Aide de Jeu


Pour : Tout univers


Auteur(s) :

Olivier DUPUIS

Illustrateurs(s) :

Elisabeth THIERY


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Eastenwest > 18 - L'art de la guerre



La guerre dans les règles de l'art

La guerre est une compagne habituelle des parties de jeu de rôle. Mais rarement les PJs se retrouvent aux postes de commande, là où on tire les ficelles ; la gestion stratégique des forces armées relève bien plus des wargames que l'on n'a curieusement jamais osé traduire en " jeux de guerre ". Au mieux, les personnages se retrouvent dans la position de deus ex machina, renversant le cours des événements par une action d'éclat. Plus souvent les PJs se trouvent englués, pris dans les événements, et l'aventure qui leur est proposée n'est qu'une péripétie parmi tant d'autres survenant dans un royaume en proie à la guerre. En effet, celle-ci génère un nombre important de situations dans lesquelles le scénario peut piocher allègrement pour proposer des intrigues, des rebondissements, de l'aventure.

Je vous invite ici à explorer plusieurs situations classiques que l'on retrouve dans un contexte de guerre, et voir pour chacune quel cadre peut être réexploité dans de futures aventures. Enfin pour terminer, je vous propose une bibliographie sommaire sur la tactique et l'art de la guerre.

Loin des combats

Diplomatie : alliances et discordes

Un conflit met rarement en jeu deux uniques parties ; le passé des protagonistes leur a souvent permis de se constituer des alliances, ou au contraire de se fâcher avec plusieurs autres partis. On peut donc rassembler les différents acteurs du moment en trois catégories, les alliés, les ennemis et ceux qui restent, momentanément, neutres. Contracter des alliances et atténuer les dissensions avec les pays non belligérants sont des tâches ardues mais indispensables pour une bonne politique, y compris en temps de guerre. Les alliés peuvent intervenir directement, mais aussi permettre le passage, offrir des renseignements, supporter la logistique, etc. Renouer le contact momentanément avec d'anciens ennemis peut apporter, souvent au prix fort, des ressources inattendues pour l'adversaire et tromper ses estimations ou ses plans. Enfin si le conflit déborde sur le terrain des pays neutres, il risque de s'enliser sérieusement. C'est rarement de l'intérêt des deux partis ; les PJs peuvent recevoir la mission d'empêcher qu'un tel désordre ne survienne, ou, à l'inverse en être les auteurs, conscients ou non...

Renseignement

Dans tout conflit, chaque partie déploie une grande énergie, souvent souterraine, pour connaître les ressources et les projets de l'adversaire. Du point de vue militaire, connaître l'état de ses troupes, le niveau de leur formation, les noms et les états de services de ses généraux est crucial pour estimer le rapport des forces. Mais connaître l'organisation de l'armée adverse, comment elle s'approvisionne en matériel, en nourriture sont des informations de premier ordre qui pourront permettre de mettre en place des stratégies de blocus ou d'affaiblissement. Enfin connaître l'état des alliances et l'état politique du pays, principalement des opposants au régime, ou tenter de se créer des alliés dans la place sont des travaux d'espionnage qui pourraient parfaitement servir de mission ou de cadre de mission pour des PJs habiles.

L'armée, ses besoins et ses contraintes

Formation

La formation est un chapitre quasiment incontournable des ouvrages militaires historiques ; or ce point est complètement oublié dans le milieu du jeu de rôle alors qu'il pourrait apporter des situations de jeu intéressantes. Selon le type de l'unité concernée le mode de formation change.

Par exemple, une milice est surtout constituée de bourgeois autoformés, qui ont le devoir dans leur semaine de passer un certain temps au pas de tir et sans doute de participer à certaines manoeuvres groupées. Alors qu'une armée régulière gérera le recrutement, la préparation physique, la formation technique et la discipline de camp (voir le livre I de Végèce [4] par exemple). Toutes ces préparations ne peuvent se faire à l'abri des regards qu'à condition de disposer d'énormes infrastructures. Seuls des états-nations peuvent se permettre de consacrer autant d'argent à des bâtiments dédiés à l'encadrement et à la formation des soldats.

