lion " par les hommes qu'il a menés à la guerre. Parmi les hommes de sa garde deux sont d'ailleurs de ses vétérans.

Pétri des manières anciennes et fort de son rang il n'a pas le caractère facile. Prompt à s'énerver il se laissera certainement emporter devant des joueurs trop attentistes. Si de plus ils ont le malheur de lui apporter des nouvelles déplaisantes il pourrait tout à fait les congédier, voir les démettre de leur mission s'il les juge impertinents. Il ne les a en effet pas missionnés pour jeter l'opprobre sur sa famille, mais pour confondre les Torquerives dont il est convaincu de la culpabilité. Notons que s'ils sont démis de la mission, les joueurs seront toutefois dédommagés de leur peine : de Perluette est arrogant, jamais malhonnête.

Baron Willifried de Perluette

Noble niveau 5 ; Chaotique / Bon

Humain de 1m71 pour 83 kg.

Fo 12 ; Dex 10 ; Co 9 ; Int 12 ; Sag 15 ; Cha 15

Bonus de base à l'attaque : +3 (épée longue de maître, total +5) ; Dégâts : 1d8

CA (jamais d'armure) :10

Points de vie : 27

Jet de Réflexes : +1

Jet de Vigueur : +1

Jet de Volonté : +6

Compétences : Bluff +6 ; Connaissances (région de Shelvar) +4 ; Diplomatie +6 ; Equitation +7 ; Estimation +3 ; Intimidation +8 ; Psychologie +5

Dons : Arme de prédilection (épée longue)

Possessions : 19600 pièces d'or en terres, bijoux et fonds monétaires divers

Facteur de Puissance : 5

 

Effacée et soumise, la baronne Sylverna de Perluette n'en est pas moins active. De moins haute extraction que son mari, par leur union elle a tout de même apporté un tiers confortable de la richesse actuelle de la famille. Bien qu'habituée à se taire, dame Sylverna peut parfois prendre la parole. On s'étonne alors de son éducation et de son intelligence. Elle a la bienséance de ne jamais contredire son époux en public mais n'hésite pas à agir dans l'alcôve lorsque le besoin s'en fait sentir. En particulier on prétend que c'est elle qui préside à la destinée de ses enfants. L'alliance envisagée avec le duché serait ourdie par ses soins, de même que le placement de ses trois filles dans des maisons ou bien riches, ou bien puissantes. Si les joueurs venaient à être licenciés par le mari ils auront très certainement la visite de l'épouse. Elle n'a elle-même que faire de la vengeance mais garantira néanmoins que quelles que soient les récriminations de son mari, si les personnages reviennent avec le coupable le baron ne pourra que les récompenser grassement. Dame Sylverna n'a elle-même que peu de richesse, mais promettra tout pourvu qu'on trouve le moyen de guérir son enfant, elle hypothéquera jusqu'au trésor ancestral des de Perluette : Undrandîr, une masse d'arme magique, propriété de la famille depuis des générations et qui a fait son renom sur les champs de bataille.

Undrandîr

Undrandîr est une masse d'armes magique conférant à son porteur un bonus d'intimidation de +2 et +2 sur ses jet d'Etiquette et de Diplomatie. En effet, cette masse s'est habituée à être portée par des nobles et rejette son passé sur son possesseur, même s'il est un simple roturier. Lorsqu'on le croise dans la rue, il y a de fortes chances pour que les passants se découvrent au passage du porteur, croyant qu'ils ont affaire ici à quelqu'un de haute extraction. Mais, de façon plus pragmatique, en combat...

Bonus au toucher : +2

Bonus au dégâts : +2

 

Les joueurs pourront aussi rencontrer le jeune Drunfal, fils de la cuisinière et du palefrenier et ancien compagnon de jeu de Romeyro. Dans leur verte jeunesse les deux gamins étaient inséparables. Malgré leur jeune âge, la distinction de rang était toujours très claire dans leur esprit. Aussi Drunfal prenait-il toujours plaisir à répondre aux moindres attentes de son jeune maître et ami. Il le défendait toujours contre les autres enfants, ou couvrait sa fuite quand ils allaient chaparder des pommes chez un voisin et qu'ils se faisaient repérer. Mais le temps béni de l'enfance s'était embourbé dans le delta scabreux de l'adolescence. A l'âge des découvertes, Romeyro s'était détourné de son ami pour s'intéresser au charme des jeunes servantes. Et depuis l'an passé où il était parti à Shelzar une fracture s'était définitivement opérée, irréparable. Cela, Drunfal s'en était rendu compte le mois dernier, dès le premier instant où Romeyro avait franchi le seuil du Castel.

Toujours loyalement attaché à ses maîtres, Drunfal trouvera difficilement à médire sur son ancien ami, surtout devant des étrangers. Seule la référence à son amour à sens unique pour la servante Nywille pourrait le faire sortir de sa réserve. De fait, la situation est connue de tout le personnel et constitue d'ailleurs une des attractions préférées de ces gens de peu.

Orpheline d'un hameau voisin, la jeune Nywille a été recueillie au château où elle est servante depuis ses dix ans. Deux ans auparavant elle a été séduite par Romeyro et en est toujours amoureuse. Elle apprécie beaucoup Drunfal, mais comme elle le dit en rougissant : son cœur va à un autre. Lorsque le baron envoya son fils à Shelzar, la jeune servante en perdit l'appétit pendant quelques semaines... D'autant que Romeyro avait eu l'indélicatesse de lui avouer où il était envoyé. De son côté, même si maintenant il s'en défendrait, Romeyro ne fut pas non plus totalement insensible à cette séparation. Il s'était en effet attaché à cette servante qui avait partagé ses premiers jeux. Mais quoi... La perspective d'entrer à l'Université des Désirs Terrestres était de nature à balayer bien des circonspections chez ce jeune mâle libidineux.

A son retour au Castel le mois passé, Romeyro n'avait pas manqué de gratifier Nywille de son expérience nouvelle. Bien que réticente et jalouse au départ, la servante avait fini par se convaincre que c'était là une marque d'amour. En comprenant que deux de ses consœurs partageaient les mêmes faveurs elle ne pût plus se leurrer et accepta le rôle " privilégié " de confidente. Elle apprit donc tout des frasques de son don juan et fit semblant de les apprécier. Maintenant, elle est convaincue que la vengeance dont son amant a été victime est l'œuvre d'un mari jaloux ou d'un prétendant éconduit. Si l'enquête piétine elle s'en ouvrira et donnera même des noms aux joueurs : Ludiwin Lamperoy (la fille d'un clerc de Lundt), Adélinée Milandris (l'épouse d'un riche bourgeois) et pour finir : Mathilda de Torquerive, la fille unique du baron ennemi.

Une fois toutes ces pistes épuisées, et si les joueurs piétinent à nouveau, elle pourra leur faire remarquer que s'il y a des cocus ici, il se peut bien qu'il y en ait à Shelzar ! Romeyro lui a explicitement fait promettre le secret concernant le nom de l'université qu'il fréquente et elle ne devrait pas être amenée à en parler.

Domaine Torquerive

Bien moins aisés que les de Perluette, les Torquerive ont dilapidé leur patrimoine au cours des siècles. Possédant toutefois quelques patentes commerciales qu'ils louent à des bourgeois locaux ils vivent assez bien de leur rentes. L'ancienneté de leur blason les place en outre d'office au banc des pairs de la ville.

La famille habite une ferme fortifiée en bordure de Lundt et n'emploie qu'un nombre restreint de serviteurs. Trois hommes suffisent à la garde, d'autant qu'ils sont commandés par le célèbre bretteur Thorwir. Ce barbare de légende à la stature imposante a loué ses services au baron pour une bouchée de pain. Sa loyauté confinant à la bêtise, il n'a jamais songé à donner son congé pour proposer ses services à plus riche. Et puis, c'est qu'il est très apprécié ici !

Thorwir

Barbare niveau 8 ; Loyal Neutre

Humain de 1m91 pour 89 kg.

Fo 14 ; Dex 16 ; Con 14 ; Int 10 ; Sag 12 ; Cha 8

Bonus à l'attaque (rapière) : +14/+9 ; Dégâts : 1d6+6 (coup critique sur 18-20)

CA : 15 (armure de cuir clouté +2)

Points de vie : 75

Initiative : +2

Jet de Réflexe : +5

Jet de Vigueur : +8

Jet de Volonté : +3

Compétences : Sens de la nature +12 ; Escalade +11, Perception auditive +12 ; Saut +11

Dons & pouvoirs : Arme de prédilection (rapière), Botte secrète (rapière), Combat en aveugle, Rage de berserker (3/jour), esquive instinctive

Possessions : 21 pièces d'or, matériel d'escalade, une dague en argent, 3 flasques de feu grégeois, une potion de soins légers

Facteur de Puissance : 8

 

Bien que de revenus plus modestes que bon nombre de bourgeois de Lundt, les Torquerive ont néanmoins toujours su imposer leur supériorité de sang. Depuis un mois cependant, le sort semble s'acharner sur la famille, et il est de plus en plus dur de faire bonne figure : l'héritier se remet lentement d'une agression dont il a été la victime, et sa sœur est grosse des œuvres d'un inconnu. La mère se languit et le père fulmine.

