Scénario


Pour : Fading Suns


Auteur(s) :

Mario HEIMBURGER

Illustrateurs(s) :

Elisabeth THIERY


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Eastenwest > 10 - Leçon des cloches



Une ange déçu

Ce scénario peut être joué de différentes façons en fonction des envies du meneur (voir encadré " Jouer ce scénario "). Il s'inspire de la série Ally McBeal, dont il reprend les rouages et les thèmes, mais peut tout à fait donner lieu à une partie tout ce qu'il y a de plus sérieux.
Il est destiné à un meneur ayant bien " préparé son affaire " et à des joueurs aimant de longues séances de roleplaying.

Un ange passe…

Darnon est un petit village du fief de Klawn sur la planète Midian. Jouxtant le Lyonesse, ce territoire est placé sous la tutelle des Li Halan. Ruiné par la guerre, le pays compte un nombre incalculable de pauvres hères qui survivent difficilement de petit artisanat et dans les usines seigneuriales.
Voilà trois mois, le prêtre avestite Juron Mladek a été assassiné, poignardé en plein cœur dans le monastère qu'il dirigeait. Lorsque les autres frères sont arrivés sur les lieux, Bartholomé Klaris, un vieillard connu de tous pour son penchant pour l'alcool et qui officiait de temps en temps comme jardinier dans le cloître les y attendait, l'arme du crime encore poisseuse entre ses mains.
Il ne fit aucune difficulté à se laisser arrêter. Sa famille le renia immédiatement, et c'est seul qu'il se présenta devant le tribunal présidé par le seigneur local, Goron Li Halan. Les délibérations furent rapides, la sentence prévisible : la mort devait punir ce crime. Le vieil ivrogne accueillit la nouvelle avec un sourire triste, mais accepta la décision.
Il croupit pendant trois jours dans un cachot, dans l'attente de son exécution, mais quelque chose, durant cet enfermement, le fit changer d'avis.
Lorsqu'on l'extirpa de sa prison, il demanda à voir Goron. Inexplicablement, celui-ci accepta l'entrevue, mais n'en crût pas ses oreilles lorsque Bartholomé lui expliqua ses intentions.
Faire appel à l'Empereur ? Qu'est-ce que c'est qu'encore que cette fantaisie ?
- C'est la coutume, invoqua le vieil homme. En cas de désaccord avec son suzerain, un homme a le droit de demander le jugement de l'empereur.
- Je le sais. Je connais les us. Mais l'Empereur ne retient qu'une requête sur dix mille. Comment peux-tu espérer attirer son attention ?
Le vieil homme eut un sourire rusé :
" Il tranchera : car je suis un ange… "
Jouer ce scénario

Il existe plusieurs façons de jouer ce scénario :
Sérieusement : vous pouvez très bien rendre l'ambiance de ce scénario beaucoup plus sombre, genre " grand complot ". Vous devrez alors particulièrement insister sur les mystères et les non-dits du scénario.
Ally McBeal : en rajoutant les éléments de l'encart " McBealiser le scénario " et en insistant plus particulièrement sur l'absurde déclaration de Bartholomé sur sa nature d'ange et sur les débats au tribunal, vous donnerez une touche légère et humoristique au scénario. La saveur des dialogues est alors beaucoup plus importante que l'ambiance…
Mode multi-table : comme la plupart des événements se déroulent au tribunal, vous pouvez décider que certains joueurs interprètent l'accusation (en remplacement de Guyap et Biggs) et d'autres la défense. Ainsi, vous pouvez vous concentrer sur les PNJs et laisser les débats devenir réellement vivants !
Mode grandeur-nature : si vous en avez le courage, rien ne vous empêche de jouer ce scénario en semi-GN, en distribuant les rôles des PNJs à vos joueurs et en dédiant une salle à un tribunal. Il faudra certes faire preuve d'imagination pour les différents lieux, mais une petite adaptation peut vous permettre de vous limiter au procès…

La cour exceptionnelle d'Alexius

Un empereur a finalement bien plus de responsabilités que d'avantages. Le droit suprême sur l'univers est finalement une bien maigre chose devant les soucis qu'il engendre. Parmi les responsabilités, la " guerre de l'image " est une nécessité absolue. Le peuple est plus souvent en rapport avec des suzerains prompts à dénigrer la fonction impériale et contre ceci, il n'y a pas grand chose d'autre à faire que de donner une image exemplaire.
Le droit de grâce et de justice contribue à donner cette image : l'empereur s'est adjoint un bureau chargé de recenser les doléances et de faire le tri dans les affaires proposées. De temps en temps, Alexius examine ces affaires et sauve un innocent à la barbe d'un seigneur d'une famille rivale ou même de l'Eglise. Ces actions d'éclat ont un impact formidable sur l'opinion, et les frictions qu'elles engendrent sont souvent facilement effacées.
Alexius dispose pour cela d'un organisme un peu particulier : la cour itinérante. Ce tribunal, dont le juge et les employés sont nommés par l'Empereur lui-même, sillonne les planètes pour instruire ces dossiers exceptionnels. Cette cour a autorité partout, même si cela est parfois plus difficile dans les faits qu'en théorie.

Les jurés, pour plus d'indépendance, sont également importés depuis des planètes lointaines. Durant toute la durée du procès, ils logent dans des appartements protégés, à bord du vaisseau attribué à la cour, ceci, afin d'éviter toutes pressions. Ils ont pour rôle de déterminer (à la majorité des deux tiers) la culpabilité ou l'innocence du requérant, mais c'est le juge qui fixe la sentence en fonction des instructions qu'il a pu recevoir de l'empereur.
La cour se doit également d'assurer le bon déroulement du procès et doit nommer des " avocats " pour tout accusé. Ces avocats sont nommés selon le bon vouloir de l'empereur (ou de son administration). Les critères sont parfois obscurs et surprenants, mais il semblerait que les antécédents des avocats, leur partialité ou tout simplement leur moralité soient la cause principale de leur nomination.

