Critique


Pour : Lyonesse


Auteur(s) :

Christophe OSSWALD


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Lyonesse - aventures dans les Isles Anciennes

Une critique par Christophe Osswald

Le contenant

  Lyonesse un jeu édité par un groupe de passionnés au sein d'une toute jeune société d'édition Suisse, Men In Cheese. Ces lausannais, pour leur premier jeu, nous ont apporté un beau pavé de près de 400 pages, écrit avec bien moins de fautes que nombre de productions d'éditeurs plus "importants". Leur site se trouve à http://www.men-in-cheese.com.

  Les illustrations ne sont guère nombreuses, mais la maquette est assez bonne pour que le livre reste agréable à lire. Les jeux de rôles francophones ont commencé à avoir une maquette agréable avec les débuts de Multisim. Contrairement à d'autres jeux à faible diffusion, Lyonesse dispose d'une présentation qui répond aux nouveaux standards… Les cartes sont nombreuses, et permettent de situer les évènements mieux encore que dans nombre de jeux dits "historiques" plutôt que médiévaux-fantastisques.

  Lyonesse est aussi, et avant tout, un cycle de trois romans de Jack Vance, Le jardin de Suldrun, la perle verte, et Madouc. Ils sont parus chez Presse Pocket, et sont peut-être encore disponibles.

  L'histoire se passe sur une île imaginaire, au large de la Bretagne, et grande comme l'Irlande. Elle se nomme Hybras. Avec ses quelques voisines, plus petites, elle forme l'archipel des Isles Ancienne. Nombre de cités des légendes d'Europe s'y retrouvent, comme Ys, Avalon et Lyonesse. L'histoire semble se dérouler quelques décennies avant les évènements de la Table Ronde. Bien que les chrétiens dominent le continent, ils n'ont pas de place là-bas ; tout d'abord parce que leurs dogmes sont incompatibles avec l'existence des fées, bien réelles, et ensuite parce que Casmir, Roi de Lyonesse, suivi sur ce point par ses confrères, est trop radin pour accueillir les constructeurs de cathédrales.

  Il n'est pas nécessaire d'avoir lu les romans pour jouer, ou maîtriser, à Lyonesse, car le jeu se passe avant les évènements des livres. C'est heureux, car le jeu des intérêts politiques entre les royaumes d'Hybras ne fait que se simplifier à mesure que l'histoire progresse, jusqu'à disparaître.

  Cette lecture apporte essentiellement une ouverture sur l'ambiance des îles, autour d'une magie féérique, naïve et puissante, d'une politique de mauvais voisinage, de marchands malhonnêtes et de la vie quotidienne des habitants d'Hybras, qui mangent, qui boivent, qui s'aiment et qui recherchent leur confort personnel. Jamais dans les romans les héros ne deviennent inhumains, alors que certains en auraient le pouvoir.

  Cela, au moins, place Lyonesse dans un cadre "low-fantasy", comme Rêve de Dragon, et à l'opposé de D&D, Ambre ou HeroWars.

Le contenu

  Le livre de règles est largement un traité de géographie, et très accessoirement un livre de règles, à l'instar d'autres jeux récents, comme Agone. On alterne ainsi pendant 300 pages les descriptions des royaumes avec les différents aspects importants d'Hybras, comme les arts, les religions et les auberges.

  L'organisation de chaque pays est traitée en profondeur, et il est possible à chaque fois de faire intervenir les PJs aux différents niveaux de la société. Les particularités sont mises en évidence, comme les moeurs et de nombreux lieux notables qui sont autant d'amorces de scénario.

  Pour profiter de la richesse de cette description politique, mieux vaut sans doute ne pas permettre aux personnages d'agir trop fortement sur celle-ci, et ne pas conduire de scénario trop ambitieux sur le plan politique, sauvegardant de la sorte Hybras dans son état d'avant le "Jardin de Suldrun". Pour la même raison, mieux vaut ne pas jouer pendant l'ascension d'Aillas, car les situations présentées dans les règles deviennent caduques. Cela, encore, enjoint à ne pas jouer des super-héros.

  Connaître le destin tragique du monde, ou simplement sa transformation importante à venir et ne pas jouer cet avenir, voire même le nier, est le fondement d'autres jeux, comme Stormbringer/Elric, JRTM, Ambre ou même Star Wars. Cette situation ne devrait donc poser de problème à aucun rôliste.

  Les thèmes abordés entre les chapitres sur les royaumes sont généralement traités en profondeur, plus que dans la plupart des JdR pour des thèmes équivalents. Nombre d'aspects de la vie quotidienne sont sans doute mieux évoqués que dans "Du Voyage et des Voyageurs ", supplément pourtant réputé dans ce domaine pour Rêve de Dragon.

  Ainsi le chapitre sur les auberges est agrémenté de recettes alléchantes, typiques d'Hybras. Il semble que les auteurs du jeu soient aussi gastronomes que Jack Vance, car la plupart des poulet qui sont passés par mon four depuis la lecture de ce chapitre sont agrémentés à la mode du Boeuf Bleu.

  Au final, le monde et son ambiance sont bien décrits, et on ne peut taxer les auteurs d'avoir voulu faire un jeu de rôle "à secrets" ou "à tiroirs". Ils ne cachent pas d'information utile aux joueurs, et ne se préparent pas à faire des révélations tonitruantes dans les suppléments à venir. Lyonesse est presque un "jeu complet", comme Warhammer.

