Scénario


Pour : Unknown Armies


Auteur(s) :

Léo Henry

Illustrateurs(s) :

Stéphane PERGER


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12 pages - 322 ko

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Eastenwest > HS 3 - Le Don des Dragons 2004



Persona

Caesar Palace, aube de mai. Le soleil glisse sur le désert du Nevada, étire l'ombre de canettes abandonnées sur un parking, vient dorer les falaises de verre des buildings de Vegas. Au rez-de-chaussée de l'hôtel de luxe, les joueurs n'en finissent pas de perdre pour prolonger la nuit, saturés d'alcool et d'adrénaline, leurs horloges internes en déroute. Des cartes tombent, une bille de roulette hésite à se poser, une machine à sous abandonnée siffle en bout d'allée. Les visages sont fermés, communiant dans un même anonymat. Le barman suspend son tablier dans les réserves, passe les clés à la relève du matin, sort sous la pergola fumer une dernière cigarette en regardant le ciel tourner au rose au-dessus des palmiers.

Quatorze étages plus haut, dans la chambre qu'a réservée la veille au soir un étranger bizarrement attifé, enregistré sous le nom de C. Park, un premier rayon vient frapper un fragment de miroir éclaté. Cinq personnages reprennent conscience.

Motif

Les Adeptes jouent avec le feu, trois cent soixante cinq jours par an. Plier la réalité à sa volonté est une pratique qui nécessite d'énormes sacrifices. Ca peut vous coûter la raison. Ca peut vous coûter la vie.

Chris Park était, jusqu'à ce matin de mai, un Personamancien plutôt doué. Pour récolter les charges nécessaires à la pratique de son art, il avait fait le choix de se construire quatre personnalités distinctes, dont aucune n'était la sienne propre : deux femmes, deux hommes. D'un jour à l'autre, au gré de ses déguisements, il devenait Christel Park (ambitieuse doctorante en psychologie), Christopher Park (GI en préretraite), Christina Park (pigiste freelance) ou Christian Park (terrassier et militant socialiste). Le reste du temps, il essayait de redevenir Chris Park, stand up humoriste reconverti avec succès dans la magie urbaine.

Au terme de quatre années de changements quotidiens, les cinq rôles de Chris ont fini par se faire mutuellement de l'ombre et engendrer dans la tête du magicien d'inquiétants conflits de personnalités. Dans le même temps, ses pouvoirs croissants et ses quelques plongées dans l'Underground Occulte ont fini de le terrifier. Au terme de longs efforts (qui, cela va sans dire, lui ont coûté cher en pouvoir et n'ont fait qu'empirer son problème d'identité) Chris a trouvé une solution : le Rituel de Dodgson. Son accomplissement offre la possibilité à un Personamancien d'extraire temporairement de son corps les " personnages " qui l'habitent. Ces projections ont alors une journée, de l'aube au crépuscule, pour trouver un nouveau vaisseau dans lequel s'incarner. Au terme de ce délai, elles disparaissent pour de bon.

Chris a lancé le Rituel dans la nuit qui précède le début du scénario, pour se débarrasser de ses trop nombreux doubles et quitter sans trop de casse un monde magique trop dangereux. Mais tout ne s'est pas passé exactement comme il le souhaitait. Christel, Christopher, Christina et Christian sont bel et bien sortis de son corps. Le seul problème, c'est qu'ils ont tiré Chris avec eux.

Cinq personnalités. Un seul corps. Douze petites heures avant la tombée de la nuit.

Minutage

Ce one shot se développe dans un cadre strict : un temps très court (l'action prend fin dès que le soleil est couché), une ville au milieu du désert (Las Vegas) et des personnages joueurs entravés dans leur action par leur caractère " inhumain ".

En ce qui concerne le déroulement temporel, il peut être utile de tenir un décompte précis (au quart d'heure près) des actions des personnages-joueurs. N'hésitez pas à user et abuser de marqueurs descriptifs pour donner à sentir l'avancée de la journée (luminosité bien sûr, mais également activité dans les rues, ouverture des magasins et restaurants, type de passants, encombrement des voies de circulation, occupation des transports en communs...) Jouer sur les ellipses peut aussi être efficace pour oppresser les joueurs : faites durer les temps perdus en décrivant les files d'attente dans lesquelles les PJs se sont engagés, signalez les feux rouges, les ralentissements, la monotonie des trajets en ascenseur ; à l'inverse, vous pouvez aussi couper court à une scène et signifier qu'une demi-heure s'est écoulée en sautant à la conclusion...

La progression dramatique coïncide exactement avec la progression temporelle. Essayez de mettre en place une gradation dans les éléments de tension, afin de mettre les joueurs sur les nerfs dans les dernières heures du jour.

Métropole

Las Vegas, en tant que décor, offre essentiellement deux ambiances, qu'il peut être bon d'opposer dans vos descriptions.

Le centre est un vaste Disneyland du vice, dans lequel la frange la plus riche de l'Amérique vient s'encanailler : jeux d'argent, drogues récréatives, call girls, exotisme factice et fastes kitch. Il y règne une ambiance de fausseté et d'illusion : tout, dans la cité, paraissant reposer sur les apparences et les bas instincts (les clients des palaces s'enregistrent sous de faux noms, les limousines aux vitres fumées transportent des ouvriers en bleu de travail, de fausses James Bond girls font de vraies prostituées, le grunge qui squatte l'entrée est un neveux Kennedy...)

La banlieue - North Vegas dans le cadre de ce scénario - abrite quant à elle les infrastructures nécessaires à maintenir la ville dans cet état de frénésie et de joie artificielle. C'est là que vit le petit personnel, du laveur de carreaux à la femme de chambre, du chauffeur à la blanchisseuse. Sans climatisation, tout paraît plus chaud et plus sec, les autochtones sont presque tous Noirs ou Hispaniques, les criquets du désert crissent dans des jardins jaunis, il y a des pompes à essence rouillées, des hamburgers pas chers et des rades de poivrots. La transition d'un monde à l'autre, via un réseau de voies rapides interurbaines, est brutale et un peu inquiétante.