Le personnel de la cour est composé d'une douzaine de gardes, d'un greffier, d'un responsable du protocole, de trois secrétaires chargés de la paperasserie et, évidemment, du juge.

L'actuel juge est Oreste Talliemin. Petit et squelettique, il arbore de longs cheveux gris, légèrement ondulés qui lui tombent sur sa robe noire. Une calvitie localisée au sommet de la tête et des petites besicles sur un nez crochu lui donnent le physique idéal de l'emploi. Parlant d'une voix sèche et cassante, il représente l'autorité suprême, implacable, aveugle et juste.
Derrière cette façade se cache toutefois un homme très conscient de sa responsabilité politique : l'empereur lui donne des instructions qu'il peut ne pas suivre, mais a suffisamment de bon sens pour faire à chaque fois le bon choix. Pour cette affaire, Alexius lui a demandé de faire preuve d'indulgence envers toutes maladresses du prévenu ou des avocats, car l'incursion sur un domaine Li Halan est toujours une bonne occasion de montrer que l'empereur se place au-dessus des Maisons.

Comment traiter ce scénario ?

Vous l'aurez compris, vos joueurs vont être nommés avocats auprès de Bartholomé Klaris. Une demande de l'empereur ne saurait être refusée, bien qu'il ne s'agisse pas d'un ordre. Les conséquences d'un refus seraient catastrophiques.
Le scénario en lui-même va couvrir le procès, mais également les investigations des avocats pour étayer le dossier. Cette alternance ne doit pas faire oublier les personnages à proprement parler : la vie et la manière de se comporter des personnages durant et autour du procès comptent autant que le procès lui-même.
Si vous choisissez de donner un aspect franchement " Ally McBeal " à ce scénario, vous devrez introduire des intrigues secondaires gênantes ou amusantes, au milieu d'une affaire qui ne l'est pas. Ces intermèdes doivent faire office de détente, alors que l'affaire en elle-même est très grave. Reportez-vous à l'encart " McBealiser le scénario " pour quelques pistes, mais vous êtes libre d'inventer vous-même de nouvelles anecdotes en vous aidant du background de vos personnages.

Le procès en lui-même part sous de mauvais auspices : les avocats débarquent le jour même de l'ouverture du procès, et n'ont entre les mains qu'un dossier très vide. Si le meurtre ne fait aucun doute (Bartholomé a avoué avoir tué le prêtre), il n'y a aucun mobile, et la déclaration fantaisiste du vieillard sur sa nature d'ange est tout aussi étrange.

McBealiser le scénario
Afin de rendre l'ambiance plus légère, vous pouvez inclure des intrigues secondaires dans le scénario, qui affecteront plus la vie privée de vos personnages et les périodes hors-tribunal. L'accumulation de ces intrigues diminuera le réalisme mais l'absurde n'est pas tout à fait interdit dans Fading Suns, après tout. Voici quelques exemples :
- Hilt Guyap se trouve être le formateur d'un personnage prêtre. Ce dernier est toujours impressionné par son maître et a tendance à perdre ses moyens, voir à retomber en enfance.
- Gilda a soudainement le coup de foudre pour un des personnages. Outre les ennuis avec Gurt, Gilda aura soudainement tendance à dire n'importe quoi à la barre, pour peu qu'elle pense que cela fera plaisir au personnage…
- Un des personnages est un alcoolique qui essaie de s'arrêter. La rencontre avec frère Herbert va être un vrai supplice, d'autant plus que celui-ci reconnaît tout de suite un compagnon de beuverie et propose de montrer sa cave.
- La mère d'un des personnages a décidé de le suivre. Elle n'arrête pas de prendre des photos durant l'audience : elle est très fière de son fils et veut le faire savoir à tout le monde. Evidemment, elle est très vexée si on lui dit qu'elle est trop envahissante…
- Trilbur est le frère d'un personnage qu'il a perdu de vue depuis des années. Le retrouver ici va causer des problèmes de conscience, car Trilbur est parti du domicile parental par jalousie avec son frère (sa sœur).


Les joueurs doivent comprendre qu'ils doivent défendre leur " client ", même si cela paraît impossible. Il vaudrait mieux pour eux qu'ils se mettent à croire en son innocence afin de parvenir, peut-être, à la prouver. Cela dit, les personnages devront plutôt viser le doute que la preuve elle-même : s'ils arrivent à mettre à jour de fortes zones d'ombre dans l'affaire, les jurés pourront infléchir leur jugement. L'obtention de preuves irréfutables sera quasiment impossible…

Dans tous les cas, ce sont plus les interrogatoires de témoins, les recoupements et les effets rhétoriques qui compteront, bien qu'un grand nombre d'éléments puissent être découverts par ailleurs.

En face, dans le camp des accusateurs, un Avestite (Hilt Guyap) et un représentant des Li Halan (Joshua Biggs) utiliseront exactement les mêmes méthodes que les personnages (sauf les méthodes illégales). Souvenez-vous en pour faire monter la pression !


JOSHUA BIGGS
32 ans, 1,75 m. Ayant le profil d'un réel commercial, Joshua n'a pour défaut que l'empressement dont il fait preuve. Parfois maladroit, mais voulant toujours bien faire, Joshua va faire ce qu'il peut pour briller durant le procès, mais pas toujours avec pertinence, au grand désespoir de Guyap.

