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Eastenwest > 12 - Successions difficiles
Norman Spinrad, l'enfant terrible de la SF
S'il fait partie des auteurs classiques américains de l'âge d'or, Norman Spinrad a suivi un parcours chaotique depuis lors. Exilé en France suite à la polémique provoquée par son ouvrage " Jack Barron et l'Eternité ", il alterne des romans engagés où la politique et l'écologie sont mis à contribution sans préoccupations partisanes.
Comment
avez-vous commencé à écrire de la science-fiction ?
Déjà enfant, je lisais de la science-fiction. Quand je me suis mis à l'écriture, cela me semblait la chose la plus naturelle à écrire.
Quelles furent vos influences littéraires ?
En partie la science-fiction et en partie, non. Je lisais Philippe K. Dick, Théodore Sturgeon, William Burroughs, Norman Mailer, Henri Miller. Une sorte de combinaison entre SF et la grande littérature.
Avant d'être publié par John W. Campell, comment s'est produite votre rencontre ?
En réalité, je ne l'ai rencontré que plus tard. Je lui ai envoyé des histoires jusqu'à ce qu'il m'en achète une. Il mettait plusieurs mois pour lire les nouvelles qu'il recevait. A la différence de la plupart des éditeurs, John W. Campell lisait tout ce qui lui parvenait. Si vous n'étiez pas encore un écrivain publié, cela pouvait mettre de trois à cinq mois pour qu'il ait le temps de lire vos écrits. Après que je lui ai vendu mes deux premières histoires, je l'ai rencontré très brièvement lors d'un repas dans ses bureaux de New York. On descendait dans la cafétéria, où on recevait un mauvais sandwich pour pouvoir discuter avec John W. Campell. Pour un sandwich et un café ! Voilà comment s'est fait la rencontre.
Etait-ce un rêve que d'être publié ?
J'écrivais mes histoires depuis des années avant d'être publié. C'est ce que j'ai toujours voulu faire de ma vie. Je n'arrêtais pas d'envoyer mes nouvelles à tous les magazines jusqu'à ce qu'ils me publient. Peu m'importait que je doive à Campell ma première publication, mais il dirigeait le plus important magazine de SF de l'époque. Je lui ai donc envoyé mes premiers écrits en priorité parce qu'il était le plus grand. Je frappais d'abord à la porte des plus importants et ainsi de suite.
Votre premier roman a été " les Solariens ", un space opéra. Pourquoi avoir évité ce genre depuis ?
Cela
fut mon premier roman, mais c'était un space opéra plutôt décalé. Il y a aussi
eu la " Dernière croisière du Dragon-Zéphir ", lequel a été terriblement mal
traduit en France. Mais c'est vrai que pour la suite, je n'ai plus fait beaucoup
de space-op.
Vous avez une préférence pour les thèmes contemporains ?
Chaque livre répond à ses règles propres. J'écris comme l'inspiration me prend. Mon livre suivant (" les Hommes dans la Jungle ") se passait sur une autre planète, mais se reliait par ses thèmes au Viêt-Nam. Vint ensuite " Agent of Chaos " (" le Pion du Chaos "), qui était plus politique. Dans les années 60, un grand bouleversement culturel s'est produit dans toute la société, ce qui s'est répercuté sur la science-fiction. Cela m'a également influencé et je suis parti dans d'autres directions.
Par exemple avec votre roman " Rock Machine ".
Le thème central de " Rock Machine " n'est pas focalisé sur les années 60. Il se rattache plutôt à la société actuelle. J'avais écris ce roman après avoir enregistré un album avec Richard Tenhus autour de 1981. Je chantais avec l'aide d'un vocodeur, ce qui m'a donné l'idée de mélanger l'ordinateur et la musique, alors qu'en fait nous n'utilisions même pas d'ordinateurs ! Actuellement les gens ne possèdent pas d'ordinateur à proprement parler : ils n'ont que des engins incomplets.
Donc " Rock Machine " traite plutôt de la période entre le milieu des années 80 et la période actuelle. A présent, on monte le projet d'en tirer un grand spectacle pour le Stade de France. " Si ça marche, ça marche. Si ça marche pas, ça marche pas ! " L'influence principale vient de mon expérience dans la musique que j'ai poursuivie par la suite. Mais on ne peut pas le qualifier de livre des années 60. Au contraire, c'est un roman précurseur du mouvement cyberpunk des années 80.
Que pensez-vous de la littérature cyberpunk ?
" Neuromancien " de William Gibson a été publié au même moment que " Rock Machine ". Le cyberpunk a deux intérêts à mon avis. D'une part, les nouvelles de Gibson étaient teintes en partie de rock'n roll, mais avant tout, cela a contribué à créer Internet. Le Web n'existait pas alors. Le développement de la Toile a été fortement influencé par la littérature de science-fiction du milieu des années 80. D'autre part à cause des événements des années 60 et du Viêt-Nam, un clivage s'est produit dans la SF comme dans la culture au sens général pour associer la technologie et la science avec le conservatisme. Les progressistes étant opposés à la technologie et à la science. Dans le cyberpunk, les personnages de Gibson comme les mercenaires urbains utilisaient la technologie à leur profit. Toute l'innovation du cyberpunk consiste en cette fusion entre l'esprit underground et la technologie. C'est vraiment le point culminant du mouvement cyberpunk. Mais c'est terminé à présent.