A quarante deux ans Ambroyse de Torquerive a hérité très jeune d'un domaine partant à vau l'eau. Par sa sueur et sa hargne il a réussi, seul, à redresser la situation. Il en veut énormément à de Perluette dont il attendait aide et assistance, comme il se doit entre pairs du royaumes. Selon lui c'est même cela qui différencie la plèbe du sang bleu, le noble du marchand. Visiblement Willifried de Perluette l'a oublié pour se transformer en un marchand de la plus vile espèce : il attendait la mort de Torquerive pour dépecer son cadavre, prendre ses terres et son blason.

Ambroyse ne cache pas son mépris pour son rival, et toutes les occasions sont bonnes pour le brocarder. Il n'ira cependant jamais lui reprocher ce qui pourtant l'a le plus blessé : ce refus de l'aider, vingt ans plus tôt alors qu'il était à terre. Il aurait suffi d'un prêt, oh pas bien grand en plus. Willifried avait préféré rire. Non, Ambroyse est décidément trop fier pour parler de cela, et puis finalement il s'en est sorti seul.

Ambroyse de Torquerive

Noble niveau 6 ; Loyal / Bon

Humain de 1m85 pour 75 kg.

Fo 10 ; Dex 10 ; Co 12 ; Int 12 ; Sag 14 ; Cha 13

Bonus de base à l'attaque : +3 (épée longue de maître, total +5) ; Dégâts : 1d8

CA (jamais d'armure) :10

Points de vie : 32

Jet de Réflexes : +1

Jet de Vigueur : +2

Jet de Volonté : +6

Compétences : Bluff +5 ; Connaissances (région de Shelvar) +5 ; Diplomatie +5 ; Equitation +7 ; Estimation +5 ; Intimidation +8 ; Psychologie +5

Dons : Arme de prédilection (épée longue)

Possessions : 38400 pièces d'or en terres, bijoux et fonds monétaires divers

Facteur de Puissance : 6

 

Le baron est aussi très fier de sa famille. Son épouse provient d'une lointaine baronnie au lignage au moins aussi ancien que le sien, sa fille est un modèle de noblesse, et son fils un parfait héritier qui l'aide avec bonheur et efficacité dans ses tâches d'administration. Ambroyse peut être vu chez lui tous les soirs et les quelques matins où il administre sa propriété. Sinon, on aura plus de chance de le trouver sur les rares domaines qu'il possède, ou en train d'essayer de traiter pour racheter le terrain familial. Un après-midi sur deux il siège en outre au conseil de la ville où il s'oppose fréquemment aux propositions de son rival.

Anton de Torquerive est l'unique fils héritier, ce qui simplifie bien des choses, mais peut aussi s'avérer dangereux. Le mois dernier il a été battu à mort dans une ruelle sombre de Lundt et laissé gisant comme un chien dans le caniveau. Resté dans le coma pendant une vingtaine de jours, grâce aux bons soins d'un médecin des environs et à l'intervention d'un prêtre de Madriel cherché tout spécialement et à grand frais, il commence à peine à se remettre de ses blessures.

Anton ne se souvient plus de quoi que ce soit concernant les jours précédents l'agression. Il n'a ainsi pas su expliquer à son père ce qu'il pouvait bien faire à Lundt à une heure aussi tardive et dans un endroit réputé dangereux. Toute tentative de lecture de son esprit s'avèrera particulièrement confuse.

Anton sait dans quelles colères peut le plonger le simple nom de Perluette. Il a donc décidé de taire sa longue amitié pour Romeyro. Les deux jeunes hommes se sont rencontrés cinq ans plus tôt dans un des rares cercles mondains de Lundt. Ils se sont tout de suite plu, le caractère expansif de Romeyro trouvant sa mesure dans la sérénité d'Anton. Un jour viendra bientôt où les deux familles pourront travailler ensemble.

Mathilda de Torquerive s'est fait beaucoup de soucis pour la santé de son frère. Maintenant qu'elle est rassurée, s'est pour son propre cas qu'elle s'inquiète. Rompue à tous les arts de son rang et de sa qualité elle n'a pourtant pas su se tenir à la ligne enseignée par sa mère et a gravement fauté le mois dernier. Répondant à une étrange missive de Romeyro de Perluette où le jeune homme s'enquerrait de la santé de " son ami ", elle avait accepté de le recevoir dans une chapelle déserte à quelques pas de chez elle. Elle s'était étonnée d'apprendre que Romeyro et son frère aient pu garder secrets pendant si longtemps des liens d'amitié aussi serrés, mais sa réserve s'estompa rapidement devant la sincérité et l'affabilité de son interlocuteur. Rapidement la magie de l'amour opéra, mais elle ne fût réellement " séduite " que quelques jours plus tard. Au même endroit.

Le jeune homme avait finalement dû repartir pour Shelzar où il se devait de retourner pour poursuivre son éducation politique. Mathilda ne regrette rien, et le fait qu'elle soit maintenant enceinte ne change rien : son amour lui a promis de l'épouser. Angoissée par la découverte de son état elle a avoué sa grossesse à sa mère mais a refusé de lui donner l'identité du père, se bornant à lui certifier sa bonne condition et la certitude qu'elle ne serait pas déshonorée. Pour l'heure, angoissée, elle cherche un moyen de faire parvenir un message à son amant dont elle ne sait en définitive même pas où il réside ! Les joueurs seraient certainement l'aider moyennant finances.

Ermionnée de Torquerive est un modèle de grâce, d'élégance et de noblesse ; le résultat de huit siècles de bonne éducation et d'étiquette. Petite, fine, douce, sans âge, elle est malheureusement affublée d'une santé défaillante, signe probable de la pureté de son sang. Depuis un mois, le souci que lui cause l'état de ses deux enfants l'a considérablement affaiblie, et on la voit rarement quitter sa chambre. Elle n'a pas encore résolu de s'ouvrir de son souci à son époux mais le fera certainement pour peu que l'angoisse la serre un peu plus ou qu'elle se croie sur son lit de mort. Ambroyse cherchera aussitôt à faire avouer à sa fille le nom de son amant. Au MJ la primeur des conséquences. Une possibilité de fin de scénario pourrait résider dans une solution de fortune qui arrangerait plus ou moins tout le monde : le mariage " forcé " de Romeyro et Mathilda. Le vieux Torquerive devra y consentir pour éviter le déshonneur de sa fille. Au passage et bien que cela ne soit pas sa motivation première il y gagnerait en fortune... Quant à Perluette apprenant que son fils a bien descendance il pourrait accepter la diminution de son fils et qu'on referme sa plaie. Malgré ses travers Romeyro se veut homme d'honneur. Lorsqu'il apprendra sa paternité il prendra immédiatement ses responsabilité. Précisons tout de même que dans le cas où il se fût agi d'une paysanne, il n'aurait certes pas eu la même réaction. Mathilda enfin, serait on ne peut plus heureuse de ce dénouement... Elle n'en imagine d'ailleurs aucun autre. Elle concevrait certainement un grand dépit en apprenant la vérité sur les " études politiques " de son futur époux ainsi que sur ses frasques, et leur idylle s'en trouverait ternie, mais l'union aurait lieu ne serait-ce que par convenance.

La ville et ses rumeurs

C'est certainement dans les faubourgs de Lundt, ou plus probablement dans l'une de ses tavernes que les joueurs auront débuté cette aventure. Ils y auront peut-être déjà glané un avant goût de la vie locale ainsi que de nombreuses rumeurs plus ou moins en rapport avec le fond du scénario.

Les informations les plus accessibles concernent la famille Torquerive, déjà très épiée en temps normal, mais véritablement passée au crible des commérages à la lueur des événements récents.

Pour commencer, ce n'est un secret pour personne que depuis un mois le baron Ambroyse a vendu rapidement et à vil prix deux champs et une forêt. Un acte pour le moins étrange lorsqu'on sait les difficultés qu'il avait rencontrées pour remettre la main sur ces anciennes propriétés de sa famille. Certains prétendent qu'à force d'achats le baron aurait fini par se ruiner, les plus instruits des affaires commerciales démentiront cette rumeur. Ambroyse de Torquerive est un homme avisé et il a toujours su mener ses achats en temps en heure, non, s'il a vendu c'est certainement qu'il a eu un besoin pressant d'argent. En connaissance de cette rumeur le baron Willifried aura la certitude que cet argent a servi à commanditer l'exaction dont son fils est victime : aux joueurs de le démontrer rapidement.