HILT GUYAP

55 ans, 1,75 m. Brillant prêtre, Guyap est un instructeur Avestite unanimement craint et respecté par ses élèves. Sa couronne de cheveux gris lui donne l'air d'un empereur, et son attitude est très proche de celle d'un monarque absolu. Il s'exprime avec une voix de stentor, tranchante et posée, et ne dit jamais un mot plus haut que l'autre. Pourtant, ses interlocuteurs éprouvent la drôle de sensation qu'il (Biggs) est capable de déchiffrer leurs pensées, ce qui fait naître chez eux un inévitable malaise. Il n'est pas particulièrement heureux d'être mêlé à cette affaire, mais la mènera au mieux. Dernier point : il n'aime pas échouer.

Le vieux, le prêtre et le reste…

Afin de bien pouvoir mettre en scène ce scénario, vous allez devoir comprendre exactement les tenants et les aboutissants de ce crime. Vous aurez plus de facilité à improviser de nouveaux indices ou de fausses pistes en fonction de l'avancement des joueurs.

Tout d'abord, pas d'illusions : Bartholomé a bien tué le père Mladek. Mais il avait une bonne raison pour cela.

Klaris fait partie de la majorité miséreuse de Midian. Ancien forgeron, au chômage la plupart du temps, il fonda toutefois une famille avec Domia, une femme douce et triste et eut une première fille qu'il prénomma Gilda. La situation financière du foyer devint carrément invivable à la naissance de sa seconde fille. L'accouchement de cette dernière tua la déjà fragile Domia, brisa Bartholomé et l'entraîna dans l'alcool et la décadence. Ne pouvant subvenir aux besoins de ses deux filles, il se résolut à vendre la plus jeune au monastère, pratique relativement courante. La seconde fille y reçut le nom de Loryne et rejoignit les rangs des orphelins serviteurs du monastère.

Bartholomé reporta son amour sur Gilda, qui grandit dans la rancœur et la tristesse, à l'ombre d'un père alcoolique pour lequel elle éprouvait un mépris croissant.

Lorsque Gilda prit mari, son époux, Gurt, accepta de loger le vieil homme tant qu'il ne créerait pas de problèmes. Afin de remercier le couple, Klaris se trouva un emploi mal payé au temple. A trois reprises ses problèmes d'alcool provoquèrent son renvoi, mais à chaque fois, il obtint le pardon des moines.
Il faut dire qu'il tenait à son emploi : il lui permettait de ramener quelques vivres, mais surtout de regarder grandir cette autre fille, secrète, pour laquelle il éprouvait une vive culpabilité et un auto-apitoiement sur son incapacité à subvenir à une famille.
Un jour pourtant, il s'aperçut d'un changement brusque dans l'attitude de Loryne. Elle qui était travailleuse mais joyeuse était du jour au lendemain devenue muette et triste. Bartholomé ne tarda pas à s'apercevoir de la raison de ce changement : on lui avait coupé la langue.

Comme s'il sortait d'un longue ivresse, il prit rapidement conscience de nombreuses autres anomalies : d'autres orphelines avaient subi le même traitement au cours des mois passés, et les moines étaient étonnement discrets dès qu'il abordait le sujet.

Un jour, il fut convoqué par Mladek et reçut son congé : il troublait l'ordre du monastère et ne devait plus jamais y remettre les pieds.
Mais Bartholomé revint de nuit (avec la complicité du moine Herbert), et fit une abominable découverte : dans les profondeurs du monastère, le prêtre Avestite, le seigneur Goron Li Halan et quelques autres sectateurs pratiquaient d'abominables tortures sur les jeunes filles, les poussant à des hurlements de folies. Au terme de ces tortures, Mladek susurrait des mots d'apaisement aux jeunes filles épuisées, leurs signifiant qu'elles aidaient l'église en se soumettant, puis achevait de les réduire au silence en leur coupant la langue. L'écriture n'étant pas enseignée au monastère, cela revenait à les enfermer dans un sarcophage sans contact avec l'extérieur.

Bartholomé l'ignorait, mais ces cris emplis d'innocence font partie d'expériences antinomistes menées par le Seigneur et le prêtre afin de s'attirer les bonnes grâces des démons, dans leurs vues expansionnistes, mais cela n'a déjà plus de rapport avec cette histoire.

A la fin de la nuit, Bartholomé pénétra dans le bureau du prêtre, espérant le trouver en compagnie de Goron, mais ce dernier s'était déjà éclipsé par une issue secrète. Bartholomé ne discuta pas et prit Mladek par surprise. Le poignard le terrassa immédiatement : il était devenu l'ange exterminateur et vengeur, à défaut d'avoir pu être l'ange protecteur de sa fille. Gilda voyant la déchéance de son père le renia.

Durant la captivité du vieil homme, deux événements infléchirent Bartholomé : d'abord la visite de Goron, en privé, qui lui fit comprendre que s'il disait quoi que ce soit l'incriminant, toute sa famille serait éliminée. Klaris, bien que blessé par le rejet de Gilda ne pouvait qu'obtempérer.
Ensuite, la visite nocturne de Loryne. Durant le procès, les langues du monastère (celles qui étaient encore intactes) se délièrent, et Loryne apprit soudainement qu'elle était la fille du condamné. Elle alla le voir à la fenêtre de sa cellule, et ne pouvant l'embrasser ni lui parler, laissa glisser quelques larmes qui fendirent le cœur du vieillard. Le lendemain, il annonçait sa décision de s'en remettre à l'empereur.