Dans tous les cas, la formation nécessite des cadres, d'anciens soldats, des méthodistes ou théoriciens ; dans certains cas, il faut chercher très loin des formateurs de talent. Dans la prévision d'une guerre, acheter des formateurs hors pair, soudoyer les cadres de l'armée adverse ou ne serait-ce que connaître le contenu de leur formation font partie de ces stratégies dont la réalisation peut incomber à des PJs.

Éclaireur

Une armée a besoin d'un espace vaste pour manoeuvrer, et en déplacement elle doit pouvoir prévoir son chemin pour éviter d'énormes pertes de temps. Les éclaireurs devancent l'armée, vérifient l'état des routes, et cherchent le chemin le moins mauvais. Leur rôle est aussi de trouver des points d'eau et de ravitaillement, de déterminer la position de l'ennemi. Les PJs peuvent accomplir ce travail fort dangereux, mais qui présente l'avantage de redonner aux joueurs une grande autonomie dans les prises de décision malgré leur intégration à une armée. D'un autre côté, les PJs peuvent ainsi être confrontés à des éclaireurs ou être dans l'obligation de les tromper, de masquer des informations cruciales.

Organisation, logistique

Comment imaginer qu'une armée de plusieurs centaines d'hommes sinon de plusieurs milliers puisse évoluer dans un environnement hostile sans une solide gestion de l'approvisionnement ? Sun Tzu [1] conseille aux généraux d'organiser son armée pour être au maximum autonome... mais déconseille encore plus de se lancer dans des opérations militaires trop longues... L'histoire montra que certaines armées savaient très bien avancer sans base arrière, ne vivant que sur le pays. Par exemple, certains peuples nomades disposent de l'autonomie suffisante pour se fabriquer le matériel permettant de conditionner la nourriture. Généralement les généraux ont la prudence ne pas compter uniquement sur les ressources qu'ils pourront trouver sur place, surtout si l'opération s'enlise dans le temps ; il faut donc organiser l'approvisionnement en nourriture, en matériel et... en hommes ! Ils doivent souvent composer avec les populations locales pour la nourriture fraîche et dépendent donc cruellement de leurs bases arrières pour le matériel spécifique (tentes, vêtements, chariots, outils, etc.) qui ne peut qu'être partiellement ponctionné à l'ennemi : impossible d'intégrer des chasseurs TIE dans une escadre rebelle par exemple. Vous avez sans doute en mémoire la stratégie de la terre brûlée mise en place par Vercingétorix pour supprimer aux armées romaines la possibilité de se servir dans les greniers des villes et villages gaulois. Des stratégies équivalentes peuvent être menées pour couper les approvisionnements, voire même les détourner. À l'opposé les individus qui arriveront à rouvrir le chemin des caravanes alliées jusqu'aux régiments seront vus à juste titre comme des sauveurs...

Le conflit armé, cas du siège

Un siège est une opération longue, coûteuse et qui nécessite de grandes qualités chez le général pour en venir à bout, alors que dans la place assiégée, la plus grande qualité est la pugnacité. Prendre une place fortifiée, quelque fois naturellement inexpugnable se fait en plusieurs temps, des assauts pour tenter de forcer la place, avec des engins fabriqués sur place, des temps d'attente que l'adversaire affamé et lassé cède, éventuellement le temps que les sapeurs créent des brèches, le tout sous la menace régulière de bombardements plus psychologiques que décisifs. L'art de mener un siège s'appelle maintenant la poliorcétique, et le mieux et encore de parcourir les ressources disponibles, comme l'article de Pascal Gaulain http://www.guerriers-avalon.org/poliorcetique.html ou une des nombreuses références données plus bas. Que faire pour les PJs dans des situations aussi statiques ou tellement délicates à gérer comme un assaut ?

