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Eastenwest > 9 - Plus mort que vivant !
Humble Mortel, ch. 12-15
Voilà donc la suite de ce roman épique commencé dans le numéro 5 et poursuivi depuis. Comme d'habitude, n'hésitez pas à envoyer vos commentaires à l'auteur pour lui faire part de vos impressions. Bonne lecture.
CHAPITRE 12
Gwantholin se releva. Le
soleil était en train de se coucher. "Il est tard" dit-elle.
Romik se releva lui aussi, pour s'écrouler tout de suite après
au sol
"Aah! j'ai mal!" s'écria-t-il en frottant son
séant ankylosé. "Je crois que je me passerai d'un cheval
pour rentrer
" ajouta-t-il.
"Bien, rentrons à pied alors."
Ils marchaient depuis quelques minutes en silence mais ce n'était plus
un silence gênant comme auparavant et Romik n'éprouvait plus cette
sensation d'embarras. Il décida quand même de prendre la parole:
"Au fait, tu ne m'as toujours pas expliqué comment utiliser la Dague
de Précision."
"Oui, tu as raison; je n'y pensais plus du tout. Peut-être te l'enseignerai-je
demain."
"Demain? Tu ne pourrais pas le faire ce soir? On a encore du temps."
"Ce soir, j'ai d'autres préoccupations. Les elfes sylvains organisent
des festivités pour honorer notre présence ici. J'espère
que tu viendras."
"D'accord je viendrai. Mais j'en ai marre de toujours être prévenu
en dernier. Ce n'est pas parce que je suis le wogantagë qu'on doit tout
me cacher."
Gwantholin esquissa un sourire mais elle ne dit rien. Ils continuèrent
à marcher en silence. Mais Romik s'enhardit et prit la main de l'elfe
dans la sienne. Cette fois-ci, elle ne dit rien non plus mais toutefois, elle
serra sa main.
Ils remontèrent de la même façon
que Romik était descendu: par les échelles de cordes. A chaque
plate-forme qu'ils atteignaient, ils remontaient l'échelle qui pendait,
afin que nul visiteur indésirable ne remarque quoi que ce soit.
Ils franchirent plusieurs plate-formes qui étaient désertées
et, lorsqu'ils se rapprochèrent de la hutte de Todjekelimf, Romik perçut
une musique. Elle était un peu similaire à celle qu'il avait entendue
quelques jours auparavant et cela le fit penser à Ponjafen Deskutog.
Puis il vit des tables dressées sur des tréteaux. Il y reposait
toutes sortes de mets. Ils étaient essentiellement composés de
produits de cueillette et il y avait aussi des tranches de pain blanc, de la
viande séchée et quelques légumes sauvages. Il y avait
aussi des pots de miel, de la gelée, des fruits secs et diverses sortes
de vin, de l'hydromel et du vin de noix.
La superficie totale des lieux n'était pas bien grande, mais Romik réussit
quand même à dénombrer plus d'une centaine de personnes.
Il parvint aussi à distinguer plusieurs elfes avec qui il avait voyagé.
Toujours accompagné de Gwantholin, il se dirigea vers Aïnedegathel.
"J'espère que tu t'amuses bien ici!" lui dit-elle.
"Je viens d'arriver, alors je ne peux pas encore me prononcer. Mais tous
ces elfes réunis au même endroit, ça m'intimide un peu."
Aïnedegathel hocha de la tête. "Je crois que je peux te comprendre"
dit-elle. Elle tendit à Gwantholin son gobelet et prit la main de Romik.
"Viens! lui dit-elle en l'entraînant. Je vais te montrer un autre
endroit plus calme. Peut-être t'y sentiras-tu mieux."
Elle l'entraîna dans un autre endroit, guère éloigné.