" Objection, votre honneur ! "

La plus grande partie du scénario se déroulera donc en huis-clos, dans la salle d'audience. En fait, il s'agit plutôt d'un amphithéâtre d'audience : l'affaire a fait grand bruit, et la population, curieuse de voir un " ange " et surtout le meurtrier d'un prêtre aurait menacé le bon déroulement du procès dans une salle aux dimensions normales.
Le procès se déroulera sur plusieurs jours. Le premier jour, il y sera simplement fait mention de l'accusation portée contre Bartholomé Klaris. De plus, seront nommés les jurés, et le juge demandera confirmation de l'acceptation de leur rôle par les différents protagonistes (ministère public et défense, donc les personnages).
Le procès ne reprendra que le lendemain. Dès ce moment, les personnages auront l'occasion de demander deux renvois pour investigations supplémentaires, à condition d'avoir un bon motif. Ce motif sera apprécié par le juge. A chaque fois qu'un renvoi est accepté, l'audience sera interrompue jusqu'au lendemain matin, laissant donc aux personnages la possibilité d'aller interroger de nouvelles personnes et de manière plus générale de procéder à une enquête sur les lieux du crime.
Souvenez-vous que la partie adverse peut demander le même type d'interruption. Si vous constatez que vos joueurs pataugent mais qu'ils ont déjà épuisé leur quota de renvois, vous pouvez décider arbitrairement que le ministère public demande à son tour un complément d'enquête.

Au maximum, le procès devrait durer 5 jours. Au-delà, aussi bien la foule que le juge finiront par s'impatienter. Faites sentir cette impatience à vos joueurs s'ils dépassent les bornes du raisonnable.

Durant le procès à proprement parler, chaque camp est en droit de faire venir à la barre différents témoins et de procéder à des interrogatoires. Comme il se doit, les différents témoins doivent jurer de dire la vérité. Il est tout à fait possible de faire intervenir des témoins " surprise " à condition que cela soit accepté par le juge.
Bref, servez-vous de tous les clichés des films de tribunal. N'hésitez pas à lancer des " objection ! " au nom de l'accusation dès que les joueurs tentent d'influencer leurs témoins, laissez le juge demander aux avocats et à l'accusation de s'approcher pour les rappeler à l'ordre s'ils abusent et faites sentir les réactions de la foule à l'annonce de certains faits…

Ne facilitez jamais le travail de vos joueurs. Laissez-les déployer leur rhétorique. Au fait : en théorie, seul un avocat à la fois aura le droit de parler durant l'audience. Laissez-les décider qui attaquera quel témoin et sous quel angle : la destinée de Bartholomé Klaris est entre leurs mains, et la pression doit se sentir…

Autre point : quels sont les droits des personnages durant cette enquête ? Officiellement, ils sont en droit de demander à parler à tout individu qu'ils désirent rencontrer, et ce serait un grave manquement à l'étiquette de leur refuser une entrevue. De plus, ils ont le droit de visiter les lieux du crime (au sens strict du terme). Pour tout le reste, ils sont soumis à l'approbation des propriétaires des lieux, sauf s'ils demandent un arrêté au juge pour leur donner accès à des zones inaccessibles.
Autant pour la théorie. En pratique, les personnes qui ont des choses à cacher (principalement la hiérarchie religieuse et Goron Li Halan) mettront autant de bâtons dans les roues que nécessaire pour freiner l'enquête si celle-ci prend une orientation qui leur déplaît.

Les lieux du crime

Durant les périodes hors-procès, nos personnages n'auront pas vraiment le temps de se reposer : les délais sont très courts, et il y a beaucoup de détails à éclaircir.
En fait, la plus grande difficulté sera de trouver le mobile du meurtre, les faits semblent quant à eux (trop) clairement établis. Pour cela, les joueurs n'auront pas d'autre solution que d'arpenter les " lieux du crime " afin de recueillir des témoignages et peut-être des preuves.
Mais le crime date de plus de trois mois… comment trouver des informations fraîches ?
Examinons les différents lieux où les personnages sont susceptibles de se rendre…

DARNON

PERSONNAGES A RENCONTRER : FERD JOHNET (CITOYEN TYPE " PRO "), LAWNE ZARKAN (CITOYEN TYPE " CONTRE ").

Darnon est un petit village niché au creux d'une vallée, adossée à la frontière très lâche avec le Lyonesse. Au loin, de nuit, le ciel reflète la débauche de lumière de sa capitale, et il n'est pas rare de voir s'élever dans le soir rougeoyant un vaisseau en partance vers les étoiles.
Pour autant, le village ne profite pas de la richesse de la province voisine. L'agriculture est quasiment l'unique source de revenus. Le village est entouré de nombreux champs de cultures " pauvres " : pommes de terre, betteraves et dérivés. Les villageois sont travailleurs, mais ne pourront probablement jamais prétendre à des revenus ne serait-ce que modestes. Les maisons sont en mauvais état, les hivers froids et l'été insoutenable. Toute la vie des habitants est rythmée par la crainte des inondations ou de la sécheresse. Et la conversation avec les autochtones s'en ressent fortement ! Evidemment, la technologie y est complètement inexistante. On travaille ici comme au Moyen Age.

