| Explications
Le foyer Parthas occupé par les SDF se situe depuis des années dans un petit pâté
de maisons fort dépeuplées. La plupart des bâtiments appartenaient à la Mairie de Paris et ont été dans les années Chirac peu à peu revendues à une entreprise française, la SP2C (Société pour la construction civile), pour masquer par les ventes de patrimoine les déficits de la ville. La SP2C est une société appartenant à Jean-Marc Crétier, un multimillionnaire quelque peu imbu de sa personne, et qui entend étendre sa domination sur le parc immobilier Parisien. En fait, la SP2C cache
un amas de sociétés toutes détenues par cette unique personne. Elle emploie exactement 5 personnes, et n'est chargée que d'acheter puis de revendre à d'autres parties de l'amas sociétaire. Ainsi, une des préoccupations majeures de la SP2C pour le moment est de trouver un emplacement qui pourra accueillir la construction d'un méga-complexe cinématographique au cœur de Paris qu'une autre société sera chargée de construire. La création d'une véritable nébuleuse de sociétés intermédiaires n'est
qu'une astuce pour rendre les comptes les plus opaques possible. Jean-Marc Crétier, à travers sa société écran, a immédiatement demandé à la Mairie de Paris de lui céder les quelques bâtiments qui lui appartenaient encore, dont le fameux foyer Parthas. Mais les élections sont déjà annoncées et la campagne bat son plein. Il ne s'agit donc pas de faire d'esclandre, d'autant plus qu'un certain nombre d'affaires menacent déjà d'exploser et que le Canard Enchaîné veille à tout faux pas
commis par la Mairie. Dans ces conditions, il est hors de question de s'attirer l'inimité de Droit au Logement (DAL), qui soutient activement ce foyer. Après avoir tout de même tâté le terrain auprès de DAL, la Mairie a donc opposé un non catégorique aux demandes de la SP2C (du moins jusqu'à ce que les affaires se calment). Mais d'une part, il est peu probable que les affaires se calment, et d'autre part, les commanditaires du complexe cinéma (une grande société de distribution)
commencent à s'impatienter. Il est donc temps de jeter les scrupules aux orties… Crétier ordonne au dirigeant de la SP2C, Eric Stolzenberg de passer à l'acte et de détruire purement et simplement le bâtiment gênant en simulant un accident. Malheureusement, un coursier de la SP2C, Ibrahim Sallah, est également membre de l'association Droit au Logement (avec qui il a participé à la fameuse campagne des élections présidentielles). L'homme s'est rendu compte des plans de la SP2C en
visionnant les plans architecturaux. Il a immédiatement demandé des explications à son patron, visiblement gêné. Le projet était à deux doigts d'aboutir, et il n'était pas question de laisser un vulgaire coursier, engagé le mois précédent gâcher toute l'action. Eric Stolzenberg a alors menacé son employé de le licencier sur le champ, mais cela ne semblait pas troubler Ibrahim, qui bien qu'ayant passé par le chômage et la misère, a gardé sa fierté berbère, et tout ce qui fait la
beauté de ce peuple. Cependant, Stolzenberg a vite fait de trouver la faille : elle se situait au niveau de la famille du coursier : sa femme Naïma et ses 6 enfants… Les menaces de mort ont suffi à réduire le pauvre homme au silence.