Quelques voleurs et gens de peu laisseront entendre à demi mots qu'ils connaissent la solution à cette énigme. Pour quelques piécettes les personnages pourront ainsi apprendre que le jeune Anton avait récemment été mordu par le démon du jeu. Quelques piécettes supplémentaires permettront de remonter rapidement aux deux salles de jeu de la ville basse. Toutes les nuits, les individus les moins recommandables viennent y dilapider des sommes gagnées plus ou moins honnêtement dans la journée. On y croise aussi quelques rares jeunes gens de la jeunesse dorée de Lundt cherchant à s'acoquiner. A entendre les habitués de la licorne borgne, Anton n'était pas vraiment un coutumier de ces soirées, il venait parfois accompagner un ami en goguette mais n'y prenait pas vraiment plaisir. Sauf peut-être le mois dernier où il était venu bien six fois et toujours avec le même ami : un jeune aristocrate qui se donnait des grands airs et avait provoqué une bagarre que les deux jeunes avaient réprimée d'abord à coup de rapière, puis à grand renfort de tournées générales. Une description de l'inconnu permettra aux joueurs de reconnaître Romeyro. Quant aux prétendues dettes de jeu d'Anton, il s'avèrera qu'il aura effectivement perdu une forte somme un soir qu'il avait bu et joué plus que de raison. Son adversaire au jeu, un tire laine du nom de Skavet confirmera que le jeune homme était venu le régler le lendemain. Il serait tombé sur un os en sortant de l'établissement. Le patron de la licorne borgne, désirant éloigner les soupçons de son établissement avait déplacé le corps un peu plus loin dans une ruelle sombre et fait alerter la garde. Les clients de la licorne connaissent tous cette histoire mais se sont tus. Tous demeurent perplexes : pourquoi s'en prendre au jeune homme après qu'il eut payé sa dette ? L'agresseur ne pouvait qu'être extérieur à leur petit microcosme... Peut être un indélicat du lion de cuivre, l'autre taverne sombre de la ville... Et puis de toute façon, cela ne se fait pas de voler quelqu'un qui vient payer sa dette... C'est comme voler un voleur ! Une chose est certaine : si on trouve le coupable il passera un sale quart d'heure.

A la licorne borgne on pourra aussi entendre parler d'un certain Nuln Lamperoy, un fils de clerc qui tente un peu trop sa chance et frôle bien souvent la ruine. Il s'est d'ailleurs déjà trouvé dans de très mauvaises postures dont il s'est sorti en vendant des secrets professionnels de l'étude paternelle. Lors de sa dernière déconvenue il avait été sauvé in extremis par l'intervention de Romeyro. En prenant sa défense et en accusant son adversaire de tricherie, Romeyro avait déclenché l'esclandre dont on a déjà parlé. Après la bagarre et la peur de prendre un mauvais coup il s'est acheté une conduite et n'a pas remis les pieds dans les tavernes. Nuln peut être trouvé chez son père ou bien encore dans le cercle mondain qu'il fréquente tous les soirs. Un cercle peuplé essentiellement de fils de clercs, de notaires et d'autres gens de robes où Nuln a introduit son nouvel ami. Tous sont au courant que Romeyro n'a pas mis une semaine à séduire Ludiwin, la petite sœur de Nuln, mais ils se gardent bien d'en dire mot au principal intéressé. La situation est tellement divertissante. De son côté, Nuln se sent redevable et ne tarit pas d'éloges envers son sauveur.

La seconde rumeur sur la famille Torquerive, moins connue que la précédente concerne l'agression d'Anton. Il convient en effet de ne pas ébruiter ce genre d'" accidents " déshonorants, d'autant plus qu'on n'en connaît pas encore le fin mot. Seuls quelques proches connaissent l'événement et auront pu distraitement laisser transpirer la nouvelle dans les cercles qu'ils fréquentent. La garde aussi, bien que tenue au silence, ne se prive pas de jaser. Utreych, le capitaine du guet local est d'ailleurs sur les dents, il en va de sa crédibilité et n'aura de cesse que d'avoir trouvé les coupables... A fouiner partout les personnages seront certainement suffisamment voyants pour être amenés à répondre à ses questions.

Enfin, de nombreuses rumeurs courent sur l'inimitié que se vouent les deux familles. A ce sujet le MJ est laissé libre de mettre ce qu'il souhaite dans la tête du quidam, pourvu que ce soit bien manichéen et toujours partisan d'une cause ou de l'autre.

Concernant Romeyro maintenant, les joueurs en entendront le meilleur comme le pire, mais ils en entendront parler ! Voilà un mois qu'il est parti et on ne parle toujours que de lui dans la haute société. Spécialement parmi les jeunes gens. En première instance, tout le monde semble avoir été conquis par sa prestance, son assurance, sa verve, sa répartie, son charisme... Cette année à Shelzar lui aura décidément bien profitée.

Enfin, viennent les ragots des jaloux et des jeunes filles dédaignées. Les bigots lui reprocheront facilement sa frivolité, son hédonisme... On le dit aussi joueur et coureur. De nombreuses jeunes filles pourraient ainsi témoigner d'avoir été séduites, n'eut été la honte qu'elles auraient à faire cet aveu.

Bien que le respect mutuel qu'ils se vouent soit connu de tous, ils sont assez rares à connaître la véritable nature de l'amitié entre Romeyro et Anton. Les deux adolescents ayant compris l'intérêt du secret, seules leurs connaissances les plus proches sont au courrant. Il faudra les chercher du côté des enfants de la petite noblesse. Par la force des choses Nuln est lui aussi au courant, ainsi bien sûr que Mathilda.

Pour finir, une piste en or semblera tomber du ciel. En discutant de Romeyro dans les bas quartiers les personnages pourraient par exemple attirer l'attention d'un mouchard ou l'oreille d'un curieux. L'individu prétendra alors connaître une personne s'étant vantée en sa présence d'avoir " châtié le fils Perluette "...

Thulsan - dit " l'ombre verte " -est un voleur dont la réputation d'excellence n'est plus à faire ; il a malheureusement un gros défaut : la bouteille. Depuis quelques années maintenant il n'a cessé de décliner, si bien qu'il ne vit plus que sur les rares contrats que lui confient les naïfs impressionnés par son nom. Il a récemment été contacté par un bourgeois du nom de Julian Milandris pour rosser le fils Perluette. En vrai professionnel Thulsan ne s'est pas intéressé au mobile, seulement à la prime : suffisamment élevée pour éponger son ardoise au lion de cuivre. Il n'a pas mis longtemps à apprendre que les deux jeunes gens fréquentaient à la licorne borgne et à découvrir le parfait endroit pour tendre son piège. Le plan semblait parfait, c'était compter sans sa précipitation à vouloir clore l'affaire et sa cervelle embuée d'alcool. Thulsan se trompa donc de cible et molesta le jeune Torquerive... Il n'eut bien entendue pas le cœur à détromper son commanditaire et toucha sa prime. Les joueurs pourront certainement le trouver au lion de cuivre où il finit de boire ses dernières pièces en contant les exploits de sa gloire passée. Bien que rendu confus par la boisson, Thulsan reste suffisamment alerte pour présenter une menace sérieuse. Les subterfuges un peu trop grossiers seront de nature à le mettre en colère et le plus efficace sera de rester suffisamment longtemps à sa table, la cruche à la main, pour l'amener lentement à discuter de l'affaire. Notons enfin que dans son trou à rat, Thulsan a de nombreux amis tire-laines prêts à en découdre avec quiconque importunerait leur vedette. Mieux vaut donc agir loin de l'auberge.

Thulsan - dit " l'ombre verte "

Voleur de niveau 6 ; Neutre / Mauvais

Humain de 1m69 pour 73 kg

Fo 12 ; Dex 16 ; Con 13 ; Int 14 ; Sag 9 ; Cha 8

Bonus à l'attaque (épée courte de maître) : +6 ; Dégâts : 1d6+1

CA : 16 (armure de cuir clouté de maître)

Points de vie : 31

Initiative : +7

Jet de Réflexes : +10

Jet de Vigueur : +5

Jet de Volonté : +3

Compétences : Acrobatie +12 ; Déplacement silencieux +12 ; Discrétion +12 ; Crochetage +14 ; Désamorçage/Sabotage +13 ; Détection +11 ; Perception auditive +11 ; Estimation +11 ; Fouille +11 ; Utilisation d'objets +8

Dons & Pouvoirs : Science de l'initiative, Vigilance, Réflexes surhumains, Attaque sournoise (+3d6), Esquive totale, Esquive instinctive

Possessions : épée courte de maître, armure de cuir clouté de maître, cape de résistance +1, potion de déplacement furtif, potion de discrétion innée, potion de patte d'araignée, potion de neutralisation du poison, potion de vision dans le noir, corde en soie de 15 mètres, outils de maître cambrioleur et 115 pièces d'or dans une bourse sale.

Facteur de Puissance : 6

 

Ce n'est que contraint et forcé que le voleur admettra s'être trompé de cible. Il sera par contre moins réticent à dévoiler le nom de Julian Milandris, le riche bourgeois qui en avait après Romeyro.

Julian Milandris est un des grands bourgeois de Lundt, il a pignon sur rue et pour la petite histoire c'est lui qui a racheté le petit bois cédé par Torquerive le mois dernier. Associé commercial privilégié du baron Willifried il l'invite souvent à dîner après les réunions au conseil de la ville. Lors de la venue de Romeyro il l'a bien évidemment aussi invité à ces collations. Mal lui en prit car sa trop jeune épouse Adélinée succomba irrémédiablement aux charmes de ce jeune homme décidément si délicieux. Jaloux en diable Julian fit surveiller son épouse et confirma ses soupçons. Ne se faisant aucune illusion quant à la réaction de son associé s'il lui faisait part de la situation, le bourgeois décida donc de se faire justice lui-même et embaucha le meilleur voleur pour donner une correction au garnement. Confiant dans son homme de main il croit dur comme fer que Romeyro a pris ses coups de bâtons et que c'est cela qui a motivé son départ précipité de Lundt le mois dernier... Il serait fort marri de comprendre ce qui s'est passé, et certainement anxieux qu'on puisse le relier au triste état dans lequel son séide trop zélé a laissé le fils Torquerive... Une situation désespérée qui motivera peut être l'envie de réduire les gêneurs au silence !