Les habitants, au nombre de 2 000, se livrent depuis l'affaire Klaris une guerre froide assez impitoyable. Très rapidement, ceux qui sont convaincus de la culpabilité de Bartholomé se sont trouvés opposés à ceux qui professent son innocence. Mais il s'agissait plus d'un prétexte que d'un vrai débat de fond : personne ne sait à quoi s'en tenir, mais nombreux sont ceux qui déserteront les champs pour assister au procès.
Du coup, l'ambiance à Darnon est assez tendue, les étrangers ne sont pas réellement les bienvenus, sauf s'ils se prononcent clairement sur l'affaire. A partir de ce moment là, certaines portes se fermeront mais les personnages ne devraient pas manquer d'invitations à boire un verre de vin !

Les avocats ne pourront pas espérer l'anonymat : dès le premier jour, leur identité est connue de tous et les personnages verront arriver de nombreuses marques de soutien de la part des sympathisants. A l'inverse, il ne sera pas rare que d'autres villageois crachent sur le sol devant les enquêteurs. Evidemment, l'attitude sera exactement inverse quand l'accusation visitera les lieux… De quoi assurer des haines dans le village pour les quelques générations à venir !

CHEZ GILDA ET GURT

PERSONNAGES A RENCONTRER : GILDA, GURT, HELGOR, ERNIE HOAXTON

La maison de Gilda et Gurt ne fait pas exception, si ce n'est par la taille assez modeste du champ qu'elle côtoie. La fille de Batholomé et son mari ne sont pas particulièrement riches. Ce qui ne les empêche pas d'avoir deux enfants dont l'aîné (Helgor, 8 ans) participe déjà à la vie de fermier. La fille cadette (3 ans) ne sera pas d'un grand intérêt dans cette histoire.
La maison est presque comme toutes les habitations du village composée d'une seule pièce, qui sert à la fois de cuisine, chambre et lieu de vie. Des tentures de tissu léger et de mauvaise qualité délimitent les zones. Malgré la pauvreté, la maison est bien tenue et propre. Ne pas respecter cette dernière nécessité est souvent une source de maladie dont tout le monde souhaite se passer.
En guise de source d'eau, Gilda et Gurt disposent d'un petit ruisseau qui traverse leur champ et s'interrompt momentanément par un petit réservoir en pierre taillée avant de poursuivre son chemin vers le champ voisin.

L'interrogatoire des habitants de la demeure sera détaillé dans la partie " Les acteurs ", plus loin.

Si les personnages fouinent dans les environs, ils pourront à un moment se rendre compte que la maison de Gurt est soumise à une surveillance d'un genre particulier : régulièrement, un cavalier fait le tour de la propriété et vient écouter le rapport d'un autre homme, posté à quelques dizaines de mètres sous l'auvent d'une autre ferme. Le cavalier est Trilbur Nox, un homme de confiance de Goron (comme les personnages pourront s'en apercevoir lorsqu'ils rendront visite au Seigneur local). L'homme qui surveille la maison n'est autre que le fils du fermier voisin, Ernie Hoaxton engagé pour cela par Trilbur. Evidemment, les occupants de la ferme Hoaxton sont hostiles aux avocats…

Cette surveillance est destinée à accentuer les menaces qui ont été faites à Bartholomé sur le sort possible de sa fille Gilda et de sa famille. Si les personnages rapportent cette découverte au vieil accusé, il se murera encore plus dans le silence.

Si vos personnages se montrent trop brillants ou s'ils s'attaquent publiquement à Goron Li Halan, ce dernier pourrait bien donner l'ordre de faire enlever Helgor tout en menaçant directement Gurt de tuer son fils s'il ne dépose pas contre Bartholomé. Ce dernier s'exécutera alors, inventant une histoire abracadabrante d'hérésie préméditée que les personnages n'auront aucune difficulté à démonter : Gurt est un homme pragmatique, qui ne sait pas inventer d'histoires crédibles.
La scène devrait pourtant jeter un certain froid dans l'assemblée…

LE MONASTERE

PERSONNAGES A RENCONTRER : HILT GUYAP, FRERE HERBERT, LORYNE

Le monastère que gérait Juron Mladek est situé à un kilomètre au nord de Durnan. Le chemin qui y mène est bien entretenu, même s'il n'est pas si fréquenté. La route se termine devant une lourde porte encastrée dans un mur qui fait tout le tour de la propriété.

Le monastère en lui-même est composé de cinq bâtiments.
L'église Saint-Horace, tout d'abord, est un bâtiment en pierres de taille, aux fenêtres étroites et à l'aspect tassé. A l'intérieur, la seule lumière qui traverse les vitraux épais n'arrive pas à concurrencer les quelques 500 bougies qui brillent en permanence dans la nef.
Le cloître, quant à lui, est exclusivement destiné à l'habitation et à la méditation des moines. Un petit jardin central est désormais à l'abandon : aucun jardinier n'a encore pris la relève de Bartholomé. A noter que c'est également ici que logent tous les religieux, y compris Hilt Guyap, l'Avestite chargé de l'accusation. Une occasion de rencontrer " hors-procès " ce prêtre qui n'aime pas plus que cela sa position… On y trouve également une belle bibliothèque dans laquelle est recopié encore et toujours un ouvrage de saint Horace, dont les copies sont ensuite acheminées vers d'autres lieux de culte.
Le cellier et le réfectoire occupent un bâtiment à part tenu par le moine Herbert, à la fois brasseur, cuisinier et intendant.
Un autre édifice (l'hostellerie) est destiné à recevoir tous les serviteurs non-religieux et les visiteurs. C'est là, notamment que logent les orphelin(e)s du monastère.
Enfin, un dernier bâtiment sert de dépendance, d'entrepôt pour tous les ustensiles d'entretien.

