Nouvelle


Pour : Warhammer


Auteur(s) :

Mario HEIMBURGER


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Eastenwest > 2 - Aubergiste ! A boire !



Les Naïfs

Une nouvelle par Mario Heimburger

Cette courte nouvelle peut être utilisée de différentes façons : sous la forme d'une histoire à raconter aux joueurs dans les temps creux d'une campagne, sous la forme d'une histoire que racontera un personnage dans une auberge ennuyeuse ou encore sous la forme d'une aide de jeu pour le scénario Warhammer, tiré de cette histoire.

  La pluie tombait à grosses gouttes dehors, transformant la route en un torrent de boue. Seule la lumière se déversant depuis la porte ouverte de l'auberge éclairait un peu la nuit. Le grondement monotone de l'eau chutant sur le toit n'était perturbé que par le hennissement lointain d'un cheval agacé.

-  C'est le genre de pluie qui dure plusieurs jours et qui rend les routes impraticables pour longtemps… , dit l'aubergiste presque pour lui-même en se détournant du spectacle languissant.

  Un coup d'œil lancé à la salle commune lui permit de se rendre compte que sa parole n'avait été interceptée que par ce vieux voyageur qui était en train de manger son brouet en faisant sécher ses habits près du feu. Un homme visiblement pressé pour sortir par un tel temps ! Le reste de la salle n'était occupé que par des habitués qui étaient en train de tromper leur ennui en jouant aux dés, motivés uniquement par la pensée du retour jusqu'à leurs fermes.

  Réprimant un soupir, l'aubergiste referma la porte, n'assourdissant que légèrement le vacarme du déluge, et se dirigea d'un pas mesuré vers la table des joueurs. - Eh ! Albrecht ! Tu ne vas pas déjà nous mettre à la porte ? " dit Johann, le meneur, anticipant l'idée de l'aubergiste. La soirée est encore jeune, et mes vieux os ne supporteraient pas d'être trempés !

- Oh, je n'y pensais pas encore, mais il faut bien dire que par ce temps, il n'y a pas grand travail à accomplir. Et puis les dés m'ennuient tout autant, rajouta-t-il en repensant à ses pertes de la dernière fois…
- Et notre voyageur, continua un autre, ne pourrait-il pas nous distraire ? En jouant d'un instrument ou en nous racontant son voyage ?

  Tous les regards se tournèrent instantanément vers le vieil homme. Celui-ci semblait ne pas avoir entendu la remarque, sauçant de son pain ce qui restait de sa soupe. Pourtant, au moment où l'aubergiste allait se détourner, le voyageur prît la parole…

- Mes voyages n'ont que peu d'intérêt… Seul compte ce que j'ai appris durant tout ce temps. Je me retrouve moi-même coincé ici, et votre compagnie vaut bien celle des princes. Ce lieu m'en rappelle un autre…

  Il regarda l'aubergiste, soudainement songeur et son regard devint vague. Un sourire nacquit sur ses lèvres, comme s'il pensait à une bonne plaisanterie…

- Eh bien ? De quel lieu parlez-vous ? Racontez-nous, lança Johann qui n'y tenait plus…
- Très bien… C'est une histoire que j'ai apprise voilà bien longtemps, et qui se déroula voilà plus longtemps encore… Une histoire qui se déroula dans un lieu comme celui-ci…

  Les dés roulèrent une dernière fois sur la table et y restèrent. Pendant que le voyageur commençait son histoire, l'aubergiste alla remplir une dernière fois les chopes avant de s'asseoir comme tout le monde. Les mots du conteur emplissaient la pièce et firent oublier à tout le monde l'averse au dehors. Et les mots ramenèrent à la vie un passé mort depuis deux cent ans…

 

 " C'était une nuit de pluie comme celle-ci, une nuit où les larmes des Dieux ne parvenaient pourtant pas à éteindre les flammes qui consumaient l'Empire. Le chaos, désorganisé mais puissant, faisait payer de lourds tributs aux villages isolés, et Magnus le Pieux avait fort à faire pour rassembler les nobles contre cette armée de l'ombre. Les villageois, abandonnés par leurs seigneurs qui ne se souciaient alors que de leur propre sécurité avaient fort à faire, et le temps qu'ils passaient à garder les environs et à construire des palissades était pris sur le temps des semailles, si bien que le pain commençait à manquer.

  En ces temps troublés, plus que jamais, les gens avaient besoin de lieux de repos, et un tel lieu prend souvent la forme d'une taverne ou d'une auberge. Günther Gastgeber était un aubergiste respecté et apprécié. Il tenait son établissement dans une petite bourgade près de Kemperbad, au cœur de la forêt, et bien que la route qui traversait la bourgade fut peu fréquentée, il pouvait vivre de son travail. De temps en temps, un petit groupe armé venait à faire une halte et Günther était toujours heureux d'accueillir les combattants. A plusieurs d'entre eux qui s'étonnèrent de la sérénité de leur hôte, malgré les affaires qui devaient – à coup sûr – être moins bonnes en temps de guerre, Günther répondait d'un regard malicieux, évoquant d'un air évasif " qu'il avait sous son toit le plus merveilleux des trésors. Un trésor qui lui apportait tout ce dont il pourrait avoir besoin ".