Plaçons-nous du côté de l'assiégeant. Tout d'abord il faut construire des machines de guerre, pour lesquelles il faut du bois, des outils mais surtout un ingénieur. Dans la prévision d'un siège, une mission peut simplement être d'aller embaucher une équipe d'ingénieurs capable de construire des machines de guerre [3] et les amener à travers des territoires non sécurisés. Le travail de sape n'est pas de tout repos, surtout pour les sapeurs quand ils rencontrent des sapeurs ennemis qui tentent de saboter leur travail de sape... [2] Enfin lors des sièges quelques actions d'éclat peuvent être du ressort des PJs, comme pénétrer dans la place et faire ouvrir ou créer une brèche dans la défense. Du point de vue des assiégés, il n'est guère possible pour une armée de ceinturer correctement une place, il faudrait pour cela une armée colossale et souvent la place assiégée peut faire passer des hommes pour communiquer avec l'extérieur ; il est donc nécessaire pour les assiégeants d'organiser des patrouilles pour parfaire l'encloisonnement. Or il est souvent primordial pour les assiégés de pouvoir chercher de l'aide, ou d'éloigner des objets ou des personnes convoitées. À l'occasion d'une sortie, un des objets de la mission peut aussi être la capture d'un chef ennemi, la destruction des engins de siège, etc.

Bibliographie

[1] Sun Tzu. L'art de la guerre. Traduction en français : http://www.ifrance.com/artdelaguerreselonsuntzu/

En livre :

Sun Tse. L'art de la guerre. Pocket. Collection Agora Les Classiques, numéro 127. ISBN 2266073672.

[2] Arturo Perez-Reverte. Le soleil de Breda. Seuil, 2000. 3e tome des aventures du capitaine Alatriste. La promotion des aventures du capitaine Alatriste avait déjà été faite dans la rubrique Inspi d'un précédent numéro. Ce tome en particulier est constitué de plusieurs récits de la deuxième guerre des Flandres, des duels au sein d'une armée, de la lutte dans les tunnels de sape, récit de bataille et prise de ville sont au rendez-vous.

[3] Hans Tahloffer. Alte Armatur und Ringkunst. 1459. Des machines de guerres extraordinaires imaginées au XVe siècle : (à partir du folio 14v)

http://base.kb.dk/pls/hsk_web/hsk_vis.forside?p_hs_loebenr=2&p_navtype=rel&p_lang=eng

[4] Végèce. Traité de l'art militaire.

La traduction du traité de cet auteur romain du IVe siècle se trouve en ligne.

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/vegece/table.htm

Cet auteur fut très lu au Moyen Âge, et on trouve même une adaptation faite par Jean de Meun au XIIIe siècle, Li abrejance de l'ordre de chevalerie, que vous pouvez découvrir sur Gallica (http://gallica.bnf.fr cherchez à Jean de Meun et Vegece). Il existe une étude très intéressante sur l'art de la guerre au Moyen Âge selon Végèce :

Philippe RICHARDOT. Vegece et la culture militaire au moyen-age. Economica, 1998. Coll. bibliothèque stratégique. ISBN 2717837531

Nicolas Machiavel. L'Art de la guerre. Flammarion, 1993. ISBN 2080706152.

Les considérations tactiques y côtoient les propos consacrés aux nécessités matérielles de la guerre (recrutement, armement...), orchestrant avec subtilité une réflexion sur le pouvoir.

Carl von Clausewitz. Théorie du combat. Economica, 1998. Collection bibliothèque stratégique.

ISBN 2717837361.

Carl von Clausewitz. De la guerre. Edition de Minuit, 1959. Collection arguments. ISBN 2707301078.

Colson, Bruno. L'art de la guerre, de Machiavel à Clausewitz. Publication de la bibliothèque universitaire Moretus Plantin, 1999. ISBN 2-87037-275-2. Voir la table des matières http://www.stratisc.org/pub/pub_colson_adlg.htm