Ici, l'ambiance est également tendue, mais pour une autre raison : beaucoup de moines sont au courant de rumeurs à propos des actions de Mladek. Mais évidemment, personne ne veut que le monastère devienne la cible de l'inquisition ! Si la présence de Guyap rassure les moines, il n'en ira pas de même pour les avocats. Cela dit, il sera possible d'entendre certaines de ces rumeurs à mots couverts, par de lourds sous-entendus ou plus facilement de la bouche de Herbert, passablement éméché.

Le seul élément intéressant que les personnages peuvent trouver ici est la cave semi-secrète du cloître. Officiellement, elle n'était plus utilisée. Officieusement, Mladek l'utilisait pour des réunions secrètes. Désormais, elle est vide : des envoyés du seigneur Goron ont tout déménagé dans les caves de son manoir à Klawn. Aucun indice n'a été laissé : le travail était méticuleux.

CHEZ GORON LI HALAN

PERSONNAGES A RENCONTRER : GORON LI HALAN, JOSHUA BIGGS, TRILBUR NOX.

La demeure de Goron Li Halan ne se trouve pas à Darnon. Elle est située dans la seule ville du fief : Klawn. Cette petite ville de 15 000 habitants dispose encore d'un éclairage électrique, mais sa richesse s'arrête là. Construit sur un remblai artificiel, le palais de Goron (en fait guère plus qu'un grand manoir) se dresse, lumineux grâce à ses spots bien placés, au-dessus de la cité.
Le bâtiment est luxueux et composé de deux étages, de combles et d'une vaste cave qui sert d'entrepôt. Il existe deux entrées : une privée pour les appartements de Goron, et une autre publique pour les affaires courantes. Une porte gardée permet de passer d'une zone à l'autre.

Dans les caves de Goron (auxquelles il ne laissera personne accéder) se trouvent les meubles qui étaient dans le monastère quelques mois auparavant. Les papiers ont tous été brûlés, mais sur une certaine table, on trouve encore des traces de sang. La présence d'instruments de torture est également suspecte, mais pas interdite.
Rappelez-vous que des preuves acquises illégalement ne peuvent servir devant un tribunal et qu'une analyse de sang est impossible. Si les personnages veulent utiliser ces éléments, il ne peuvent qu'espérer insuffler le doute dans le jury, pas prouver de façon claire la culpabilité de Goron et Mladek. De plus, c'est une autre affaire…

Les acteurs

Après avoir fait un petit tour d'horizon des lieux du scénario, voyons maintenant les différents protagonistes. Le déroulement du scénario est essentiellement basé sur le dialogue et les personnages non-joueurs, nous allons présenter tous les acteurs selon un modèle qui devrait faciliter leur interprétation par le meneur.

FERD JOHNET (CITOYEN TYPE " PRO ")

32 ans, 1,70 m. Sa corpulence faible ne l'empêche pas d'être musclé. Ses cheveux noirs sont coupés court et il porte une barbe fournie mais sale. Son dos est légèrement voûté par le difficile travail dans les champs. Il s'exprime avec une voix faible en baissant les yeux et son effroyable manque de culture est flagrant. Tout ce qui dépasse le cadre du village et de la religion de base lui est totalement inconnu.

Ferd, bien qu'il ne puisse pas nier les faits, se souvient avant tout du caractère joyeux et généreux de Bartholomé. Tout le monde a entendu parler de sa vie ratée, même si elle n'est pas exceptionnelle dans le village, et la mort de sa femme l'avait vraiment miné. Elle est morte en couche, mais Ferd ne sait pas ce qui est arrivé à l'enfant. Selon lui, il est mort quelques années plus tard, mais ce n'est qu'une déduction un peu hâtive.
A propos de Mladek, il ne peut pas dire grand chose, si ce n'est que le prêtre n'était pas vraiment connu pour être proche du peuple. Il dirigeait le monastère, simplement, et n'avait pas de contact à l'extérieur.

LAWNE ZARKAN (CITOYEN TYPE " CONTRE ").

34 ans, 1,75 m. Lawne est un individu au port fier et au regard vindicatif. Ses cheveux sont poivre et sel et son visage est imberbe. Il s'exprime avec de fréquents sauts d'intensité dans la voix (élève souvent la voix en milieu de phrase pour appuyer ce qu'il pense être une idée brillante). Tous ceux qui ne sont pas de son avis ne méritent pas l'attention…

Pour Lawne, tous ceux qui ne travaillent pas sont des rebus de la société. Il en va de même avec ce vieil ivrogne de Klaris. Lawne croit savoir que Gurt est bien content d'en être débarrassé. De toute façon, ce genre d'incident devait arriver. Ivrogne un jour, ivrogne toujours !
Lawne tient en haute estime les prêtres et les nobles, bien qu'il leur soit totalement inféodé. De plus, Mladek et Goron s'entendent parfaitement bien : la mort de l'un touche fortement l'autre !

GILDA

23 ans, 1,60 m. Gilda est une femme de forte corpulence au bassin large. Ses cheveux sont longs, noirs et attachés dans le dos et on ne peut pas, même avec la meilleure volonté du monde, la définir comme étant belle. Elle est méfiante et agressive, préférant s'en remettre à son mari dès que la situation lui échappe.

L'attitude de Gilda est assez mitigée face à la situation : sa filiation l'oblige à soutenir son père, mais elle est obligée de reconnaître que ce dernier ne leur a apporté que des ennuis.
Il semblait vraiment tenir à ce travail au monastère. A chaque fois qu'il en fut renvoyé, il mettait son amour-propre au vestiaire pour implorer le pardon des moines. La nuit du crime, il venait encore de se faire renvoyer, mais son attitude avait changé : il semblait en colère, cette fois. Si Gilda avait su comment la nuit allait se terminer, elle l'aurait surveillée davantage.
Gilda se souvient vaguement avoir eu une sœur (seulement si on le lui demande). Mais elle pense qu'elle est décédée en bas âge.