Maintenant qu'ils auront épuisé toutes les pistes et qu'ils se seront fait une opinion sur le fils Perluette, les joueurs pourront se douter que la solution à l'énigme a de grandes chances de se trouver du côté de Shelzar. Si ce n'est la justice ou la curiosité, gageons que l'appât du gain saura les mener jusqu'à cette cité des délices.

Shelzar

En chemin

La route la plus rapide pour Shelzar, celle que les joueurs prendront, passe par un lieu (Un marais ? Une forêt ?) particulièrement mal fréquenté. Qu'ils soient seuls ou en convoi les joueurs auront l'occasion de subir une attaque et ses dégâts dramatiques puis de contempler le pouvoir d'un mystérieux individu " recolleur de membres ".

Les joueurs pourraient rencontrer des caravaniers à l'étape précédant la passe dangereuse. Ces gens, commerçants pour la plupart ont eu vent des mauvais échos sur la région et ont décidé d'unir leurs forces pour la traversée. Les personnages pourraient y être employés. Il se pourrait aussi que, partis seuls en forêt ils assistent de loin à un assaut de caravane ou de chariot isolé et soient contraints de s'en mêler.

Dans tous les cas il y aura au moins un blessé dont l'un des membres aura été proprement arraché dans le combat, imaginons par exemple que les assaillants, peu résistants et peu organisés par ailleurs, aient possédé dans leur rang un monstre fabuleux à même de réaliser ce genre de boucherie. Pour augmenter le côté dramatique il se pourrait même que ce soit l'un des personnages joueurs qui ait subi la mutilation.

Dans le campement des assaillants on trouvera les effets personnels de nombreux commerçants et hommes d'armes. En particulier on trouvera quelques objets frappés du blason des Perluettes. L'homme missionné dans les environs par le baron n'a semble-t-il pas passé le barrage.

Après les premiers soins il convient de se remettre rapidement en route pour échapper à l'endroit et trouver des secours plus appropriés. C'est alors que les personnages font la rencontre d'un mystérieux individu hirsute, sale et mal embouché. Sans dire un mot l'individu s'approche du blessé. Prenant le membre coupé dans une main il fait mine de le recoller et entre dans une transe mystique cependant qu'une lueur intense sourd d'entre ses doigts.

Le Sale, comme on l'appelle dans les environs a en effet un immense pouvoir de guérison et peut entre autres ressouder les membres. Il ne ressent pas le besoin d'aider les gens, mais le fait systématiquement lorsque des malades se présentent sur sa route, par réflexe, par désœuvrement et plus encore par une sorte de fatalisme.

Il vit en ermite on ne sait où, et les gens du cru vont souvent à sa recherche pour soigner leurs maux lorsque ceux-ci sont suffisamment graves pour qu'ils passent outre la peur et le dégoût que leur inspire ce mangeur d'excréments.

Le pouvoir immense du Sale lui vient de la grâce d'un titan. Ce qui explique qu'il se soit éloigné de la civilisation où il attirerait trop rapidement l'attention des dieux parricides. Nul doute que le clergé de Madriel, et Madriel lui-même seraient intéressés d'apprendre l'existence d'un tel zigoto.

En tout état de cause, le Sale est la seule personne à même de rendre sa virilité à Romeyro, pour peu qu'on retrouve son membre. Les joueurs peuvent maintenant poursuivre leur chemin et leur enquête à Shelzar même.

Au chevet du mourrant

Après un peu de tourisme dans la trépidante citée des plaisirs, un des premiers lieux que les joueurs auront certainement à cœur de visiter sera la demeure de Wolfram de Perluette. Frère cadet de Willifried, il a quitté très jeune le domaine familial afin de ne pas faire d'ombre à son aîné. C'est grâce à son sens des affaires plutôt qu'à son nom qu'il a su s'imposer, et aussi un peu par chance. Il siège actuellement dans quelques institutions politico-économiques de la cité et est en passe d'être admis dans le cercle " select " de la noblesse commerçante locale. L'essentiel de ses revenus proviennent de ses caravanes d'épices dont il a lui-même tracé la route vers les Ourkhadis dans ses vertes années. Un pari risqué mais qui a fini par payer. C'est qu'à Shelzar on est particulièrement friands d'épices !

Wolfram de Perluette

Noble 1 / Expert marchand 4 ; Loyal / Bon

Humain de 1m73 pour 76 kg

Fo 12 ; Dex 12 ; Con 10 ; Int 15 ; Sag 13 ; Cha 15

Bonus de base à l'attaque : +3 (épée longue de maître, total +5) ; Dégâts : 1d8

CA (jamais d'armure) :10

Points de vie : 28

Jet de Réflexes : +2

Jet de Vigueur : +2

Jet de Volonté : +7

Compétences : Bluff +9 ; Connaissances (région de Shelvar) +6 ; Diplomatie +7 ; Equitation +4 ; Estimation +9 ; Intimidation +4 ; Psychologie +8, Profession (marchand) +9

Dons : Arme de prédilection (épée longue)

Facteur de Puissance : 5

 

Les deux frères ont gardé de bons rapports quoique passablement distendus dans l'espace et le temps. C'est Wolfram qui a rapporté à Willifried l'existence de l'Université des Désirs Terrestres, l'excellence de son enseignement et la recrudescence d'enfants de potentats franchissant ses portes chaque année. Willifried a immédiatement compris l'intérêt d'un tel enseignement. Dans un monde régi par les passions, celui qui se rend maître des siennes propres ainsi que de celles de son opposant remportera toujours l'affrontement. On soupçonne trop peu le pouvoir de certaines expertises, et bon nombre de décisions se forcent dans la moiteur secrète de l'alcôve. Combien d'empereur ou de reines ne se sont-ils pas vus enchaîner par les entraves lascives de la soie et du désir ?

Wolfram accéda à la requête de son frère, et obtînt pour Romeyro la précieuse entrée à l'Université de Délices Terrestre, il accepta en outre d'héberger le jeune homme le temps que durerait sa formation.

Wolfram était chez lui lorsqu'on lui a ramené son neveu ensanglanté. Il a immédiatement pris les mesures qui s'imposaient : faire chercher les plus grands guérisseurs de Shelzar et avertir le père. Il a ensuite débuté une enquête mais, par manque de piste sérieuse a rapidement arrêté, d'autant que son frère semblait sûr de lui quand à l'identité du coupable.

Depuis son arrivée vingt ans plus tôt Wolfram a beaucoup progressé, ancien caravanier il est actuellement en pourparlers pour acheter des entrepôts dans le quartier marchand et a entrepris des tractations pour s'offrir une villa dans le Pezwahri. Pour l'heure il réside toujours dans un hôtel particulier du quartier Adazi où seule une des ailes du bâtiment est dévolue à l'habitation, la plus grande partie du volume trouvant en effet son emploi dans les activités commerciales et le stock.

S'ils sont attendus, les joueurs seront chaleureusement accueillis et hébergés, sinon il faudra compter sur plus de circonspection. L'affaire est grave et mérite pour le moins qu'on se renseigne sur des étrangers qui semblent en savoir long. Quelques questions suffiront à lever une partie des soupçons, un pigeon voyageur sera en outre envoyé à Lundt pour confirmation.

S'introduire de nuit dans la propriété n'est pas chose aisée, Wolfram a gardé quelques réflexes de sa vie d'aventurier, il s'est en outre offert les services d'une garde rapprochée en mesure de surveiller ses entrepôts et ses intérêts. Quelques pièges simples émaillent les abords de l'habitation ainsi que l'intérieur des stocks, décourageant les petits voleurs. Il sera plus simple de tenter sa chance en journée en profitant par exemple de l'agitation commerciale.

Dès le premier jour de sa convalescence Romeyro a bénéficié des soins de fervents de Madriel. A la demande de Wolfram les prêtres n'ont pas refermé la blessure mais l'ont simplement soignée. Ils la conservent maintenant ouverte en attendant qu'on trouve un moyen de " remplacer le membre ". Comme le dira la première ouvrière du sexe venue : " Mon petit monsieur, à Shelzar on peut vous l'allonger, pas l'faire repousser ! ". Romeyro est donc maintenant en stase, un coma prolongé dans lequel il ne peut souffrir.