N'hésitez pas à forcer le trait de ces deux décors complémentaires, afin de donner l'impression qui ni l'un ni l'autre ne sont tout à fait réels, que ce sont - justement - des décors, derrière lesquels s'agite le spectre immortel du Rêve Américain.

Mécanique

La gestion du caractère " inhumain " des PJs va nécessiter un certain doigté. En tant que " personnalités " (que ce soit l'originale, ou une des inventions de Chris), leur marge de manœuvre est fortement réduite et leur entente devient essentielle à leur survie. Les cinq versions de Chris Park restent liées les unes aux autres et ont de grandes difficultés à agir de façon indépendante. Dans le même temps, leur irréalité pose de gros problèmes pour interagir avec les PNJs.

Pour ce qui est des actions des PJs, la règle est simple : plus un personnage agit, moins il a de chance de réussir. A chaque fois qu'un joueur jette les dés, il subit un malus cumulable de 5% au delà du premier essai. Ce malus ne doit en aucun cas être signifié au joueur : mentionnez simplement l'échec de l'action malgré la réussite d'un jet. Les malus cumulés n'ont pas de plafond et peuvent ainsi amener une caractéristique à zéro. Cependant, dès que chacun des cinq joueurs a jeté au moins une fois les dés, et que ces tests soient réussis ou ratés, tous les malus sautent. Cela signifie que si un personnage prend la direction du groupe, il va très rapidement aller d'échec en échec. De même, si des alliances se forment ou des rivalités naissent, les laissés pour compte vont vite devenir plus efficaces que les leaders... Il est probable que le groupe mette un moment à se rendre compte de ce système - voire qu'ils ne le perçoivent jamais. Si vous en sentez le besoin, vous pouvez rendre son fonctionnement plus explicite en justifiant les échecs dus aux malus par des coïncidences de plus en plus improbables. A part les éventuels jets de stress, tous les tests des joueurs sont soumis à cette règle.

L'autre handicap dont souffrent les personnages est leur non réalité. Dans le cadre du scénario, ils sont quasiment invisibles. Les PNJs les ignorent tant qu'ils ne se manifestent pas, leur reflet n'apparaît pas dans les miroirs à moins de les y chercher et, sauf à vouloir y figurer, les PJs ne figurent pas sur les bandes de vidéosurveillance. Non seulement ils sont inexistants " en règle générale ", mais communiquer avec des humains en chair et en os va leur demander des efforts particuliers. Avant chaque interaction (attirer l'attention de la serveuse, réussir à se faire entendre au téléphone, adresser la parole à un policier), les PJs doivent réussir un jet sous leur caractéristique d'Ame (qu'ils ont tous à 60%, vous pouvez choisir de faire ce test en secret). S'ils échouent, les PNJs agissent exactement comme s'ils n'étaient pas là. S'ils réussissent, un échange peut avoir lieu tant qu'ils restent en contact avec la même personne : dès que l'interlocuteur est distrait ou détourné de la conversation, le PJ s'efface à nouveau et doit réussir un autre jet pour reprendre contact. Bien évidemment, ces tests sont affectés par la règle précédente des malus cumulatifs... Notons que cet état particulier ne concerne que les perceptions visuelles et auditives des PNJs : les PJs ne sont pas intangibles. Ils peuvent manipuler des objets sans problème et s'ils bousculent quelqu'un dans la rue, la bourrade reste réelle (même si le passant sera incapable d'en déterminer l'origine).

Réaliser que l'on n'est pas entièrement humain peut provoquer quelques mouvements de panique. Un test de stress sous Soi ou sous Surnaturel (à 2-3) risque d'être nécessaire au moment où chaque PJ prendra conscience de son état.

Miroirs

Les PJs se réveillent au moment où la première lueur du jour entre dans la chambre 333 du Caesar Palace.

Celle-ci est constituée d'une grande pièce contenant un lit double, un bureau, une armoire-penderie et une table de chevet à roulettes, pièce à laquelle est accolée une étroite salle de bain. Les cinq personnages sont dans la chambre, comme s'ils s'y étaient endormis, par terre, posés contre les murs ou couchés au travers du couvre-lit. Ils portent des habits qui leur sont familiers et se souviennent de tout ce qui est écrit sur les feuilles de perso. Aucun ne sait où ils se trouvent, ce qu'il fait là, ni n'a de souvenir d'être venu dans cet endroit. Tous ont par contre la vague impression de se connaître - leurs visages leur sont mutuellement familiers, sans parvenir à savoir où ils ont pu se croiser auparavant.

Le sol de la salle de bain est couvert d'éclats de miroirs, en une couche de près d'un centimètre d'épaisseur (cent ou deux cents glaces carrées ont été brisées pour réaliser l'installation). Le bidet est rempli d'une bouillie noirâtre, épaisse et puante, et surmonté au plafond d'un large rond de fumée : le reliquat des habits de Chris, incendiés avant le début du rituel. Sur la tablette du lavabo est posé un pistolet automatique neuf, son chargeur plein, un marteau de vitrier et un poste à cassette (si les PJs vérifient, la chanson White Rabbit des Jefferson Airplane est enregistrée plusieurs fois des deux côtés d'une bande arrivée à son terme). Le miroir a été désencastré du mur et réduit en miettes sur le sol.

Le corps de Chris Park est couché sur le ventre dans la baignoire, emmailloté dans le rideau de douche, de façon à ce que seule sa tête dépasse. Sa peau est étrangement blanche et totalement dépourvue de poil. Son visage, yeux fermés, ressemble à celui d'un mannequin de cire, les traits figés, la bouche entrouverte figée dans un étrange sourire de masque antique. Le reste de son corps ne montre aucun caractère sexuel : pas de seins, peu de hanches et, à la place des organes génitaux, une surface de peau parfaitement lisse. La découverte de ces bizarreries requiert un jet de Surnaturel (2).

Le corps est tiède et ne montre aucune blessure visible. Il est impossible de capter une respiration, pourtant un pouls lointain continue de battre. Aucune méthode naturelle ne peut le " réveiller ". De plus, le dormeur semble également familier aux cinq PJs. Il fait la même taille que chacun d'entre eux et, convenablement grimés, pourrait assez facilement passer pour leur jumeau...