GURT

29 ans, 1,80 m. Gurt est un paysan sans cervelle comme le village en compte beaucoup. Force de la nature, sa conversation est aussi agréable que celle d'un doberman. Bien qu'il ne puisse l'avouer, il est heureux d'être débarrassé du " vieux bon à rien ". Gilda est sa seconde épouse (la première est morte d'une maladie dite " infantile ") et il est persuadé d'avoir fait une bonne action en épousant la fille de Bartholomé. Il la bat régulièrement " mais c'est normal ".

Bien qu'il ne l'avoue qu'à demi-mots, Gurt ne supportait plus de devoir nourrir un ivrogne sous son toit, d'autant plus que Bartholomé acceptait de travailler pour un salaire dérisoire au monastère. Il aurait mieux fait de lui donner un coup de main au champ, mais sa fiabilité laissait à désirer.
Gurt a remarqué la surveillance dont sa maison fait l'objet, même s'il ne la considère pas comme dangereuse. Dans sa tête, ce sont des enquêteurs qui cherchent des indices.
Si son fils Helgor est enlevé, il ira voir l'accusation et demandera à faire une déclaration (ou à comparaître une seconde fois s'il a déjà été appelé comme témoin). Il déclarera que Bartholomé était un antinomiste, qui allait souvent tuer des animaux pour s'abreuver de leur sang en invoquant les démons. Très rapidement, il s'embrouille… Dans la salle, Goron a l'air quelque peu gêné de la mauvaise prestation du paysan.

HELGOR

8 ans, 1,30 m. Entièrement inféodé à son père, Helgor est un enfant silencieux et effrayé. Il est bien trop maigre pour son âge et jette toujours des regards craintifs autour de lui en quête d'un indice sur la meilleure façon de réagir. Il refusera certainement de parler hors présence de son père. Compte tenu de la situation familiale, il est partagé au sujet de sa mère entre la pitié et le mépris, mais n'en dira certainement rien.

Helgor aimait bien son grand-père. De temps en temps, en été, il allait le rejoindre la nuit sous l'auvent qui lui servait de dortoir pour se rafraîchir. Il n'était pas rare que le vieillard parlât dans son sommeil. Il demandait pardon, visiblement à deux femmes distinctes qu'il appelait respectivement " mon amour " et " mon bébé ". Helgor est trop jeune pour faire des interprétations, mais les joueurs pourront en faire, eux.
Quand il était vraiment ivre, il parlait d'un certain Herbert qu'il appréciait beaucoup.

ERNIE HOAXTON

20 ans, 1,90 m. Véritable brute, Ernie est aussi bête que méchant. Portant toujours une salopette grise, ses cheveux longs l'aveuglent souvent lorsqu'il soulève son menton carré d'un air bravache. Il parle en traînant sur certains mots. En fait, c'est un bègue qui n'acceptera jamais de l'avouer. Durant les scènes où il est mis en défaut (au tribunal, par exemple), il finira toutefois par perdre son emprise sur lui-même.

Ernie ne sait pas grand chose et ne veut pas en savoir plus. C'est Trilbur qui l'a engagé. Il a pour instruction de lui faire un rapport régulièrement sur les allées et venues auprès de la maison de Gurt. Ca n'est pas un secret, aussi ne fera-t-il aucune difficulté à le dire. En fait, Trilbur pensait que le silence allait de soi, mais Ernie manque décidément d'intelligence…

FRERE HERBERT

70 ans, 1,60 m. Guère aidé par la nature, frère Herbert est à la fois bossu, astigmate et légèrement sourd. En fait, prématuré, Herbert fut le tout premier orphelin du monastère voilà bien longtemps. Contre toute attente, il fit son trou. Légèrement pervers, rigolard et soiffard fini, Herbert s'est attiré la défiance de ses frères et de ses supérieurs. Seules ses qualités d'organisation lui évitent des problèmes.

Frère Herbert est sans doute celui qui en sait le plus long sur cette affaire, mais le dira-t-il pour autant ? S'il est prêt à faire de nombreuses allusions à mots couverts devant les avocats, il restera très sobre dans ses déclarations devant le tribunal… à moins qu'on le fasse boire ! Il est en effet incapable de résister à un verre (ou plus), et cela peut donner lieu à une curieuse scène à la barre (à traiter avec humour, mais les déclarations sont sérieuses).
Herbert est au courant pour la fille de Bartholomé. Il sait que le vieil homme (son meilleur ami, le vin soude !) regrettait beaucoup la vente de sa fille au monastère. Le moine a également constaté que certaines orphelines avaient la langue coupée, généralement lors de leurs 18 ans. Plusieurs d'entre elles se sont même enfuies du monastère. Il ignore la cause de cette mutilation, mais en avait référé souvent à son supérieur avec lequel il entretenait des relations houleuses. Pour Herbert, Mladek était un ambitieux comploteur, qui avait beaucoup trop de contacts avec Goron pour être honnête.

Les autres moines considèrent Herbert comme un vieux fou, que seul son âge et sa capacité de gestion empêchent de mettre à la retraite. Même si nombreux sont les frères qui approuvent à mots couverts ses soupçons concernant Mladek, rien ne les fera parler. L'esprit de corps et la peur d'une enquête approfondie sont trop forts. De plus, avec la mort de Mladek, tous les problèmes sont résolus…

Pour faire monter l'ambiance, vous pouvez décider que le frère Herbert trouve " accidentellement " la mort le lendemain de sa déclaration (à vous de décider s'il s'agit réellement d'un accident ou pas…).