Tous les jours il reçoit la visite d'un prêtre venant changer les bandages, parfaire la stase et renouveler le fluide vital du jeune homme. De fait, il n'est pas possible d'avoir une discussion intelligible avec le jeune homme. On peut cependant tenter de lire son esprit. On y déchiffrera avec peine toutes les informations désirées : Concernant les instants avant le drame on apprendra que Romeyro avait un premier rendez-vous très attendu avec une jeune fille de sa connaissance dans une auberge du Dédale. La suite par contre est rendue on ne peut plus floue certainement à cause du choc traumatique, à moins que ce ne soit l'alcool qu'il ait ingurgité alors, ou bien encore un poison ? D'ailleurs comment expliquer qu'un solide gaillard comme lui se soit laissé amputer sans broncher... Et puis, comme on l'apprendra plus tard personne ne l'a entendu crier lorsque c'est arrivé !

L'aspect général du convalescent confirmera l'hypothèse du substrat : dans les cheveux du malade on peut observer un anneau terne de couleur cuivrée. Sa hauteur sur les cheveux correspond à la date de l'accident. De la même façon des stries blanches peuvent être observées sur ses ongles.

Pour ce qui est de la nature exacte du poison il faudra certainement s'en remettre à la connaissance éclairée des quelques bons alchimistes de la ville.

Si les personnages s'enquièrent de l'Université fréquentée par Romeyro, Wolfram leur donnera l'adresse de l'Université des Désirs Terrestres et toutes les explications qui vont avec. Il fera encore moins de secret sur l'adresse de la Corne d'Or où le crime a été commis. On apprendra en outre que personne ne connaissait d'amis à Romeyro. Précisions que les étudiants vivent et dorment à l'université et n'ont que de rares occasions d'en sortir. Toutes les connaissances du jeune homme sont donc certainement à l'Université.

Si besoin est, ces informations pourront facilement être retrouvées dans la rue. Les crimes sont monnaie courante à Shelzar, et mettent fréquemment en scène des bourgeois ou des nobles autrement plus importants que cet inconnu venu de la campagne. Cependant, la Corne d'Or jouit d'une si bonne réputation que les badauds ont été très heureux de pouvoir colporter le fâcheux événement qui s'y est produit dernièrement.

La Corne d'Or

Cet établissement est une des auberges les plus selects et les plus onéreuses de la ville. Située sur une hauteur du dédale, et à quelques pas du Pezwhari on y jouit d'une vue imprenable. On peut y déguster des mets recherchés, s'attarder dans une salle commune qui a tout du club de gentlemen, se détendre dans d'autres salles plus frivoles où consommer toute sorte de substances, ou encore profiter des quelques chambres isolées au dernier étage, donnant toutes de plein pied sur un jardin suspendu au dessus de la cour centrale. C'est d'ailleurs dans l'une de ces chambres que Romeyro a subi son calvaire.

L'auberge est bâtie autour d'une petite cour de dessertes et s'étend sur quatre confortables étages. Elle possède son propre service d'ordre, aussi discret qu'efficace. Il s'agit bien évidemment de protéger les clients de toute intrusion intempestive, d'autant que les clients très importants constituent des cibles pour de potentiels assassins.

La décoration est à la hauteur des sommes demandées et les services proposés, dispensés par un personnel aussi nombreux que zélé.

Aynnelle, la patronne, est issue des bas quartiers. Elle en a gardé les allures et le franc parler et bien que toujours parfaitement mise elle contraste énormément avec le décor. L'ambiance du lieu ne s'en ressent cependant pas, car Aynnelle ne se montre que rarement et ne supporte pas le moindre écart de conduite de ses employés.

Elle avait des " rapports privilégiés " avec Romeyro à qui elle faisait un tarif préférentiel sans lequel le jeune homme n'aurait certainement pas pu venir aussi souvent qu'il le souhaitait. Son accident a troublé Aynnelle : Au delà du chiffre d'affaire qui depuis a drastiquement chuté, elle prend cette incursion chez elle comme une atteinte personnelle. Les pouvoirs locaux ne faisant rien pour élucider l'affaire elle a payé des aventuriers pour enquêter. Aynnelle sait en outre qu'il ne sert à rien de tenter d'étouffer la rumeur, mieux vaut faire toute la lumière, prendre vengeance et prouver au mieux que le service d'ordre n'a pas failli.

Si elle a vent de ces étrangers posant des questions en salle elle voudra immanquablement les voir et les interroger. Peut être même souhaitera-t-elle les embaucher à la place de ces incapables qui ne lui ont encore rien ramené de substantiel.

On apprendra que Romeyro aimait beaucoup cet endroit, son luxe, sa frivolité, et qu'il appréciait particulièrement d'y être vu au milieu des potentats de la ville. Il avait des accords avec la patronne qui s'entiche fréquemment d'un de ces gosses de riches étudiant à l'Université des Désirs Terrestres. Romeyro venait de temps en temps profiter des alcôves et des chambres isolées avec une nouvelle conquête. C'était d'ailleurs le cas le jour où on l'a retrouvé saignant comme un porc dans la " chambre pourpre ". Les gens pourront même décrire la jeune blonde aux traits anguleux à qui il avait donné rendez-vous ce jour-là, la mine anxieuse qu'ils lui avaient vue pour la première fois alors qu'il attendait sa compagne depuis bien une heure, son sourire lorsqu'il la vit enfin arriver... Aucun doute, celle-là, il l'avait dans la peau !

On apprendra encore que c'est une jeune servante du nom de Nilweln qui a donné l'alarme. Trompée par la porte laissée ouverte, signe habituel et discret que les occupants en ont fini avec le lieu et le cèdent au personnel de maison, elle était entrée et avait découvert la scène.

Grâce à la célérité des secours on avait pu contenir l'hémorragie, rendue particulièrement rapide par l'administration probable d'un anticoagulant. Nul doute que le meurtrier souhaitait tuer Romeyro et qu'il n'était pas au fait des us et coutumes de la maison.

En ce qui concerne la fille qui accompagnait la victime, personne ne l'a vue sortir de l'auberge.

Si les joueurs souhaitent parler à Nilweln, ils apprendront que la servante n'est pas venue travailler depuis quelques jours et qu'on l'a remplacée sans même chercher à connaître ses raisons. Une maison distinguée ne court pas après ses employés.

Les joueurs pourront se rendre au domicile de la famille de la jeune fille dans le fin fond du Shadhi. On y est sans nouvelle depuis la même date. La disparition a beau être récente, elle n'est pas dans les habitude de Nilweln, aussi les parents en conçoivent-ils de l'inquiétude... Mais que faire ?

Après une rapide enquête parmi les amies de la jeune fille les joueurs apprendront que cette dernière venait de se trouver un nouvel amant, Wülg, un vaurien domicilié dans la rue des petites mains. Rendus sur place les joueurs feront la macabre découverte des deux amants enlacés dans la mort, les yeux vitreux, la peau bleuie et les membres crispés dans une attitude parodique de l'orgasme. Au chevet des amants pauvres la grande mort a remplacé la petite.

Les personnages ne manqueront pas de remarquer un objet hétéroclite sur le sol de la mansarde crasseuse, répandant son contenu poudreux, une petite boîte en ivoire incrustée de bois et de métal précieux, arborant la marque distinctive des de Perluette.

On se convaincra sans mal que c'est le contenu de la boîte qui a provoqué la mort des deux amants. Il s'agit en effet de la " boîte à secrets " de Romeyro dans laquelle il stockait sa poudre de licorne et dans laquelle son agresseur a déposé quelques grains de la mortelle substance (Ce qu'une LECTURE D'OBJET confirmera.). Sur la scène du crime la jeune Nilweln n'a pas perdu tout son sang-froid et a dérobé le bel objet avant de donner l'alarme. La renommée de la poudre de licorne n'est plus à faire, elle est malheureusement hors de prix et donc hors de portée des petites gens. Quoi de plus naturel que de sauter sur l'aubaine lorsqu'on y a accès ?

Les alchimistes de Shelzar

Avec la description des traces observées sur Romeyro, tous seront à peu près unanimes sur quatre produits provoquant les stries observées sur Romeyro :

- L'Asphègne rougeâtre, un narcoleptique hors de prix qu'on ne trouve que rarement chez les alchimistes. Il est généralement utilisé dans les feux d'artifices plutôt pour augmenter le prix de la préparation que réellement pour en augmenter la qualité. Les alchimistes malhonnêtes et les riches commanditaires prétendront certainement le contraire. Ses propriétés psychotropes sont généralement négligées à cause des effets secondaires et de la difficulté du dosage : trompez-vous de quelques grammes et c'est la purge !

- Le Vipérein cuivré, un poison aussi rapide que virulent. Il agit par cyanose, asphyxie de la victime. Avec à peine un gramme on vient à bout d'un individu en même pas une seconde. Inutile de dire que ce produit n'est pas en vente libre. Il faudra le chercher du côté du Cartel du crime de Sa'an si tant est qu'on puisse en trouver et qu'on puisse y mettre le prix...

- Le Narcisse borgne, une plante fréquemment utilisée dans la confection de produits de beauté, justement destinés à créer des annelures dans les cheveux et sur les ongles. La production est extérieure, rare et onéreuse, à tel point que même ici à Shelzar il faut être privilégié pour y avoir accès. Les clients se comptent sur les doigts d'une main et devront tous être cherchés parmi la haute société de la ville.