Toutes les personnes amenées à toucher le corps ressentent un étrange mais puissant sentiment de propriété. Vous pouvez prendre les joueurs à part pour le leur signifier : chaque personnage a l'impression que cette étrange créature est à lui.

Mouvements

Le scénario se déroule le mercredi 5 mai 2004. Le soleil s'est levé à 7h52 et sera totalement couché à 20h03.

Se rendre du Caesar Palace (en plein centre ville) à la maison de North Vegas, demande une demi-heure dans des conditions idéales (roulant vite en voiture, sans pause et hors heures de pointe). La moyenne est plutôt de trois quarts d'heure, et le trajet peut monter jusqu'à une heure et demie s'il est effectué en bus entre 17h et 20h. Le soleil est à son zénith à 13h00, la température extérieure monte alors jusqu'à 38 degrés celsius.

Quelques événements fixes peuvent servir à rythmer la journée. En voici deux ou trois exemples, en contrepoint de la progression dramatique, pour ralentir les joueurs ou donner un peu de densité à l'ambiance.

Le téléphone de la chambre 333 sonne à 8h30 précise : c'est un message de réveil préenregistré.

Vers 10h45, Belinda Schuman, la femme de ménage d'origine chilienne affectée au couloir où se trouve la chambre 333, arrive à l'étage. Si rien ne vient perturber son travail, elle frappe à la porte des PJs à 11h10 et entre pour changer draps et serviettes et passer un coup d'aspirateur. A priori, elle ne verra pas les PJs, mais elle ne pourra rater le corps s'il est toujours dans la chambre, ainsi que les restes du rituel dans la salle de bain. Elle préviendra alors la sécurité et demandera du renfort au staff technique. S'il n'a pas vu les joueurs sortir de l'hôtel, le Collectionneur pourra intercepter Belinda et détourner son attention une petite demi-heure.

A midi pile, le séminaire annuel de l'Association des Opticiens d'Amérique ouvre ses portes. Cent trente professionnels venus de tout le pays se rassemblent dans le hall au son d'un gong en fonte, d'où ils sont guidés par des hôtesses du Caesar jusqu'au buffet servi dans une salle de conférence. Quelques journalistes locaux prennent des photos de doyens, quelques curieux et pique-assiettes se mêlent à la foule.

A dix-sept heures, plusieurs artères du centre de Vegas sont fermées à la circulation. Des barrières bleues sont disposées le long des trottoirs pour contenir les badauds et des policiers souriants en tenue légère assurent la sécurité. Le maire de la ville organise une parade en vue des élections municipales qui auront lieu dans trois mois. Le défilé de la trentaine de chars dure jusque vers dix-neuf heures, avec fanfares, peluches promotionnelles de grands magasins, ballons à l'hélium, troupes de danses des différents casinos, etc.

A vingt heures précises, alors que le soleil est presque entièrement couché, les premiers feux d'artifices sont tirés, marquant la fin du scénario. Si les détonations ne peuvent être entendues depuis North Vegas, les éclairs et les gerbes lumineuses restent visibles dans la nuit qui point.

Marchandage

Le Collectionneur est un homme Noir d'une trentaine d'années, portant un costume beurre frais, un pardessus en poil de chameau, un chapeau feutre, des lunettes en verre miroir et des chaussures de golf blanches. Il ressemble à un jazzman des années 50, utilise un fume-cigarette en nacre et conduit une Red Shark vintage.

Contact de l'Underground Occulte, il travaille jour et nuit à remplir son book : un album photo retenant des centaines de créatures prisonnières de fines pellicules de papier cristal. C'est lui qui a vendu la formule Rituel de Dodgson à Chris Park. En échange, il ne demande que la propriété de ses personnages.

Dans un premier temps, le Collectionneur va se contenter d'observer les mouvements des PJs. Il est installé au bar principal du Caesar, à une table d'angle qui lui permet de surveiller le hall d'entrée. Les verres de ses lunettes de soleil sont réfléchissants sur les deux faces : cela lui permet de voir les personnages, certains démons et la plupart des ectoplasmes - pour le reste, elles lui bouchent complètement la vue.

Réalisant rapidement que Chris Park a été également dépossédé de son corps, il va essayer de rentrer en contact avec n'importe quel autre membre du groupe pour procéder à un deal. Son idée est de faire réintégrer le corps à un personnage qui ne soit pas l'original, c'est à dire moins puissant et plus facile à manipuler. En échange, il exige de récupérer la substance des autres membres du groupe.

Le Collectionneur, dès qu'il a une chance de s'entretenir avec un PJ isolé, lui explique la situation en deux mots : il a jusqu'au coucher du soleil pour réintégrer un véhicule ou disparaître. Lui seul connaît la méthode à employer, et il est prêt à la lui échanger contre un centilitre de sang de chacun des autres personnages. Si le PJ réagit positivement, le Collectionneur lui donne rendez-vous plus tard dans la journée pour conclure le marché - par exemple au Alice's Diner (un restaurant de North Vegas, à deux pas de la maison de Chris).

Si le Collectionneur entre effectivement en possession du sang des personnages, il pourra alors se les approprier. Il lui suffit, une fois l'échantillon bu dans du café, de prendre un cliché en pied de sa victime à l'aide de son Polaroïd. L'image met alors deux minutes à apparaître sur le papier et plus elle devient nette, moins le personnage devient réel. Une fois la photo complètement développée, l'original a disparu, coincé sur un bout de papier, et prêt à être rangé dans l'album. Tant que la photo n'est pas parfaitement nette, il est possible d'inverser le processus en brûlant son support. Après, cette manipulation n'a pour seul effet que de détruire la dernière trace du personnage. Notons que si seul le Polaroïd du Collectionneur permet cette appropriation, l'appareil est en tout point semblable à ceux de la même marque. L'endommager suffit à empêcher toute poursuite de la collection.

En échange du sang, le PJ apprendra du Collectionneur la marche à suivre pour réintégrer son corps. Il faut habiller la créature à sa ressemblance, écrire son propre nom sur le front avec des cendres tièdes puis lui souffler longuement dans la bouche. Les cendres sont en fait inutiles, mais ne nuisent pas à la bonne conduite du Rituel. Si un personnage parvient à l'accomplir, il prend possession du corps, avec les conséquences que nous verrons plus bas.