La nuit du drame
Réduit au silence, mais portant un lourd secret,
Ibrahim Sallah était au désespoir. D'un côté, il y avait la vie de nombreux SDF, de l'autre, tout ce qu'il possédait. Ibrahim savait que son patron ne plaisantait pas : à de nombreuses reprises, un monstre blond avait été aperçu près de son domicile, et Stolzenberg l'avait prévenu qu'il avait engagé un mercenaire. Le soir du drame, Ibrahim se rendit au foyer pour passer la soirée avec les hommes qu'il avait défendus jusqu'à présent. Son humeur était sombre, mais il essayait au
mieux de la cacher. Il essaya par des allusions discrètes à convaincre les SDF de passer la nuit ailleurs, mais cette semaine, la température était à nouveau tombée. Puis, quand les SDF se retirèrent progressivement dans les petits dortoirs (en fait, d'anciennes salles de classe) et qu'Ibrahim se retrouva seul, il monta jusqu'à une petite passerelle, accrocha une corde qu'il avait préparée à l'avance autour d'une poutre et se pendit pour ne plus avoir à supporter ses remords. Plus
tard, alors que le corps pendait silencieusement dans l'obscurité, Gurt Mønson, le mercenaire engagé par la SP2C arriva aidé de deux complices, lourdement chargés avec des fûts d'essence. Il répandit tout cela au niveau du rez-de-chaussée, observant avec amusement les pieds d'Ibrahim se balancer au-dessus de lui. Quand tout fut prêt, il alluma simplement une cigarette et la laissa tomber avant de partir tranquillement rejoindre sa voiture. Il savait que les pompiers concluraient vite à un
accident, étant donné la vétusté des lieux, et ne s'est même pas soucié des fûts vides, laissés sur place. La suite, les personnages l'ont vécue…
Un repos relatif
Lorsque les personnages se réveillent, le lendemain matin, ils vont probablement se sentir quelque peu désorientés. Sur une table sont posés leurs vêtements,
nettoyés et vaguement rapiécés. Tout donne l'impression qu'ils ont fait un mauvais cauchemar. C'est du moins ce que les personnages imaginent jusqu'à ce qu'ils remarquent un jeune homme assis sur une chaise, dans un coin de la pièce. Quand il remarque que les personnages reprennent connaissance, il se présente comme l'Inspecteur Froissard. Très rapidement, sans entrer dans les détails, il va interroger les PJs sur ce qui s'est passé la veille. Froissard ne s'attend pas à des réponses
correctes : il a entendu de la bouche des infirmiers présents que les vêtements des rescapés étaient imbibés d'alcool, et ne tiendra nullement compte des affirmations des PJs concernant un absurde pendu au milieu du brasier. Cependant, il restera poli et fera semblant d'écouter, durant tout l'interrogatoire. Puis, il prendra congé des personnages sans même leur avoir demandé leurs noms ! A partir de ce moment, tout sera fait pour pousser les personnages à quitter l'hôpital. Un groupe
de personnes, sans nom et sans couverture sociale gêne le personnel aussi bien que la direction, et gageons que de toute façon les personnages ont envie de retrouver une certaine liberté. Mais où aller ? La réponse la plus évidente concerne le seul endroit que les personnages connaissent : le foyer Parthas…
Les Lieux du crime
Ou plutôt ce qu'il en reste. Les pompiers, voyant qu'ils ne pouvaient plus sauver le bâtiment, se sont contentés d'empêcher le feu de se répandre, et rien ne permet plus, à présent, d'identifier l'ancien collège. Quelques murs esseulés tentent maladroitement de se maintenir debout, mais déjà on sent que l'âge et les épreuves vont bientôt les emporter. Toutes ces ruines sont recouvertes d'une gadoue infâme, formée de cendres et d'eau, sur laquelle tentent
de se maintenir quelques sans-abri nostalgiques, fouillant les décombres à la recherche d'un souvenir ou - qui sait ? - d'un quelconque objet de valeur. Parmi eux, Dédé, un ancien du foyer Parthas, qui venait presque tous les soirs causer avec ses amis et partager un peu de temps à jouer aux cartes, mais qui a toujours refusé de coucher dans ce lieu d'assistance, préférant une existence plus difficile, mais digne. Si les Pjs s'approchent de lui, son visage s'éclaire