- L'Ondulente, un puissant paralysant qu'il est quasiment impossible de se procurer à Shelzar. Encore un cas d'école, connu uniquement par les livres. Peu usité par les civilisés, c'est l'apanage de sauvages qui l'emploient pour la chasse et, prétend-on, pour le vol des femmes entre tribus. Ce produit, s'il existe à Shelzar, ne pourra être trouvé que chez le vieil Elfaroum, un apothicaire connu pour la diversité de ses produits.

Naturellement, il n'est pas possible d'en savoir plus sans faire une analyse du produit ingéré par la victime. Si néanmoins les joueurs réussissent à fournir les quelques grammes de la poudre de licorne trafiquée, après la demi journée nécessaire il en apprendront un peu plus : Le produit incriminé parmi les quatre précités est très certainement l'Ondulente, mais on trouve aussi des traces d'une autre substance qu'il sera possible de déterminer moyennant un investissement pécuniaire de la part des personnages. Un alchimiste compétent ne mettra pas trop longtemps à identifier un anti-coagulant, surtout si on a eu la bonne idée de lui parler des premiers symptômes de Romeyro. La nouveauté intéressante pour les personnages, c'est que ce produit utilisé en médecine l'est aussi parfois par les mystiques qui lui donnent le nom de " grande transe ". En accélérant la fluidité du sang il provoque un état de conscience permettant parait-il à certains adeptes de s'approcher de leur dieu. Une enquête dans ces milieux révèlera que seules certaines sectes dépravées ont recours à cette drogue dévastatrice. Bien que la vente de produits ait lieu en surface, ces mouvements sectaires sont invariablement localisés dans le monde souterrain, la ville sous la ville.

Dans cet endroit isolé on a toutes les chances de faire de mauvaises rencontres. S'ils passent outre les rencontres probables avec des morts-vivants en goguette ou des sectateurs du Culte des Anciens, les personnages auront facilement accès à ces nombreux tripots en marge de la loi Shelzari ainsi qu'aux cultes secrets qu'ils sont venus épier. En persévérant dans cette direction et avec autant de chance que de persuasion ils entendront peut-être parler des " maudits " ou des " vomisseurs impies ", ces entités monstrueuses qui hantent le fond du fond de ces tunnels insalubres.

De retour au quartier du Souk, l'échoppe du vieil Elfaroum, une des seules encore en dur, mérite le détour. Une multitude d'herbes se côtoient, mêlant leur fragrance dans un capharnaüm de boîtes, de sacs de jute et de papier. Des éprouvettes bouchées à la cire, des pots de porcelaine et des tonnelets recèlent de pommades, d'élixirs et de préparations en tout genre concoctées dans l'arrière boutique ou à des milliers de kilomètres de là. Pour parachever l'empilement désordonné, des objets aussi hétéroclites qu'une main de singe séchée, un fœtus d'ours en bocal ou des racines homuncules pendent du plafond ou s'entassent dans des panières d'osier crevées et sur des étagères faussement branlantes. Elfaroum ne départit pas dans ce décor. Ridé, fripé, voûté, arborant bésicles et nez crochu, l'air toujours souriant, un accent étranger prononcé on pourrait dire de lui qu'il est sans âge. A-t-il d'ailleurs jamais été jeune ?

Elfaroum sera assez surpris qu'on s'intéresse à l'Ondulente, ce produit rare (goûtons l'ironie) qu'il fait venir de très loin grâce aux caravanes d'épice d'un " nouveau " marchand de Shelzar. Il sera très embêté de ne pas trouver le pot à sa place sur l'étagère et relatera la dernière fois où il s'en est préoccupé. Il y a quelque mois une jeune fille est venue lui demander s'il possédait du Narcisse Borgne, ce sur quoi l'espiègle vieillard avait répondu sur le ton de la plaisanterie que le seul produit qu'il possédât susceptible de lui faire de jolis anneaux dans les cheveux se trouvait dans ce pot de céramique. Il avait alors embranché sur les origines et les vertus de l'Ondulente (c'est pas tous les jours qu'on a un aussi joli auditoire) pour conclure sur le fait qu'il n'était absolument pas honteux de mourir jeune pourvu qu'on laissât un beau cadavre.

Dans les élucubration du vieillard les joueurs pourront reconnaître le portrait de Laëlith : une jeune Elfe, blonde, et arborant une poitrine trop opulente pour sa race. Elfaroum pourra encore mentionner cette racine talisman que la jeune dame arborait en guise de collier, niché dans un si bel écrin.

L'Université des Désirs Terrestres

Les joueurs finiront tôt ou tard par visiter cet endroit où Romeyro passait le plus clair de son temps. Bien que dans de nombreux pays lointains l'université soit perçue comme un emblème de la ville, il faut bien avouer qu'ici à Shelzar son rayonnement est bien moindre qu'on pourrait le penser. Bâtie il y a de cela quelques siècles par un idéaliste inspiré, elle ne trouva pas place ailleurs que dans le quartier étranger, et par la force des choses elle y est restée, bien qu'entre temps elle soit tout de même devenue une sorte d'institution Shelzari. On ne lui reconnaît aucune sorte de pouvoir politique, mais tous reconnaissent son enseignement.

De l'extérieur, la bâtisse offre le spectacle d'un gigantesque mur aveugle. Une enceinte de trois étages sans aucune ouverture ceinture un intérieur secret, épousant à peu de chose près le contour d'un carré d'une centaine de mètres de coté. Le pourtour de cette construction est rehaussé de trois bandes continues dévoilant des bas-reliefs dont les scènes explicites laissent présager de l'enseignement dispensé à l'intérieur. De quoi faire des envieux.

Sur un des côtés, une volée de marches donne accès à un bâtiment de marbre perçant la muraille d'enceinte. La porte, réalisée à la manière classique à des allures de vulve ; et si le quidam naïf pourrait encore avoir des doutes, les caryatides et autres statues agrémentant les abords s'occuperont de les dissiper définitivement.

Mais attention, rien de trivial nul part ici. L'observateur pourra d'ailleurs s'étonner des poses sérieuses arborées par toutes ces icônes priapiques. A l'Université des Désirs Terrestres on forme les artistes du sexe de demain, pas ses artisans, et encore moins on ne brade un orgasme à la petite semaine bon pour la ménagère des bas quartiers ! Non, ici sexe et plaisir font l'objet d'une véritable science !

Laissons aux personnages le soin de trouver un bon prétexte pour pénétrer l'enceinte sacrée mais précisions tout de même qu'il leur suffira de dire la vérité sur Romeyro pour être entendue de la doyenne et grande Maîtresse Naldwyn de Fontanay. Rappelons à toute fin utile que rien ici n'a filtré à l'intérieur des murs concernant l'agression du jeune homme. La doyenne a simplement été avertie par la famille que pour des raisons de santé le jeune de Perluette ne pouvait continuer de suivre les enseignements.

Stricte et revêche, la directrice de l'Université présente tous les aspects d'une morale rigoureuse. Avec cette froideur si typique de ceux chez qui la loyauté l'emporte sur la bonté, elle consentira à aider les enquêteurs dans les limites de ses capacités : permission spéciale d'enquêter dans l'établissement, d'interroger les professeurs et leurs élèves. Pourvu qu'on ne dérange pas le bon ordre de la maison.

Une fois dans l'enceinte on pourra admirer l'intégralité des bâtiments. Quatre constructions longues d'une centaine de mètres et d'une hauteur de trois étages encerclent un jardin carré. Leurs murs donnant sur la rue sont intégralement lisses, ceux donnant sur le jardin sont ajourés de petites lucarnes. Le bâtiment par lequel on entre dans la cour est entièrement dévolu à l'administration et l'intendance. On y trouve aussi le dortoir des gardes eunuques, les cuisines et le réfectoire. C'est de loin la plus épaisse des quatre ailes. Suit la bâtisse en vis à vis, abritant les salles de travaux pratiques. Enfin, les deux autres ailes abritent les dortoirs des élèves : une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Comme on l'a déjà dit, l'Université n'est ni un lupanar, ni un baisodrome. Le sexe y est une chose sérieuse.

La cour centrale comprend six bâtiments annexes dotés chacun d'un amphithéâtre et de salles annexes. Tous les bâtiments sont reliés entre eux par des extensions souterraines fermées aux étudiants. Une légende de potaches circule d'ailleurs sur l'existence d'un donjon souterrain où les mauvais étudiants seraient enchaînés et punis par des êtres cagoulés à la peau squameuse et noirâtre. Cette salle existe effectivement mais n'est plus guère usitée depuis les changements de mode concernant certaines pratiques.

L'université dispense divers types d'enseignements destinés à un public hétéroclite. Certains hommes font ainsi suivre une formation à leur épouse, leur concubine ou parfois leur fille (un tel enseignement est parfois plus vendeur qu'une dot). Parfois ce sont des gérants d'établissement licencieux qui misent sur la formation de leur personnel. Ce type d'enseignement est le plus rapide et le plus basique. Il ne constitue pour autant pas l'essentiel du savoir dispensé ici.

Non content d'apprendre l'anatomie et ses secrets (de l'homme à l'orque en passant par l'elfe et le nain), on reçoit aussi une solide formation pratique et technique complétée par un savoir poussé sur des sujets aussi divers que les herbes, les drogues, les filtres, les sorts, contre sorts et autres parades amoureuses.