  Sa confiance était inébranlable, et malgré les rumeurs annonçant la présence d'hommes-bête de plus en plus près du village, Günther et son trésor restaient quiets. Bientôt, la fortune de l'aubergiste éveilla les curiosités, mais servait plus souvent de talisman contre le pessimisme que de sujet de discussion. " Si Günther n'est pas inquiet, pourquoi nous, ses voisins, nous inquiéterions nous ? ", disaient les autres villageois. Et ils reprenaient tout de même leurs rondes, parce que deux précautions valent mieux qu'une.

  Un jour arriva à l'auberge un jeune homme richement vêtu. Ses muscles roulaient sous sa chemise blanche et il était plutôt bien fait de sa personne. L'homme qui s'appelait Ralph Habgier se présenta en tant que capitaine de l'armée impériale. Il fut accueilli à bras ouvert par Günther, qui – remarquant le sang seché qui tachait le haut de sa manche – vit en lui un grand guerrier. Peut-être l'eut-il accueilli avec moins d'empressement s'il avait su que l'homme n'était qu'un déserteur, qui s'était emparé sur le champ de bataille des affaires de son supérieur, mort face à un minautaure.

  Le gredin ne mit pas longtemps à entendre parler du trésor de l'aubergiste. Et tout à sa cupidité, il voulut en savoir plus. Prétextant un rendez-vous secret, il s'installa à l'auberge pour plusieurs jours, et profita de ses nuits pour examiner chaque recoin de la bâtisse, n'hésitant pas à pénétrer le jour dans la chambre de son hôte, et même dans celle de sa fille. Mais le trésor restait caché, et Ralf se sentait blessé dans son amour-propre par cet échec.

  C'est alors qu'il se tourna vers la seule personne qui pouvait la rapprocher de ce qu'il appelait déjà pour lui " son trésor". La fille de l'aubergiste devint une victime de choix pour l'avidité du faux-capitaine : sans être vilaine, la fille de l'aubergiste, qui se prénommait Hilda, n'était pas non plus à proprement parler une belle femme. Mais elle avait hérité de son père la gentillesse et l'altruisme que la nature avait toutefois saupoudré  d'une certaine naïveté. Il ne fallut pas longtemps au déserteur pour conquérir son cœur, exacerbant ses bonnes manières, ne manquant pas une occasion pour l'aider dans ses tâches quotidiennes.

  Mais, ou qu'il connaissait la nature insouciante des femmes, ou qu'il n'avait pas eu le temps, l'aubergiste n'avait pas mis sa fille dans la confidence, et Ralf en fut une fois encore pour ses frais. Le front de combat se rapprochait, et le temps commençait à presser. Ralf désirait tout sauf rester dans l'auberge quand l'armée impériale ou pire, l'armée chaotique parviendrait jusqu'au village. Il pensa alors aux plantes dont il disposait dans son sac, et qu'il consommait occasionnellement -  une vieille et mauvaise habitude qu'il gardait de sa vie à Middenheim. Cette plante, une fois ingérée, mettait celui qui la mangeait dans un état d'euphorie, un état durant lequel les perceptions étaient altérées et où la méfiance était moindre. Cette plante, si l'on savait en faire bon usage, était capable de délier la langue du plus récalcitrant. S'il parvenait à la faire prendre à l'aubergiste, quelques questions suffiraient à lui faire avouer où il cachait son trésor…

  Hilda revint aussitôt au centre de ses préoccupations. Puisqu'elle ne savait rien sur le magot, autant l'utiliser pour parvenir jusqu'à lui…

- Aimes-tu ton père ? lui demanda-t-il le soir même.
- Bien sûr, plus que tout, répondit la fille, les yeux grands ouverts, de surprise.
- Je dois bientôt repartir au front (son visage avait pris un ton peiné qui trompa la pauvre fille), et comme je ne sais pas si je vais en revenir, je voulais te remercier pour ton accueil. Malheureusement, je n'ai pas de cadeau à t'offrir, si ce n'est une plante aux grandes vertus.