et il bondit vers l'un d'entre eux en l'appelant Hervé, avec une joie non dissimulée : il vient de se rendre compte qu'une de ses connaissances (en fait, le corps dans lequel s'est réincarné un des esprits) est encore vivant, et n'en croit pas ses yeux. Il fera un parfait allié pour la suite de l'histoire, mais dans un premier temps, c'est un informateur de premier ordre. Réglons les détails pratiques, pour commencer : Dédé connaît un endroit parfait pour passer la nuit. Il l'a
découvert il y a peu, et un nombre réduit de personnes partagent cette information. Il s'agit d'une vieille clinique désaffectée, oubliée depuis longtemps par ses propriétaires, et située dans une petite propriété non loin du foyer Parthas. Dédé proposera à " Hervé " - ainsi qu'à ses amis - d'y passer la nuit. C'est un abri qui en vaut un autre, et cela ôtera déjà une sérieuse épine du pied des personnages… Plus tard, durant l'enquête, les personnages voudront peut-être en
savoir plus sur Ibrahim Sallah. Dédé le connaissait bien : Ibrahim était un de ses compagnons de bataille pour Droit au Logement, et Dédé se laissera bientôt gagner par la nostalgie du temps passé. Il parlera avec ferveur de cette période, vieille d'un an, durant laquelle il fut un digne combattant de la justice. " Ah, comme nous avons résisté aux CRS qui tentaient de nous déloger ! " lâchera-t-il dans un soupir. Puis : " c'est amusant que tu me parles d'Ibrahim :
j'ai justement sauvé des décombres une photo de nous. C'est la seule chose que j'ai pu retrouver, et c'est un miracle que la photo soit encore en état ". Sur ce, il sort de sa poche un morceau de carton et le tend aux PJs. Dire que la photo est "en état" est beaucoup dire : en fait, on peut tout juste encore reconnaître ce qu'elle représente. Elle est en partie détruite, les bords sont carbonisés, et la chaleur de l'incendie en a alterné les couleurs et boursouflé la surface
par endroits, mais on peut encore y reconnaître une assemblée de personnes, Ibrahim en son centre. Un observateur attentif pourra également y trouver un des personnages, mais hormis ces deux individus et des bannières revendicatrices aux slogans périmés, rien d'autre n'est apparent. Il se dégage de cette photo un intense sentiment de nostalgie sur lequel le maître du jeu peut insister. Si les personnages prennent leur courage à deux mains et décident de mener des fouilles dans les
décombres, ils pourront mettre à jour à l'endroit approximatif où se trouvait l'arrière-cour une série de jerricans, qui devraient enlever les derniers doutes (s'il en restait) sur l'origine criminelle de l'incendie… Vers le précipice
Les personnages ne sont pas libres… bien qu'ils
puissent avoir l'illusion de l'être. Les âmes des sans-abri décédés veillent sur eux, et leur colère est telle, qu'ils ne laisseront pas les personnages se désintéresser de l'affaire. Bien que les moyens qu'ils aient à leur disposition soient assez limités, ils pourront se montrer efficaces en utilisant le lien qui les relie aux personnages pour les pousser en avant, à travers des visions qui ébranleront sérieusement le mental des PJs. Que ceux-ci s'intéressent ou non à l'affaire ne changera
pas grand-chose. Ces visions sont destinées à les pousser en avant, soit vers une juste vengeance, soit vers une folie meurtrière. Ces visions sont de deux types : les visions personnelles, d'une part, vont faire revivre à un personnage seul, des événements du passé d'un des sans-abri décédés. Ces visions sont toujours stressantes, et le personnage, bien que plongé dans la scène, est plus un spectateur impuissant qu'un acteur. Durant ces visions, le personnage concerné restera les
yeux dans le vide, totalement insensible aux stimuli extérieurs. D'autre part, des visions générales vont affecter tous les personnages simultanément. Il s'agit alors de perturbations de la réalité, qui ne seront perceptibles que par les personnages. Ceux-ci vont probablement y réagir d'une façon qui sera vraiment bizarre pour l'homme de la rue… ce qui peut donner lieu à des situations gênantes.