Des options permettent encore d'enrichir la répartie, l'étiquette, l'apparence, la prestance et le sang-froid. On peut aussi découvrir les cultures ethniques, les mille et un secrets permettant d'enchaîner un homme ou une femme, les rouages secrets du désir et les moyens de les provoquer.

Bref, il y a tout ici pour former le commercial le plus retors, la parfaite fille à marier, la putain la plus exercée, l'espionne la plus dangereuse, ou encore le politicien le plus froid.

De nombreuses légendes circulent d'ailleurs sur de célèbres étudiants de cette institution. Parmi les plus récents, Kaharn " doigts agiles " aurait exécuté plusieurs missions pour la guilde de marchand qui avait pris en charge sa formation depuis l'âge de quatre ans. Il aurait ainsi réussi à obtenir des contrats d'exclusivité avec des peuplades elfes des bois ou des colonies de nains réputés particulièrement fermés à la vie civilisée. On cite aussi souvent Youn'Li, cette princesse offerte en gage d'amitié et de paix à un royaume voisin, et qui en aurait rapidement pris les rênes en manipulant son mari pour le compte de ses commanditaires. Condamnée à mort elle aurait réussi à s'enfuir et on n'a plus aucune nouvelle d'elle depuis.

Les professeurs dresseront invariablement le même profil de Romeyro : des prédispositions certaines, la capacité et l'envie de bander à tout bout de champs, mais bien moins de jugeote qu'un bonobo. Intéressé essentiellement par les techniques physiques et morales lui permettant d'assouvir ses pulsions, de prouver son excellence à lui-même et à son entourage. Le profil type de l'adolescent rendu libidineux par la promiscuité étouffante et castratrice d'un père à l'aura trop imposante. Avec un an ou deux de plus on aurait peut-être réussi à l'ouvrir au monde, à lui faire comprendre toute la portée de ses outils. Rien n'est moins sûr. Ici tout le monde s'accorde en effet à dire que passé l'âge de six ans il est très difficile de prendre en main un nouvel élève. Non, pour faire un virtuose du sexe, c'est comme pour le clavecin, ou la viole de gambe, il n'y a pas de secret, il faut commencer très tôt.

Bref, un crève cœur de voir tant de prédispositions aussi piteusement gâchées. Cela étant, on est bien obligé de les accepter ces gamins de riches, ne serait-ce que pour payer les murs... Et puis, il paraîtrait que ce Romeyro a été introduit par un de nos meilleurs négociants en onguents et poudres.

En ce qui concerne les horaires de cours, ils sont bien aussi drastiques que ce que Wolfram en laissait entendre : les élèves ne sont libres qu'un week-end par mois. Tout le reste du temps ils le passent ici, sous le regard scrutateur de leurs professeurs. Les hypothèses de dettes de jeu ou de cocufiages semblent donc ne pas tenir la route... On s'en convaincra encore en discutant avec les camarades et voisins de chambrée du jeune homme. Romeyro faisait partie d'un quatuor inséparable de fils de notables et de nobliaux. Tous du même âge et du même profil. Parmi eux on pourrait apprendre que le jeune homme " s'était tapé " quatre ou cinq filles de l 'école, du moins le prétendait-il. Ce genre de rapports est formellement interdit dans l'enceinte de l'école et très certainement réprouvé en dehors, aussi faudra-t-il bien manipuler les jeunes gens pour obtenir leurs confidences. On obtiendra alors le nom des cinq conquêtes attribuées à Romeyro et celle qui était en passe de devenir la sixième : Esmiriald. C'est d'ailleurs avec elle que Romeyro avait rendez-vous le jour du drame.

On pourra aussi avoir une partie de ces informations auprès de Gahl, un trentenaire étudiant attardé qui regarde évoluer ses jeunes collègues partagé entre attendrissement et ironie.

Au pavillon des filles on pourra être surpris de ne pas trouver uniquement des inénarrables beautés. La plupart sont même assez communes et certaines pourraient être taxées de " laides " suivant les canons en vigueur... Cependant, force est de constater que toutes sont attirantes, ou du moins savent-elle se rendre telles. Certaines profiteront de la présence rare de ces étrangers pour tester le savoir qu'elles ont acquis ici.

Laëlith, une elfe aux traits harmonieux et à la chevelure blonde ondulée entame sa seconde année. On pourra s'étonner de la taille volumineuse de ses globes lactifères, une singularité, s'il en est, pour une elfe. Son collier où pend une racine torve et rabougrie pourra encore rappeler le portrait de la visiteuse inconnue d'Elfaroum. Laëlith est une jeune esclave appartenant à un lupanar du quartier étranger. Sa grande beauté a convaincu le patron d'en faire un produit de luxe, d'où la formation onéreuse. Il n'est pas exclu qu'après cela il trouve à la revendre à un richissime amateur plutôt que de la mettre en service à son propre compte...

Habituée à être regardée comme un objet de luxe depuis sa plus tendre enfance, c'est un être particulièrement superficiel et spontané. Elle ne verra aucune difficulté à admettre qu'elle s'est rendu chez l'apothicaire à la recherche de Narcisse Borgne et niera de manière véhément avoir quoi que ce soit à faire avec le vol. Ce n'est cependant qu'interrogée en privé qu'elle admettra avoir eu des relations avec Romeyro, elle prétendra avoir agi essentiellement pour visiter cette ville inconnue et dira avoir été positivement charmée par la promenade. Les jolis anneaux cuivrés de ses cheveux et les stries de ses ongles diront mieux qu'elle, comment Romeyro a acheté sa " promenade romantique ".

Si on ne lui pose pas explicitement la question, la jeune Elfe ne se souviendra pas tout de suite avoir mentionné sa visite à l'herboriste à l'une de ses " copines de classe ". Il faudra attendre quelques temps avant que l'importance de ce détail la frappe et qu'elle tente de reprendre contact avec les personnages pour leur parler d'Esmiriald.

Notons au passage que Laëlith a un visage fin mais arrondi qu'on ne saurait qualifier d'anguleux. Une confrontation à la Corne D'or achèvera de convaincre qu'il s'agit là de la jeune fille d'avant, pas de celle du jour du crime.

Venons en à celle qui tient ce scénario entre ses prunelles de jais : Esmiriald. Jeune femme à la beauté froide et envoûtante chez qui on sent toute l'excellence de l'enseignement dispensé à l'Université. Blanche de peau, ténébreuse de cheveux et d'iris, suave, calme, mystérieuse, profonde et posée c'est l'emblème des professeurs, leur succès. Instruite ici depuis l'âge de cinq ans, à beaucoup d'égards elle en sait plus même que ses enseignants. Elle doit quitter l'Université l'an prochain, pour où ? Cela nul ne le sait. Son enseignement a été intégralement payé à son entrée quinze ans plus tôt. La doyenne se souvient parfaitement de ce jour où la gamine est arrivée sur les épaules d'un individu obèse et capuchonné. Elle se rappelle précisément de cette odeur méphitique qui semblait sourdre de la silhouette immense, et la voix caverneuse étouffée par les hardes sales qui couvraient son visage... Quinze ans payés d'avance, le tout en joyaux d'une pureté absolue. Comment refuser !

Devant Esmiriald il est très difficile de conserver une attitude objective. Si l'on est pas rompu à toutes les défenses contre la séduction on peut se départir d'une affection particulière pouvant aller de la simple sympathie à l'admiration sans borne. Pour faire naître ces passions chez son interlocuteur Esmiriald n'utilise rien d'autre que de savantes modulations de son attitude. Un maintien qu'elle a maintenant naturellement, sans même avoir à y penser. Ce qui laisse présager de son pouvoir si elle décidait d'y mettre les formes.

Avec une connaissance succincte du passé de la jeune fille les joueurs seront peut-être suffisamment sur leurs gardes pour résister quelques peu à ses charmes naturels.

Esmiriald repoussera d'un haussement d'épaules toute allusion à son prétendu rapport avec Romeyro, ce jeune fat. Avec la perruque blonde et les quelques colifichets qu'elle portait le jour du crime elle ne craint pas d'être reconnue et se sait en sécurité à l'Université. Si les joueurs ont lu dans l'esprit de Romeyro ils ne manqueront pas d'être troublés par la vision d'Esmiriald mais sauront formellement la reconnaître. Naturellement, tout le monde ici prendra la défense de cette élève modèle, et toute esclandre dans l'établissement est impossible !

Ayant appris la survie de Romeyro, la jeune fille décidera certainement de finir ce travail bâclé par un mauvais concours de circonstances. Elle pourrait facilement séduire un des gardes et le convaincre d'agir pour elle, ou bien en désespoir de cause elle pourrait se déguiser en servante pour achever sa victime elle-même.

Dans la croupe de Shelzar

Une surveillance discrète de l'Université permettra aux joueurs de remarquer les allées et venues discrètes d'une mystérieuse silhouette. Versée dans les arts des ombres, Esmiriald a en effet la capacité de s'éclipser incognito du bâtiment. En journée elle est susceptible de passer simplement par la grande porte, faisant preuve de la discrétion d'une voleuse exercée. Mais elle n'a que rarement recours à ce procédé. Elle préfère attendre la nuit pour emprunter les passages secrets qu'elle a découverts dans le bâtiment. Elle quitte l'Université par un vide ménagé à l'arrière d'une des statues du premier balcon de la façade.