Le Collectionneur est à la fois la clé et le méchant de ce scénario. Lui seul peut expliquer aux PJs la situation, mais il se gardera bien de le faire si ça ne sert pas ses intérêts. Par ailleurs - et malgré son apparence excentrique un brin inquiétante - c'est une créature assez faible de l'Underground Occulte : trop visible, trop prétentieux et n'ayant pas les moyens de ses ambitions. Il n'est dangereux que dans la mesure où les personnages se laissent impressionner. Le vrai danger pour leur survie vient des tensions internes au groupe plutôt que d'intervenants extérieurs.

Marty Guile - Collectionneur

Personnalité : fêtard huppé des swingin' fifties - rien n'est sérieux, rien n'est grave.

Obsession : compléter son album photo.

Rage : le tragique. La vie est courte, la mort est belle et tout ça n'est de toute façon qu'une vaste blague.

Peur : (violence) l'électricité (électrocution, lignes haute tension, orages).

Noblesse : la passion. Ceux qui consacrent toute leur énergie à une seule tâche.

Corps : 50 (Athlétisme 40%, Bagarre 40%)

Vitesse : 50 (Esquive 40%, Conduite 40%, Initiative 40%)

Esprit : 70 (Education 40%, Photo 30%, Attention 30%)

Ame : 50 (Charme 30%, Mensonge 50%)

 

Violence Surnaturel Impuissance Isolation Soi
2 Endurci 5 Endurci 0 Endurci 2 Endurci 1 Endurci
0 Fragilisé 2 Fragilisé 1 Fragilisé 1 Fragilisé 2 Fragilisé

Artefacts : Lunettes à Double Tain, Polaroïd Paparazzi.

Masure

Les cinq personnages se souviennent de leur adresse, une maison isolée aux volets bleus, dans la banlieue nord, entre un terrain laissé en friche et le parking d'un snack-bar (le Alice's Diner). Il n'y a pas de voisins directs, mais les habitants du lotissement voisin et les tenanciers des commerces proches (un drugstore, un magasin d'alcool) connaissent de vue les différentes versions de Chris.

La maison est assez petite et a dû être charmante il y a vingt ans. La boîte aux lettres sur son poteau porte comme seule indication C. Park. Il n'y a pas de courrier. La porte principale est fermée à clé (elle est sur la serrure, à l'intérieur) mais celle de derrière est restée entrouverte. Dans le garage, est garée une vieille Ford jaune dont l'habitacle sent le renfermé et le tabac.

La décoration intérieure est impersonnelle : papier peint gris, moquette beige, mobilier acheté en gros. Il émane des lieux très peu de confort et aucune chaleur humaine. Il n'y a pas un bibelot, pas une photo, pas un magnet sur le four ou une affiche humoristique dans les toilettes. Si la disposition des lieux correspond aux souvenirs qu'en ont gardé les PJs, l'ambiance qui y règne est très différente et la plupart des objets qu'ils savent posséder semblent absents. Outre la cuisine et la salle de bain, toutes deux fonctionnelles (frigo plein, baignoire propre, etc.), l'habitation compte trois pièces : la chambre, le bureau et l'atelier.

La chambre à coucher est très propre et très bien rangée. Dans une petite penderie, les habits de Chris Park (le comédien) sont soigneusement pliés. Si un inventaire est fait, on peut même y dégotter le t-shirt et le jean que porte actuellement Chris Park, aux tâches de Javel et aux coutures disjointes prêts.

Dans le bureau, un secrétaire contient les preuves de l'existence administrative de Chris : papiers d'identités, relevés bancaires, permis de conduire, assurance de la Ford, contrats de travail dans des clubs de Vegas, etc.

L'atelier - aucun des PJs ne se souvient réellement de son usage - est une pièce sombre dont la porte est fermée. Les volets sont clos et l'éclairage est assuré par deux gros spots de cinéma montés sur trépieds. L'essentiel de l'espace est occupé par une immense armoire massive, dont les rayonnages sont découpés en quatre compartiments. Dans chaque sous-section sont rangées les pièces relatives aux personnalités imaginaires : perruques, prothèses en caoutchouc, lentilles colorées, chaussures compensées, plusieurs jeux d'habits complets, livres de chevet, journaux intimes, photos d'identité...

Moi

Même sans connaître le rituel du Collectionneur, les personnages peuvent avoir l'idée de retourner dans le corps. Il est même possible que l'un d'entre eux emploie la bonne méthode. Une fois le dormeur convenablement grimé, il suffit de souffler dans la bouche ouverte et de réussir un jet sous Ame.

Le PJ est alors incapable de s'arrêter d'expirer, jusqu'à ce que tout l'air ait quitté ses poumons et que sa substance commence à se fondre dans son nouveau véhicule. Le processus est douloureux et dure le temps que mettrait à un être humain à s'asphyxier totalement. Dans le même temps, le personnage se dissout des pieds à la tête. Les spectateurs de cette scène sont invités à faire un jet sous Surnaturel (3).

Une fois le personnage entré dans le corps, il lui faut prendre le contrôle de son nouvel environnement. La récupération des capacités physiques (Corps à 50%, Vitesse à 60%) nécessite la réussite successive de deux jets d'Ame, chacune de ces tentatives prenant environ trois minutes. Ce n'est qu'un fois les tests réussis que le personnage peut commencer à mouvoir le corps. Un personnage incorporé ne souffre plus d'aucun malus d'irréalité : il devient visible, audible et totalement indépendant des autres PJs. Le processus relativement long de réintégration peut laisser à d'autres PJs l'occasion de s'approprier le corps.

Si plusieurs personnages parviennent à y entrer - et une fois tous les jets de contrôle réussis - les actions de Chris nécessiteront toutes un accord entre les joueurs. Pour chaque action, en effet, tous les personnages incorporés gardent un droit de veto absolu. Si un joueur désir se lever, par exemple, il suffit qu'un autre refuse, ou qu'il propose une action contraire, pour que Chris reste immobile. Les vues divergentes des hôtes peuvent ainsi être un moyen pour ceux qui sont restés dehors de parvenir à leurs fins...