Vous faites preuve de conscience politique dans vos romans.
Peut-on
faire de la politique dans la science-fiction ? Evidement ! En écrivant des
histoires de science-fiction, vous devez créer le monde où se déroulera votre
intrigue. On ne peut pas créer un monde sans s'occuper de sa politique. Je n'ai
pas l'impression d'écrire de la fiction pour délivrer un message politique.
J'installe simplement mon histoire dans un environnement donné et la politique
émane de ce monde tel que je l'ai créé.
Etes-vous engagé politiquement ?
En tant que citoyen, bien entendu. Je ne crois pas que tous mes romans soient politiques. Seulement, je le répète, on ne peut séparer la politique de la culture. Pas plus qu'on ne peut oublier la culture lorsqu'on écrit une histoire. Je ne pense pas que cela soit possible d'écrire de la science-fiction sans s'impliquer dans la politique. La partie de la SF qui prétend ne pas s'intéresser à la politique est en fait engagée à droite, mais sans le dire.
Dans vos livres, on trouve souvent une opposition entre deux cultures (russe et américaine dans " le Printemps russe ", etc.). Pensez-vous que les Américains devraient s'ouvrir à d'autres cultures ?
Aux Etats-Unis, le problème vient de ce que le pays est immense. En voyageant sur 3 000 miles, on reste dans le même pays avec une langue unique (quasiment). En Europe, tout est différent. Tout se mélange. La distance entre Paris et Moscou est aussi étendue qu'entre New York et Denver. Des tas d'événements peuvent se produire dans de plus petits espaces. C'est plus concentré. L'histoire est tellement plus vieille et les cultures se sont développées différemment. Voilà pourquoi je me suis toujours intéressé à ces échanges de cultures. Une grande part de la science-fiction joue là-dessus. C'est un excellent matériel thématique pour la fiction. Différentes cultures définissent d'autres consciences, d'où des caractéristiques diverses, ce qui induit au final des conflits dramatiques. Et donc une histoire.
Pensez-vous qu'il existe d'autres directions pour la SF ou que les vieilles recettes fonctionnant indéfiniment ?
Il y aura toujours du nouveau. Le monde évolue en permanence. Après la guerre en Irak, de nouveaux thèmes vont apparaître. Je pense également que les biotechnologies offrent de bonnes perspectives. On commence seulement à écrire au sujet des effets de l'ingénierie génétique, les mutations artificielles et l'extension de la durée de vie humaine. S'il y a de nouvelles directions à emprunter, cela se passera de la même manière que l'Internet est arrivé. En même temps, il n'y a pas de voie unique.
Les sites de référence :
Le site personnel de Norman Spinrad :
http://ourworld.compuserve.com/homepages/normanspinrad/
La page la plus documentée (et l'origine de notre biblio) :
http://sf.emse.fr
Bibliographie :
Les Solariens
Roman, " The solarians " 1966, trad. Michèle Charrier 1969.
Le Chaos final / Ces hommes dans la jungle
Roman, " The men in the Jungle " 1967, trad. 1974.
Les Pionniers du Chaos
Roman, " Agent of Chaos " 1967, trad. 1975.
Jack Barron et l'éternité
Roman, " Bug Jack Barron 1967 ", 1969, trad. 1970 par Guy Abadia.
Rêve de fer
Roman, " The Iron Dream "1973, trad. 1973.
Le livre d'or de la science-fiction
Anthologie par Patrick Duvic, Press Pocket.
La grande guerre des bleus et des roses
Roman, 1980 Éditions Robert Laffont, collection Ailleurs et Demain.
Chants des étoiles
Roman, " Songs from the stars ", 1980, trad. Jean-Pierre Pugi 1982, Presse Pocket.
La Dernière Croisière du Dragon-Zéphir
Roman, Presses de la Cité, collection Futurama, 1982.
Les
miroirs de l'esprit
Roman, 1981, trad. Charles Canet.
L'enfant de la fortune
Roman, 1985, 1990 Éditions Robert Laffont, collection Ailleurs et Demain.
La Der des Der
Roman, 1985/1986) Éditions Presses de la cité, collection Futurama.
Rock Machine
Roman, 1989 Éditions Robert Laffont, collection Ailleurs et Demain.
Les avaleurs de vide
Au cœur de l'orage
Les années fléaux
Nouvelles, 1990, Éditions Denoël, trad. Luc Carissimo, collection Présence du Futur
Le printemps russe
Roman, 1993, Éditions Denoël, trad. Luc Carissimo, collection Présence du Futur.
Deus Ex
Roman, 1994, Éditions Denoël, collection Présence du Futur.
Vamps
Nouvelles, 1994, Éditions Denoël, collection Présence du Fantastique.
Ligne Ouverte / Voice Over
Nouvelle, édition bilingue 1996.
En direct
Roman, 1994/1996, trad. Bernard Sigaud, Éditions Denoël, collection Présences.
Bleue comme une orange
trad. Roland-C. Wagner 17 octobre 2001.
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