 

La Magie

  Premier écueil sur la route du meneur de jeu à Lyonesse, la Magie. Elle n'est traitée que de façon extrêmement succinte dans le livre de base, et est annoncée pour un supplément qui devrait sortir dans un avenir proche. Ayant mené une partie où l'un des joueurs incarnait un Tyros - apprenti magicien - de faible envergure, j'ai pu constater à quel point le survol du livre de base dans ce domaine était insuffisant.

  Dans les livres, comme dans les règles, on distingue la magie fée, faite de tours et de mordets, de la magie des hommes, qui utilisent des objets, focus ou objets magiques plus traditionnels, et qui négocient l'utilisation des pouvoirs de petits démons - les sandestins - comme dans un autre cycle de médiéval-fantastique de Jack Vance, celui de Rhialto le Merveilleux. Toutefois la magie de Rhialto est à l'origine de celle de Donjons & Dragons, et ne peut convenir au low-fantasy de Lyonesse.

  Les règles, elles, présentent une magie à base de syllabes, assez éloignée des romans, mais qui semble assez proche de celle d'Ambre. Il n'est malheureusement pas possible de s'en inspirer.

  Malheureusement, Men In Cheese ne semble pas donner de signe de vie depuis le mois de février. Celui qui veut maîtriser à Lyonesse devra se tenir prêt à créer ou à récupérer un système de magie pour l'intégrer à sa campagne, ou réserver ces pouvoirs à ses PNJs. Cette seconde option irait à l'encontre de l'esprit du jeu, car Shimrod et Madouc, dans le cycle, prouvent bien qu'un magicien, théoricien ou féérique, a tout à fait sa place au sein d'un groupe de PJs

Les Règles

  Occupant 30 pages dans les règles, magie comprise, les règles proprement dites satisferont avant tout ceux qui s'en servent peu. Elles sont simples, faciles à comprendre et assez originales, mais laissent toutefois pas mal de zones d'ombre.

  Une conséquence de ces imprécisions est peut être le grand nombre d'améliorations proposées sur le site http://lyonesse.free.fr. Toutefois, les trente pages de ce système présentent une solution qui n'est pas plus mauvaise que la plupart des systèmes à la mode, et qui ne comportent certainement pas plus de failles que des classiques comme la Basic system, le D6 de Star Wars ou le D20 de Donj'. En fait, la faible taille du système, 30 pages, motive les amateurs à le transformer, alors que des systèmes classiques, plus proches de 100 pages, sont protégés des changements en profondeur par leur simple masse ou leur ancienneté.

  Il y a bien sûr des critiques évidentes, comme le déséquilibre entre les compétences, mais celle-ci peut être faite pour tous les jeux. Le seul moyen de pallier ce défaut revient à faire une sorte de graphe de compétences, qui semble n'exister que pour Shadowrun, et dont l'usage n'est pas des plus pratiques. Il revient alors au MJ de rétablir l'équilibre en accordant des points supplémentaires à ceux qui ont investi dans les compétences les moins utiles, ou qui ont investi dans des compétence proches, et qui se chevauchent. Il revient aux joueurs lésés de ne pas protester lors de cet aménagement évidemment partial.

  Le système de jeu, essentiellement un lancer d'un dé dont le nombre de faces correspond à la compétence et une comparaison à un seuil, fait que nul ne peut être sûr de réussir une action, mais qu'il existe des actions irréalisables. Là encore, il s'agit d'une orientation vers une ambiance low-fantasy, ce qui montre la cohérence du jeu dans ce sens. Des propositions ont été faites sur le site pour modérer ce comportement des règles. Elles permettent aussi d'expliquer pourquoi les héros des bouquins vainquent des adversaires coriaces, en permettant à ces adversaires d'échouer à un jet, quel qu'il soit.

  Au final, s'il n'est pas une révolution dans l'univers des JdR, le système de Lyonesse permet au moins de jouer à Lyonesse dans l'ambiance créée par Jack Vance, et ce n'est pas à négliger.

Les scénarios

  La qualité de l'univers décrit n'est pas le seul point fort de Lyonesse. Les scénarios qui s'y déroulent sont d'un bon niveau, et sont l'occasion de découvrir le jeu avant de se construire une campagne personnelle. Contrairement à Rêve de dragon, il ne faut pas espérer que la production de scénarios des créateurs ou des amateurs permette de repousser longtemps cette étape de création personnelle.

  Le livre de règle contient un scénario d'une vingtaine de pages, qui se joue bien en une soirée. Il est prévu pour des prétirés, mais il faudra néanmoins créer ces prétirés avant la partie. Volonté des auteurs ou oubli dans la maquette ? Quoiqu'il en soit, le scénar est bon, et permet aisément à des joueurs ne connaissant pas le cycle de romans de commencer à jouer.

  L'écran contient deux autres scénarios, qui sont bons aussi, mais s'adressent, naturellement, à des joueurs moins novices. Un recueil devrait être paru, proposant quelques aventures supplémentaires, mais son existence est hélas incertaine. Deux scénarios se trouvent sur le site de Men In Cheese, et un autre sur lyonesse.free.fr

* Illustrations extraites du livre de règles. Tous droits réservés à l'auteur.