Mort

Le scénario s'achève à 20h03 précises, avec les premiers feux d'artifices et quel que soit la situation des personnages.

Les PJs qui se trouvent en dehors du corps disparaissent avec le crépuscule, devenant translucides, puis presque invisibles dans les dix dernières minutes du jour. Avec l'arrivée des ténèbres, ils redeviennent néant et disparaissent pour de bon. Toutes les personnes qu'ils ont côtoyées pendant la journée les oublient dans les heures qui suivent.

Les PJs ayant réussi à réintégrer le corps de Chris Park sombrent dans l'inconscience en même temps que leur enveloppe de chair s'endort. Le lendemain matin, les différentes personnalités auront à nouveau fusionné, gardant un souvenir confus de la journée précédente. La plupart des capacités magiques du Personamancien ont disparues en même temps qu'une grosse partie de sa mémoire. A moins qu'il n'y ait qu'un seul PJ dans sa tête, Chris souffrira à l'avenir de légers troubles de la personnalité, mais rien qu'une courte thérapie et quelques médicaments ne puissent apaiser.

Les PJs qui ont eu le malheur d'être accaparés par le Collectionneur ne meurent pas techniquement, mais restent prisonniers d'une fine épaisseur de papier photo, au sein d'un album de monstres et d'erreurs de la nature. Ils ne pourront en sortir que plusieurs décennies plus tard, quand un magicien retrouvera la collection dans un grenier et décidera d'en faire la clé d'un rituel magique pour garantir le succès d'un blockbuster hollywoodien (mais c'est là une histoire bien différente de celle qui vient de s'achever).

More

En guise de post-scriptum, voici une idée de variation sur le thème de ce scénario, si vous avez un peu de temps et de courage.

Le Collectionneur n'est qu'un outil mis à la disposition du MJ pour informer les personnages et relancer la tension dramatique. Il fait aussi office de " lapin blanc " pour les joueurs qui, du fait de son manque de discrétion, ne peuvent que le repérer et déduire son implication dans leurs mésaventures - il sert donc également d'exutoire à leur frustration de ne pas savoir ce qui se passe. Si vous avez des joueurs aware du monde d'Unknown Armies, vous pouvez décider de le supprimer totalement.

Il faudra pour cela modifier le background des personnages qui, en plus de leur identité " civile " savent tous qu'ils sont des Personamanciens. Chacun est persuadé d'avoir inventé les quatre autres, et d'avoir lancé le rituel de Dodgson pour se débarrasser d'eux. A leur réveil, ils réaliseront tous qu'ils ont également été extraits du corps et chercheront à récupérer leur dû en se débarrassant des autres. Pour corser l'affaire, il est possible que le corps ne soit pas directement accessible (resté, par exemple, dans la maison de North Vegas où a été réalisé le rituel, tandis que les personnages ont été projetés dans une chambre du Caesar).

Cette version présente l'avantage d'être beaucoup plus dense dramatiquement (les PJs sont d'emblée hostiles les uns envers les autres) et de fournir aux joueurs toutes les données du problème dès le début. Pour ces mêmes raisons, elle nécessite de la part de tous les joueurs un effort intense de funky roleplay.

Enfin, Vegas a été choisi comme décor à cause du Las Vegas parano de Hunter S. Thompson, adapté au cinéma par Terry Gilliam. Vous pouvez simplement délocaliser l'action dans un lieu qui vous conviendrait mieux : le rituel de Dodgson effectué dans une cabane au fond des bois pourrait donner un version Blairwitch pas déplaisante du scénario.

Personnages-Joueurs

Christopher Park, pensionné de guerre

Là-bas, rien n'était pareil. Tu t'es engagé dans les marines à la fin des années 80, en partie pour rembourser des dettes familiales, en partie pour fuir un drugstore au bord de la faillite au fin fond du Wyoming.

Dans le camp, ta vie se partageait entre les rumeurs, les entraînements spéciaux et les médicaments pris à heures fixes. Une nuit un transporteur de troupes t'a déposé en Arabie Saoudite avec ton bataillon. De là, tu es parti pour l'Irak. La guerre devait être rapide et propre, ces quelques mois au feu devaient se dérouler derrière des moniteurs et des téléphones.

Il faisait trop chaud, tu travaillais la nuit, dans les veilleuses bleues des écrans. Tu as tué un homme au fusil d'assaut et quelques centaines d'autres avec des bombes téléguidées. Tu as commencé à boire sérieusement. Tu t'es battu. Quand tu t'es tapé toute une bouteille d'éther, peut-être essayais-tu de te tuer. Les médecins disent que tu as fait une dépression. Tu supportais mal les conditions climatiques, le stress, le spectacle des interrogatoires. Tu ne sais plus bien toi-même ce que tu as fait dans le Golfe. Peut-être étaient-ce les produits chimiques que les médecins militaires distribuaient sans compter.

Rentrer au pays t'a fait beaucoup de bien. Tu habites à North Vegas, entre désert et mégapole, dans une petite maison isolée aux volets bleus. Ta pension arrive à son terme et il va bientôt falloir que tu trouves un travail. Tu aimerais faire dans l'humanitaire ou le social, essayer d'aider les gens qui traversent une mauvaise passe.

Il ne s'agit pas d'oublier le passé, mais de construire une vie par-dessus. Tu espères être encore capable d'y arriver.

Obsession :

Faire la paix avec toi-même. Ton expérience de la guerre t'a appris que chaque humain abritait au moins une seconde personnalité, sur laquelle il n'a presque aucune prise. Les souvenirs que tu gardes de tes trois mois au front t'ont permis de mesurer combien l'Autre pouvait être puissant. Tu veux te réconcilier avec ta part de ténèbres.

Stimulus de peur : (Soi) perdre le contrôle de tes actes ou de tes paroles. Ta plus grande peur est d'être amené à agir contre tes convictions morales.

Stimulus de rage : la torture, sous toutes ses formes. La vue d'une personne en faisant souffrir une autre délibérément t'est odieuse.