LORYNE

18 ans, 1,50 m. Mignonne petite fille, elle semble beaucoup plus jeune qu'elle ne l'est en réalité. Mais lorsqu'on la regarde dans ses grands yeux tristes, on ressent exactement le contraire : une certaine lassitude qu'on ne rencontre que chez les plus vieux. Loryne est muette, évasive et n'aime pas le contact des autres. Une petite fille triste, en quelque sorte. Elle n'est capable que de communiquer par oui ou par non, ainsi que par signes dans le pire des cas (les moines ne lui ont pas appris à écrire).

Loryne est présente tous les jours au tribunal. A chaque fois que son père est mis en difficulté, des larmes lui coulent sur le visage. Elle n'a rien à perdre, et si les personnages mettent à jour le lien qui l'unit à Bartholomé, elle acceptera de témoigner et de dire toute la vérité.
L'accusation ne manquera pas de mettre en doute la véracité des affirmations d'une jeune orpheline " faible d'esprit ", mais le témoignage peut faire son effet. Reportez-vous au paragraphe " l'affaire " pour apprendre ce que sait Loryne, et laissez l'interrogatoire se dérouler.

GORON LI HALAN

32 ans, 1,80 m. Chauve et imposant, Goron peut passer en quelques secondes de l'attitude mielleuse d'un négociateur à l'expression tranchante du bourreau. Extrêmement ambitieux, il est prêt à tout pour maintenir son rang et pour progresser sur la planète. Evidemment, une implication dans une affaire d'hérésie stopperait net son ambition. En fait, il a tout à perdre dans cette affaire et mettra les moyens nécessaires pour ne pas être inquiété…

Goron accepte poliment de répondre à toutes questions. Il sera certainement outré d'être cité comme témoin, et encore plus d'être malmené. Toutefois, il jouera le jeu jusqu'à ce qu'il soit mis en cause directement. Il sombrera alors dans le silence tandis que l'accusation déposera une objection (" ce n'est pas le procès du seigneur Li Halan ").
N'ayant aucune raison apparente d'accuser Bartholomé, il jouera la carte du seigneur " déçu de voir que la folie frappe également les gens de son fief, mais qu'y peut-on ? "
Concernant Mladek, il ne tarit pas d'éloges. Toute accusation à son égard ne peut que salir l'aura d'un saint homme, et à qui cela profite-t-il sinon aux ennemis de l'église ?
Bref, l'interroger n'est pas une mince affaire et ne devrait déboucher sur rien. Il est toutefois légèrement perturbé si on évoque Trilbur. Il sait que l'homme a commis quelques actes " amoraux " en son nom par le passé et ne souhaite pas que le lien puisse être fait. Au pire, il désavouera son homme de main qui se fera une joie de disparaître.

TRILBUR NOX

30 ans, 1,80 m. Avec de longs cheveux noirs et une balafre sur le front, Trilbur a exactement le profil de son emploi : homme de main de Goron. Bien qu'il ne soit pas officiellement employé par le seigneur, on le trouve souvent à son domicile. Au pire, le seigneur pourra le renier, et Trilbur est assez professionnel pour le couvrir tant qu'il ne risque pas trop pour lui-même. Silencieux et effacé, Trilbur sait se faire respecter lorsque c'est nécessaire.

Pourquoi surveille-t-il Gilda et Gurt ? Simplement parce qu'il est très amoureux de Gilda (dit-il avec un sourire faux). Oui, il sait, ce n'est pas bien, mais l'amour rend aveugle. D'accord, il arrêtera…
Bref, tout chez Trilbur sonne faux, et il n'hésitera pas à mentir honteusement devant le tribunal, toujours de façon à ce qu'il ne puisse pas être pris à défaut. Si la situation devient trop pénible pour lui, il finira par s'éclipser.

Conclusions

Avec tous ces interrogatoires et la manière dont ils auront été menés, vos personnages vont pouvoir réellement déterminer le destin d'un homme. Il faut que vos joueurs se sentent investis de cette responsabilité, aussi vaut-il mieux rendre Klaris extrêmement sympathique.
Mais ce sera à vous, meneur de jeu, de décider en votre âme et conscience pour l'ensemble des jurés. Attention toutefois : dans tous les cas, Bartholomé sera reconnu coupable (impossible de nier les faits). Mais si un mobile est apparu ou si des fortes zones d'ombre persistent, les circonstances atténuantes diminueront la sentence.
Cette dernière se situera quelque part entre le bûcher et l'exil.
Dans le premier cas, Bartholomé demandera à voir Guyap en confession. A la fin de l'entrevue, le prêtre est perplexe. On retrouvera Klaris dans sa cellule, pendu avec une ceinture que quelqu'un aura oublié sur place (Guyap sait se montrer miséricordieux).
Dans le cas de l'exil, la peine est commuée en peine d'intérêt général à vie sur Bizantium Secundis. Une façon détournée de dire que l'empereur offre une nouvelle vie au vieil homme… Peut-être que Loryne pourra partager cette peine jusqu'à la mort de son père ?

Dans tous les cas, les personnages se retrouveront forcément dans le tumulte qui suit l'annonce du verdict. De nouvelles inimitiés vont se créer, de même que certaines amitiés utiles. De quoi poursuivre l'histoire un peu plus loin… car tout est loin d'être réglé dans le fief de Klawn…