De là, elle s'engouffre dans les rues de la ville, puis dans ses égouts pour en rejoindre les profondeurs secrètes. Etrangement, personne ne s'interpose à cette frêle jeune fille dans son voyage souterrain, ce qui ne sera certainement pas le cas des joueurs qui devront déjouer quelques chausse-trappes.

Ayant réussi à se dépêtrer de leurs assaillants les personnages pourront en apprendre d'avantage sur la silhouette qu'ils suivent. Là en bas on l'appelle l' " oubliée " en raison de sa facilité à déjouer les filatures et on prétend que le simple fait de croiser son regard porte malheur. Elle descend plus bas que personne n'ose le faire... et remonte toujours. Personne ne lui cherche noise, pas même le Culte des Anciens. On la dit en relation avec les " vomisseurs impies ", ces êtres mystérieux qu'on prétend avoir vus hanter certaines galeries oubliées du fond du monde souterrain. On les dit anciens habitants de la surface précipités vers les bas-fonds à force de déchéance et d'excès. Caricatures humaines flasques et putrides, ils auraient été châtiés par Ehnkili pour avoir outrepassé les limites de l'indifférence ou pour avoir tenté de truquer le destin, d'autres diront qu'ils n'ont jamais été humains et qu'au contraire ils prétendent à cette humanité, grimant à l'excès les travers d'une attitude qu'ils ne comprennent pas.

Enfin de compte on en dit beaucoup de choses et l'on n'en sait rien vraiment car rares sont ceux à être remontés vivants des lieux qu'ils se sont octroyés.

Le fait est que personne ne pourrait suspecter que ces horreurs humanoïdes ne sont rien moins que les brouillons de leurs dieux ; une étude préparatoire réalisée par les titans et oubliée tout de suite après. Un petit groupe d'entre eux s'est réfugié sous la surface à l'endroit qui devait devenir Shelzar. Dans la pierre vierge ils ont modelé de gigantesques salles à leur image et y ont longtemps vécu une vie de cloporte. De nature apathique, pétris, pourris de jalousie et de crainte à l'endroit de leurs pères et de leurs cadets ils auraient pu vivre une éternité dans ce lieu enfoui. Un jour pourtant on devait accidentellement réveiller leur curiosité en perçant le sol.

Maintenant qu'ils ont vu la surface et sa vie trépidante, l'envie a pris le pas sur la crainte. Ils ont longtemps observé la surface, puis ont accepté les offrandes des rares cultistes dégénérés qui les prenaient pour des dieux, et ils ont pris goût à cette divinité qui leur revient de droit.

Un temps belsameth les a découverts et a tenté de les détruire, mais à cause de leur nature divine elle n'y est pas parvenue. Jugeant que ces êtres dégénérés ne représentaient pas une menace elle se contenta de détruire leurs rares adorateurs.

Dans l'affaire, les " vomisseurs impies " avaient néanmoins découvert que les dieux ne pouvaient rien contre eux. Enhardis ils ont décidé de remonter à la surface pour clamer leur filiation et reprendre leur dû : Shelzar. La conjoncture est d'ailleurs à leur avantage, les chemins de la décadence et du flétrissement sont déjà bien empruntés.

Pour parvenir à leurs fins, les vomisseurs ont décidé de copier l'acte d'Enkhili qui a tant marqué les habitants de la cité et en est devenu en quelque sorte l'esprit. En créant Esmiriald, et en l'instruisant des savoirs les plus représentatifs et les plus enviés de la cité ils comptent en faire leur prophète. Un prophète encore plus envoûtant que ne le fut Ghourika en son temps. A la surface ils sont en effet nombreux à attendre le retour du trompeur sous sa forme féminine. Un beau quiproquo en perspective.

Les personnages auront du mal à suivre directement la piste d'Esmiriald car cette dernière est en effet assez habile à masquer sa trace. Il sera plus efficace de discuter avec les autochtones. Ces derniers connaissent effectivement les coins dangereux du monde souterrain et pourront aiguiller les joueurs vers les zones où leur gibier a le plus de chance de se trouver. Pour gagner ces informations les joueurs seront peut être amenés à prendre partie dans une querelle de gueux souterrains, ou à aider ces derniers à se débarrasser de morts-vivants qui menacent leurs installations.

Enfin en chemin pour le temple des vomisseurs impies, les joueurs arpenteront un labyrinthe de couloirs, de grottes et de pièces insalubres avant de percevoir les relents de pourriture, de charogne et de déjections caractéristiques de ces demi-dieux. Surmontant leur dégoût les personnages pénétreront dans une immense cathédrale souterraine éclairée par quelques orbes lumineux. Les sols comme les murs suintent d'une substance organique et malodorante.

Affalés dans de grands trônes de pierre les vomisseurs balancent mollement leurs membres et leurs tentacules faciaux. Hauts d'environ deux mètres cinquante et presque aussi larges, ils n'ont en fait pas grand chose d'humain. Leur peau verdâtre et squameuse fait de nombreux plis suintants, et leur visage est couvert de petits tentacules.

Ils ne représentent pas une menace pour des humains de passage, mais se défendent si on les attaque... Ce qui est souvent le cas en raison de leur apparence malsaine. Les armes usuelles ne peuvent pas grand chose contre eux, non plus que la magie.

S'ils viennent de nuit les joueurs pourront observer ces pachydermes malodorants entourer Esmiriald et la caresser de leurs tentacules faciaux. C'est par ce biais qu'ils lui transmettent le fluide vital qui lui est nécessaire. Pendant toute l'opération la jeune fille semble comme transfigurée ; elle tourne sur elle-même en lévitation au milieu de cette forêt tentaculaire et émet une faible lumière pulsatile.

Il sera possible de parler avec les demi-dieux, en dépit de leurs problèmes d'élocution ils maîtrisent parfaitement le Shelzari. Dans un coin du temple, au pied d'une colonne on trouvera une paillasse pourrie. Il s'agit de la couche d'Esmiriald, celle sur laquelle elle a dormi ses six premières années. A coté de ce résidu de paille on pourra voir ce qui ressemble à un monceau d'ordures, le trésor d'Esmiriald, tous les objets qu'elle dérobe à la surface lorsqu'elle échappe à son contrôle et reprend les attitudes de ses pères.

Les objets les plus hétéroclites s'y côtoient, du rat crevé au membre arraché et momifié en passant par une boucle d'oreille en toc, un authentique bijoux ou une dague en shelzarium. Bien en évidence au sommet du tas on découvrira enfin un bocal de formol dans lequel flotte la virilité de Romeyro. En fouillant bien dans le tas on trouvera d'autres bocaux du même type, mais leur contenu est en moins bon état.

Les vomisseurs ne verront pas d'un bon oeil qu'on tente de dévaliser leur fille, quant à elle, elle rentrera probablement en furie. L'idéal sera donc de passer un marché ou de faire diversion.

Esmiriald

Aberration semi-divine ; Loyal / Mauvaise

Apparence d'humaine de 1m81 pour 59 kg

Fo 16 ; Dex 18 ; Con 14 ; Int 18 ; Sag 15 ; Cha 20

Bonus à l'attaque (épée courte) : +19/+14/+9 ; Dégâts : 1d6+4 (critique 18-20)

CA : 16 (+4 dex ; +2 armure naturelle)

Initiative : +8

Points de vie : 94 (12 dés de vie)

Jet de Réflexes : +7

Jet de Vigueur : +12

Jet de Volonté : +8

Compétences : Acrobatie +15 ; Déplacement silencieux +15 ; Discrétion +15 ; Crochetage +16 ; Désamorçage/Sabotage +16 ; Détection +17 ; Perception auditive +17 ; Estimation +15 ; Fouille +16 ; Diplomatie +14 ; Bluff +15 ; Intimidation +17 ; Psychologie +13

Dons & Pouvoirs : Arme de prédilection (épée courte), Botte secrète (épée courte), Esquive instinctive, Esquive surnaturelle, Attaque sournoise (+4d6), Suggestion (2/jour), Science de l'initiative, Science du critique

Facteur de Puissance : 13

 

 

Pour ce qui est des explications, ne cherchez pas trop loin, disons que Romeyro s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. La beauté froide dont il s'était éprise n'était pas humaine, rien de plus que le songe exalté de quelques êtres morbides. Esmiriald est autonome, ses pères l'ont voulue ainsi. Elle est libre, trop libre même, et ses origines divines cède parfois la place à des pulsions morbides qu'elle ne peut (veut ?) réprimer. Après tout, n'est-elle d'ailleurs pas supérieure à tous ces vivants qui arpentent la surface ? Mortifier la chair d'autrui est pour elle un moyen de s'approcher plus encore de la divinité : au-delà de sa liberté propre elle empiète sur celle de l'autre. C'est là la liberté totale. Mais peut-être se leurre-t-elle elle-même ? Peut-être après tout avait elle des vues sur Laëlith et n'a-t-elle agit que par jalousie ?