Stimulus de noblesse : tout le monde a le droit à une deuxième chance. Tu es prêt à accorder ta confiance à ceux qui se repentent. Tu es prêt à aider quelqu'un qui désire sincèrement se sortir d'un pétrin où il s'est fourré.

Corps : 50 (En forme)

Athlétisme 30%, Bagarre 40%, Résistance à l'empoisonnement 20%

Vitesse : 60 (Difficile à surprendre)

Esquive 30%, Conduite 20%, Initiative 40%, Armes à feu 35%

Esprit : 50 (Méthodique)

Dissimulation 25%, Education 25%, Attention 25%, Démolition 20%

Ame : 60 (Attentif)

Charme 20%, Mensonge 20%, Ca 30%, Leadership 20%

Résistance à l'empoisonnement : quelle que soit la nature du produit, une réussite sous ce talent permet de diviser par deux les dommages occasionnés et le temps de récupération.

Ca : ce talent permet de cerner la psychologie profonde d'une personne avec laquelle tu es en contact ou dont tu peux observer le comportement pendant plusieurs minutes. Contrairement à l'empathie, le Ca ne permet pas de cerner un état d'esprit, donnant plutôt accès des préoccupations profondes - tu peux lire le désarroi d'un homme qui fait le pitre, la colère d'une femme apparemment patiente, l'angoisse d'un enfant faisant bonne figure.

 

Violence Surnaturel Impuissance Isolation Soi
3 Endurci 0 Endurci 1 Endurci 1 Endurci 0 Endurci
1 Fragilisé 0 Fragilisé 0 Fragilisé 0 Fragilisé 2 Fragilisé

 

Christian Park, ouvrier de chantier

Tu aurais pu faire n'importe quoi, devenir banquier, prêtre, architecte ou chef d'entreprise.

Il y avait des sous dans ta famille, des contacts influents, des promesses de vie facile. Mais pendant ton enfance, on avait caché à tes yeux la branche honteuse de la dynastie Park : le grand oncle soupçonné de communisme sous Mac Carthy, la cousine artiste partie vivre à Cuba son rêve d'égalité, la bibliothèque révolutionnaire de Grand Maman, bien cachée dans la maison de vacances du Vermont.

Adolescent, tu as dévoré les traités et leur critique, avant de plonger dans les bibliothèques pour y chercher le complément, décrypter l'actualité, remettre à jour les idéaux. Pour survivre, tu as choisi la voie du bâtiment. Tu as rejoint le rang des prolétaires, avec l'ambition de te battre contre le patronat, de renflouer les syndicats, d'avancer à contre-courant pour travailler aux nouveaux progrès sociaux.

Tu as beaucoup bougé ces dernières années, d'un chantier à l'autre. Deux ans à Chicago, trois mois au Nouveau Mexique, deux hivers en Californie et un an et demi au Nevada, pour l'agrandissement des voies rapides de Las Vegas. Les travaux viennent de s'achever et tu profites d'un temps de vacances dans ta petite maison aux volets bleus, à deux pas du désert et de la métropole.

Tu n'as plus vraiment de liens avec ta famille, tes amis sont éparpillés dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres, tu vis seul, mais qu'importe ? Si tu te bats aux côtés de tous les hommes, tu seras partout chez toi.

Obsession : réduire les inégalités. Les différences qui permettent de classer les êtres humains dans des catégories sont absurdes et dangereuses. Les femmes devraient avoir les mêmes droits que les hommes, les hétéros que les homos, les noirs que les blancs, les enfants que les adultes, les riches que les pauvres.

Stimulus de peur : (Impuissance) spolier autrui. Recevoir plus que les autres, disposer d'un bien que quelqu'un convoite, bénéficier d'un ascendant, tout ça te met très mal à l'aise. Il t'est beaucoup plus facile de donner que de recevoir.

Stimulus de rage : les insultes à caractère discriminant. Tu ne supportes pas qu'on utilise des mots qui désignent des groupes comme des grossièretés (pédé, gonzesse, négro...)

Stimulus de noblesse : l'engagement politique. Tu es prêt à donner ton temps, ton argent et ton énergie pour la cause en laquelle tu crois. Tu as contourné la loi dans ce but et tu penses être prêt à sacrifier ta liberté pour libérer les masses.

Corps : 60 (Trempé par le travail manuel)

Athlétisme 30%, Bagarre 25%, Equilibre 20%, Endurance 15%

Vitesse : 50 (Minutieux)

Esquive 40%, Conduite 30%, Initiative 35%

Esprit : 50 (Gros lecteur)

Dissimulation 15%, Education 25 %, Attention 20%, Industrie du bâtiment 25%, Lutte sociale 25 %

Ame : 60 (Beau parleur)

Charme 35%, Mensonge 15%, Bon Samaritain 35%

Industrie du bâtiment : connaissance théorique de la plupart des travaux d'aménagement immobilier (électricité domestique, tuyauterie, isolation, etc.) Ce talent peut servir à installer, démonter, réparer ou saboter ce type de dispositifs.

Lutte sociale : ce talent recouvre ta capacité à connaître l'histoire et la théorie des avancées sociales, ta maîtrise des lois américaines relatives au travail, ta connaissance des politiques sanitaires et éducatives, ainsi qu'un petit don d'orateur (dans le cadre d'un speech qui s'appuie sur tes convictions : le public sent ton enthousiasme).

Bon Samaritain : aborder les gens dans le besoin (détresse, colère) est un acte délicat, provoquant souvent des réactions de rejet. Ce talent sert à mesurer dans quelle mesure les gens peinés ont spontanément tendance à t'accorder leur confiance.

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Christel Park, doctorante en psycho

Tes parents n'étaient pas tes parents. Cette idée t'a frappée vers quatre ou cinq ans, et ne t'a quittée qu'après l'adolescence, au terme de recherches dans les archives de la petite ville où tu as grandie (non loin de Talahassee, Floride). Tu ne pouvais pas être la fille unique de ces agriculteurs médiocres, ennuyeux et incultes. Ils n'étaient que des parents adoptifs - et encore, pas de la meilleure espèce.