Voici quelques exemples de visions. Le type en est précisé entre parenthèses :
- (vision personnelle) Le personnage se retrouve enfant. Il est assis à une table, en compagnie de ses parents, et d'un ami qu'il a invité pour la soirée. La soupe servie ne lui plaît pas : en fait, il s'agit d'un infâme brouet dans laquelle on retrouve toutes sortes d'insanités. Un coup d'œil sur les assiettes des autres lui révèle qu'il est le seul dans ce cas. Bien évidemment, il refuse de manger. Le père le regarde d'un œil sévère, par dessus ses immenses moustaches drues et
noires, et l'enjoint à manger. Nouveau refus, bien sage, car lorsque le personnage trempe sa cuillère dans l'assiette, celle-ci en ressort fondue et noire. Le père se lève alors violemment, et plonge la tête de l'enfant dans la soupe. " Mange, hurle-t-il à l'adresse de l'enfant, mange ! ". A plusieurs reprises, il repousse la tête du personnage dans le liquide acide. Son visage commence à se décomposer. A chaque fois que la tête est relevée et qu'il ouvre les yeux, il voit les
traces de l'éclaboussure. A la troisième fois, du sang se mêle à l'horrible potage. Et toujours cette voix, qui entre dans les aigus de façon hystérique : " Mange, mais tu vas manger ? ".
- (vision personnelle) Le personnage se retrouve brusquement dans un couloir d'un collège. Il semble avoir rapetissé, et alors qu'il se demande où il est, il est soudainement bousculé par un petit garçon de douze ans. Celui-ci se retourne, et à travers ses grosses lunettes dont les montures
semblent lui dévorer le visage, jette un regard agressif en demandant " Quoi ? T'es pas content ? ". Avant même que le personnage n'ait pu répondre, l'enfant projette son genou dans les parties génitales du personnage. Immédiatement, le décor devient blanc : le personnage est maintenant couché, une douleur aveuglante lui déchirant le bas-ventre. Il se rend compte qu'il est sur un brancard, roulant vers une double porte recouverte de sang. La porte s'ouvre à l'approche du malheureux,
et il se retrouve soudainement plongé dans le noir. Puis, le personnage ouvre les yeux. Il se trouve dans un cabinet médical, et à l'observation de ses mains, il sait qu'il est beaucoup plus vieux. Le médecin qui lui fait face le regarde avec un air triste : " Désolé, tous les tests sont formels : vous êtes stérile ! ". Un gémissement étouffé le fait se retourner : à ses côtés se trouve une femme. Il lui semble la connaître, mais plus il la regarde, et plus elle devient étrangère.
Elle se referme sur elle-même…
- (vision personnelle) La femme travaille comme femme de ménage dans un petit bistrot. Elle est employée au noir, et ne peut pas se permettre de perdre son emploi, car elle doit élever seule ses deux filles (présentes pendant le ménage de la mère). C'est tôt le matin : la bar n'ouvre que vers midi. La femme nettoie lentement une table sous le regard attentif de son patron, un homme grassouillet au nez épaté. Alors qu'elle se penche au-dessus d'une table,
celui-ci saute sur elle et se met à la violer. Pendant toute cette scène, qui semble durer des années, il n'arrête pas de lui rappeler sa position d'infériorité. Les petites filles se mettent à pleurer. Plus tard, elle se retrouve à la porte, ses deux filles assises sur le bord de la route. Elle sait qu'elle est à nouveau enceinte. - (visions collectives) Alors que les personnages se promènent dans la rue, ils aperçoivent au loin un sans-abri qui semble les fixer intensément. Avant qu'ils
n'aient eu le temps de s'approcher, il disparaît au passage d'un bus, d'une voiture, d'un groupe de personnes. Vous pouvez utiliser cet événement autant de fois que vous le voulez, en changeant légèrement la description du SDF. |