La fille, de plus en plus étonnée attendait la suite avec impatience. Le gredin poursuivit :

- Cette plante, quand on l'avale, permet à celui qui la mange d'être transporté de joie, une joie qui lui permet de toujours voir la vie d'une façon avantageuse. Mais celui qui la mange ne doit pas le savoir, car sinon son attente transforme et inverse les effets. Ainsi sont les propriétés de cette plante…

  Il ne mentait pas tout à fait, mais profitait de la naïveté de la fille pour lui présenter des double-sens qu'elle interpréterait forcément d'une façon heureuse. Et ce qui devait arriver arriva : remerciant abondamment Ralf pour son cadeau, elle se jura de mélanger dès maintenant la plante au repas du soir. Mais la fille avait un cœur d'or, et voulait le meilleur pour son père. Elle y mélangea tout ce que lui avait donné Ralph, ce qui était beaucoup trop…

  La nuit venue, espérant que la drogue avait fait son effet, le gredin s'introduisit subrepticement dans la chambre de son hôte dans le but de recueillir les confidences tant attendues. Mais l'effet était trop fort : l'aubergiste était bien emprisonné dans les conséquences de l'euphorisant, mais son corps était mis à rude épreuve : de la sueur coulait sur son visage, et son cœur était parti dans une sarabande endiablée. Les questions du vaurien ne reçurent que des réponses tronquées et incompréhensibles, et avant qu'il n'ait pu parvenir à ses fins, le cœur de l'aubergiste marqua la fin de sa danse. Le pauvre Günther expira une dernière fois, un sourire aux lèvres.

  Maudissant sa malchance, Ralf comprit son erreur et fulmina longuement contre cette sotte Hilda, attribuant son malheur à tous ceux qui lui avaient – croyait-il – causé du tort. Il n'était plus question pour lui de rester dans l'auberge, car aussi bête soit-elle, la fille de l'aubergiste ne mettrait pas longtemps à comprendre le rôle du déserteur. Et sans se soucier des conséquences de sa cupidité, il rassembla ses maigres affaires et quitta la demeure sous la pluie battante.

  Plus tard dans la nuit, l'armée du chaos fit irruption dans la petite bourgade. Tous les habitants du village furent massacrés. Peut-être que les dieux, pris de remords, voulaient effacer les traces du drame qui s'y était déroulé. Les mutants ne s'arrêtèrent pas trop sur le corps déjà mort de l'aubergiste. La fille fut passée par la lame de l'épée peu après.

  Mais dans un dernier élan de justice, les dieux scellèrent également le sort du déserteur. Alors qu'il croyait s'être échappé du carnage, le pauvre fut rapidement retrouvé par une patrouille de l'armée impériale qui le ramena jusqu'au camp. Là, un lieutenant le reconnut pour ce qu'il était, et décréta sa mise à mort : il venait de découvrir le massacre du village et sa pitié s'était enfuie devant l'atrocité du spectacle.

  C'est ainsi que les trois sots de mon histoire se retrouvèrent au royaume de Morr : l'aubergiste qui avait été trop confiant, la fille qui avait été trop naïve, et le gredin, qui avait été trop cupide… "

 

  La pluie coulait toujours le long du toit de l'auberge quand le vieil homme eut terminé son histoire. Mais la nuit était bien plus avancée. Albrecht tentait en vain de s'arracher à la scène du carnage, regardant soudainement les fenêtres sombres de son auberge avec un tout autre œil. Mais l'assemblée était déçue malgré tout : les villageois n'avaient pas l'habitude de s'entendre raconter des histoires qui se terminent mal. La nuit promettait d'être agitée, et cela n'était pas vraiment une bénédiction !

  Albrecht décida soudainement qu'il souhaitait le plus rapidement possible se retrouver dans son lit bien chaud, car un désagréable frisson s'amusait depuis quelques minutes avec son échine.

- Il est temps de rentrer chez vous, lança-t-il à la cantonnade

  Comme un seul homme, tous les villageois attablés se levèrent. Mais tandis qu'Albrecht rangeait les chopes dans son armoire, l'un des joueurs de dés s'approcha du vieil homme, qui était déjà en train de s'installer pour la nuit. C'était Johann. Se penchant vers le voyageur, il lui demanda à mi-voix, de façon à ce que l'aubergiste ne l'entende pas :

- Tu as passé une chose sous silence, mon ami : qu'est-il advenu du trésor de l'aubergiste ?

  Le conteur jeta un regard étrange au villageois, un regard dans lequel se mélangeait   l'amusement, le mépris et le défi. Et il lui répondit :

-  Voilà peu, un voyageur qui avait entendu cette légende se rendit dans les ruines de l'auberge. Durant des jours, il fouilla tous les recoins, dégageant les poutres et remuant la terre. Il mit à jour un petit paquet de cuir, dans lequel se trouvait un foulard ravagé par le temps. Un mot à peine lisible l'accompagnait : il y était écrit " A ce que j'ai de plus cher au monde, mon trésor, ma vie, en l'honneur de son vingtième anniversaire ".

  Johann croisa pendant un bref instant le regard du vieux puis décida qu'on s'était assez joué de lui. D'un pas énervé, il s'enfonça sous le rideau de pluie. Albrecht referma la porte et se dirigea vers l'escalier.

- Bonne nuit, voyageur ! dit-il sans trop y croire

- Bonne nuit, aubergiste…