Pendant des années, tu as nourri la nostalgie de tes vrais parents, tour à tour ingénieurs à la NASA, descendants des pionniers du Mayflower, brokers à Wall Street ou producteurs de cinéma à LA. Tu as combattu l'ennui de l'enfance en t'inventant des vies meilleures, celles que tu mènerais une fois émancipée. A dix-sept ans, tu es partie de chez toi en emportant la voiture.

Avoir fait fausse route sur tes origines (car tu es bien issue de ce foyer sinistre où tu as passé tes plus jeunes années), ne t'empêche pas d'avoir eu raison sur le reste. Tu n'étais pas faite pour vivre la vie étriquée que le destin t'avait octroyée. Il n'était pas écrit que tu croupirais dans le Sud, à travailler la terre et partager ton existence entre ragots, travail et alcool.

Tu as parcouru les Etats-Unis, bossant où tu le pouvais, vivant très chichement, construisant un petit pécule. Tu as réussi à boucler un Master en psychologie en changeant d'université à chaque rentrée, en travaillant la nuit pour rembourser tes emprunts.

Pour la première fois depuis ton départ de Floride, tu es maintenant installée pour quelques années, préparant un doctorat à l'université du Nevada. Tu habites une banlieue cheap de Vegas, dans une maison louée aux volets bleus, ton havre de paix et de travail. Dans deux ans tu auras ton diplôme, tu pourras enseigner, publier, aller en Europe. Dans dix ans tu seras reconnue et tu mentionneras tes origines au détour des conversations, comme en riant. Tout va se passer comme tu l'as planifié. C'est toi et toi seul qui contrôle ta vie.

Obsession : otenir ce qui t'est dû. Tu as été spoliée à la naissance et tu es prête à tout pour récupérer ce qui t'appartient légitimement. Tu veux l'argent, le pouvoir et la notoriété. Une vie nouvelle t'attend au bout des études, une vie qui ressemblera enfin à celle qui t'était promise. Rien ni personne n'entravera ton ascension.

Stimulus de peur : (Impuissance) manquer de temps. La vie est si courte. Il y a tant à faire. Les instants perdus te sont douloureux. Les files d'attentes te collent des sueurs froides. Les retards imprévus, les changements de planning de dernière minute, les bourres de fin de semaine te mettent dans une effervescence proche de la panique.

Stimulus de rage : les gens qui s'apitoient sur leur sort. Tu prends comme une insulte personnelle toute tentative de justification qui repose sur une carence : mais je suis pauvre, mais je suis mal éduqué, et mon enfance a été malheureuse... Ces gens ne sont pas à plaindre, ils sont à mépriser.

Stimulus de noblesse : les enfants et les adolescents révoltés bénéficient de ta sympathie, de ton soutien. Dans une dispute en public, tu prendras toujours le parti de l'enfant.

Corps : 50 (Ethérée)

Athlétisme 40%, Bagarre 20%, Privations 25%

Vitesse : 60 (Légère)

Esquive 25%, Conduite 40%, Initiative 30%, Faire deux choses à la fois 25%

Esprit : 50 (Bonne mémoire)

Dissimulation 15%, Education 55%, Attention 15%, Organisation 25%

Ame : 60 (Volontaire)

Charme 40%, Mensonge 50%

Privations : les énormes charges de travail que tu t'imposes te poussent à passer outre certaines nécessités physiques. Ce talent te permet de réduire de moitié tous les malus qui pourraient résulter d'un manque de sommeil, de nourriture ou de boisson.

Organisation : ce talent te permet de savoir où tu te situes dans l'espace et le temps. Il fait office d'horloge interne et de sens de l'orientation, ainsi que d'une connaissance approximative des moyens de transports. Il permet également de ne pas oublier les rendez-vous et obligations les plus proches.

 

Violence Surnaturel Impuissance Isolation Soi
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Christina Park, pigiste pour sites Internet

Un écran d'ordinateur, c'est une page blanche dans laquelle on se reflète. Voilà le genre de conneries qui te viennent à l'esprit au bout de huit heures de travail nocturne, dans ton bureau envahi de fumée et semé de tasses à café vides.

Tu as passé la majeure partie de ces cinq dernières années derrière un écran. Au début, tu ne rédigeais des piges que pour assurer tes fins de mois, pour compléter les quelques sous de la vente de la maison familiale près de Denver. C'était facile, rapide, pas trop mal payé. Et tu n'as jamais vraiment cherché à trouver autre chose.

Si on te posait la question, tu prétendrais que ton travail de chroniqueur pour sites Internet te satisfait. Mais ce ne serait pas tout à fait vrai. Tu sais au fond que tu gardes ce travail uniquement parce que tu es incapable d'en trouver un autre. Sortir de ta petite maison (une baraque aux volets bleus, dans la banlieue nord de Las Vegas) te met de plus en plus mal à l'aise.

Tu ne supportes plus d'être dehors une fois la nuit tombée : des heures avant le crépuscule, tu es déjà en train de chercher le chemin le plus court pour rentrer dans ta tanière, malgré toi, frénétiquement. Tu ne parles presque plus aux gens en chair et en os. Même les conversations au téléphone commencent à te poser des problèmes.

Quand tu te sens trop seule et malade et dégoûtée par ton reflet flou dans le verre du moniteur, tu te pares d'une identité inventée et tu sors sur les forums, les chatrooms, les sites de rencontre. Pour quelques heures, tu deviens celle qu'on écoute, qu'on admire et qu'on envie. Et, même si c'est pour de faux, tu es enfin celle que tu voudrais être.

Obsession : devenir quelqu'un d'autre. Tout doit changer : ta situation, tes relations, ton apparence. Tu voudrais pouvoir faire coller ta vraie personnalité à ton identité virtuelle. Etre aussi énergique, spirituelle et attirante que les personnages que tu crées sur Internet. Tu as renoncé depuis longtemps à améliorer la Christina Park d'origine. Il faut que tu reprennes tout à zéro.

Stimulus de peur : (Isolation) l'obscurité. Il t'est désagréable de sortir de chez toi s'il ne fait pas plein jour et cela te devient presque impossible à la nuit tombée. Tu dors avec les lumières allumées. Le noir complet te donne la désagréable impression de disparaître.

Stimulus de rage : les gens brillants qui font des chichis. La très belle qui se plaint d'être moche, le très cultivé qui prétend n'y rien connaître, le riche qui se plaint de ne pas avoir assez d'argent. Si tu avais la chance d'être comme eux, tu saurais en profiter. Ils te rendent dingue.

Stimulus de noblesse : l'art. Une bonne partie de ton travail consiste à critiquer des livres, des cédés et des DVD. Tu es prête à partager un coup de cœur, à conseiller via Internet des amis dont tu connais les goûts ou à envoyer tes exemplaires à ceux qui te semblent en avoir besoin.

Corps : 50 (Cyclorameur)

Athlétisme 40%, Bagarre 20%, Insomniaque 20%

Vitesse : 60 (Mains agiles)

Esquive 30%, Conduite 30%, Initiative 40% Pickpocket 15%

Esprit : 50 (Cultivée)

Dissimulation 15%, Education 35%, Attention 20%, Internet 25%

Ame : 60 (Déterminée)

Charme 30%, Mensonge 40%, Ecriture 20%

Insomniaque : tu peux dormir ponctuellement beaucoup moins que d'habitude. Ce talent te permet de ne dormir que deux ou trois heures par nuit plusieurs jours d'affilés sans être handicapée par la fatigue.

Internet : ce talent peut te servir à retrouver rapidement des informations. Il peut aussi te permettre de prendre contact avec un camarade de chatroom spécialisé dans un domaine donné. Enfin, il te donne une connaissance correcte des supports informatiques et de leur fonctionnement.

Violence Surnaturel Impuissance Isolation Soi
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Chris Park, comédien

La première fois que ça t'est arrivé, tu avais huit ans et tu portais une barbe en laine grise qui te grattait le cou. Tu jouais Obéron dans Rêve d'une nuit d'été pour la fête de fin d'année de ton école. Derrière les lampes de la salle de spectacle, tu apercevais l'ombre de tes parents qui te regardaient, émus. Et puis le trou noir. Tu as repris tes esprits à la fin de la pièce, sous un tonnerre d'applaudissements. On t'a félicité pour ta prestation. Tu n'en as jamais retrouvé le moindre souvenir.

Toute l'histoire de ta vie ressemble à un pointillé de noir. Tu as fait partie des troupes de théâtre de tes différentes écoles. Tu y as été brillant. Les gens t'ont aimé pour ça. Et tu n'as jamais su comment tu faisais. A chaque grande représentation, tu traversais les scènes dans une parfaite inconscience. Peut-être deviens-tu tes personnages. Peut-être une partie de ton cerveau cesse-t-elle simplement de fonctionner.

Quand tu es devenu pro et que tu as monté ton propre one man show, ta vie est devenue passablement chaotique. Tu as gagné de l'argent. Les contrats pleuvaient. Tu as parcouru le pays. Et, en contrepoint, les périodes opaques se multipliaient, tu te réveillais dans ton lit sans souvenir d'être allé travailler la veille, des gens que tu ne connaissais pas venaient te saluer, des événement anodins disparaissaient de ta mémoire...

Depuis quelques années, tu as mis un petit coup de frein. Tu as accepté de rester plusieurs saisons à Las Vegas, jouant dans les casinos et les théâtres du centre. Une petite baraque isolée dans la banlieue nord te sert de repère et de point de chute. Tu as presque entièrement cessé de fréquenter les soirées à la mode, de crainte d'être encore une fois abordé par des inconnus, d'apprendre des faits et gestes que tu ignores.

Tu dors un peu mieux. Mais tu sais que tu ne peux pas raccrocher. Tu ne sais rien faire d'autre et la comédie est le seul moyen dont tu disposes pour toucher les gens.

Obsession : être aimé. Tu veux les applaudissements, les séances d'autographe, les invitations à dîner. Tu veux les inconnus qui te félicitent, les puissants qui t'envient. Le théâtre est le moyen que tu as trouvé pour diriger un moment les lumières vers toi. Il suffit alors qu'ils te voient briller pour qu'ils se mettent à t'aimer.

Stimulus de peur : (Soi) perdre la raison. Tes amnésies ponctuelles ne te font pas vraiment peur. Ce qui t'inquiète, c'est le secret qu'elles dissimulent. Deviens-tu quelqu'un d'autre quand tu montes sur la scène ? Abrites-tu plusieurs personnalités qui s'ignorent ? Comment être sûr que tu es bien toi-même quand tu reprends conscience ? Existes-tu seulement ?

Stimulus de rage : les profiteurs. Une minorité de gens essaient d'abuser de ta gentillesse, de ton attention ou de tes trous de mémoire. Les percer à jour te met toujours dans une colère froide et désabusée.

Stimulus de noblesse : les autres. Tu aimes sincèrement les gens. Poli, serviable, empressé, tu n'hésites pas à sortir de ton chemin pour aider quelqu'un que tu sais pouvoir dépanner.

Corps : 60 (Jamais malade)

Athlétisme 40%, Bagarre 30%, Grande souplesse 20%

Vitesse : 50 (Pas maladroit)

Esquive 20%, Conduite 20%, Initiative 40%, Clowneries 25%

Esprit : 50 (Ouvert aux nouveautés)

Dissimulation 20%, Education 40%, Attention 35%

Ame : 60 (Sait toucher les gens)

Charme 20%, Mensonge 20%, Comédie 25%, Persona 40%

Clowneries : jongler, faire des cabrioles, prendre une voix de fausset, marcher sur une boule, chanter, danser et réaliser quelques tours de magie. Tu as été formé à l'école des stand up comedians : tu sais faire un peu de tout, sans être spécialisé dans rien.

Persona : ce talent ne coïncide pas exactement avec Comédie, même s'il remplit pour toi la même fonction. Il représente ta capacité inconsciente à te projeter totalement dans un personnage jusqu'à oublier qui tu es. Tu n'as jamais essayé de le faire en dehors d'une scène de théâtre.

Violence Surnaturel Impuissance Isolation Soi
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