C'était de là que provenait la musique. Il y avait une vingtaine
de musiciens qui jouaient avec des instruments semblables à ceux que
Romik avait vus à Ponjafen Deskutog. Mais si là bas ils n'avaient
été qu'une demi-douzaine, ici, le nombre bien plus important d'instrumentistes
rendait la musique encore plus entraînante. La plupart des elfes qui étaient
là dansaient, d'une manière similaire à celle durant la
cérémonie de départ et une fois de plus, Romik en fut un
peu choqué car il n'avait pas l'habitude de voir ces personnes d'ordinaire
fort réservées plongées dans cette attitude qui lui semblait
quelque peu frivole. Il y avait aussi d'autres elfes un peu à l'écart
des autres qui conversaient ou bien qui écoutaient la musique.
"Tu viens danser?" lui demanda Aïnedegathel.
Sur le coup, Romik eut envie de décliner l'invitation; mais la musique
était si belle et si entraînante qu'il se résolut à
accepter. Il prit la main de l'elfe et se fondit parmi les autres danseurs.
Ne sachant plus trop comment s'y prendre, il regarda autour de lui et imita
les autres. De sa main, il fit tourner sa cavalière sur elle-même,
puis il la réceptionna de son autre main et la fit encore tourner tout
en se mouvant aux rythmes de la musique. Il continua de la sorte, variant les
passes en imitant les autres ou en suivant les indications d'Aïnedegathel.
Il s'en sortait bien, mieux que lorsqu'il avait dansé avec Gwantholin.
La dernière fois, il avait eu un blocage au début et il lui avait
fallu quelques temps avant de réussir à danser correctement et
sans se sentir pitoyable. Cette fois-ci, il était parvenu à danser
aux rythmes de la musique sans difficultés et il y prenait plaisir.
Après de longues minutes, la musique cessa et chaque danseur changea
de cavalière. Romik continua à danser. Et après un temps
qui lui parut très long, il s'arrêta, fatigué et en sueur.
Il se dirigea à l'écart du groupe de danseurs et prit le premier
gobelet qu'on lui tendit. Il était assoiffé et il vida son contenu
d'un trait, sans chercher à connaître sa nature. C'était
de l'alcool mais heureusement pour lui, il était léger et désaltérant.
Après cela, il entreprit de chercher Aïnedegathel. Il eut beaucoup
de mal à la trouver: elle se trouvait là où il n'avait
pas pensé à la chercher au début, parmi les musiciens.
Elle accompagnait les autres musiciens en jouant de la mandoline. Elle jouait
merveilleusement bien et les sonorités de son instrument se mêlaient
idéalement à celles de la musique.
Romik fut très impressionné et il resta aux côtés
d'Aïnedegathel, à l'écouter jouer. Lorsqu'elle s'arrêta
enfin, il l'entraîna un peu à l'écart des autres musiciens
pour qu'ils puissent se parler sans trop être dérangés par
le bruit.
"Tu joues vraiment bien, commenta Romik. Je ne savais pas que tu avais
tant de talent. Tu n'y avais jamais fait allusion."
"Et moi, je ne te savais pas si sensible à cela. Aimes-tu la musique,
Romik?"
"Eh bien auparavant, je n'avais jamais eu beaucoup d'occasions d'en écouter.
Mais la musique elfe est vraiment belle. Elle est riche, si envoûtante
Par contre, elle m'a l'air aussi très complexe, et difficile à
jouer. Tu as eu du mal pour apprendre à te servir de la mandoline ?"
"Il faut que tu saches que les elfes naissent presque avec un instrument
de musique dans les mains. Notre culture est très portée sur cet
art: que ce soit nous qui chantions, le chant des oiseaux ou la musique instrumentale.
Dès notre enfance, on nous y initie alors nous n'avons pas beaucoup de
difficultés en ce qui concerne ce domaine."
"C'est bien; dommage que ce ne soit pas pareil chez nous" fit Romik,
pensif.
Il bailla. "Je suis épuisé, annonça-t-il. Je crois
que je n'ai pas encore tout à fait récupéré la fatigue
accumulée lors de ce voyage."
"Bonne nuit."
"Oui, bonne nuit."
Romik repartit vers la hutte où il était allé en début
d'après-midi et il s'effondra sur sa natte.
Lorsqu'il se réveilla, il entendit le pépiement
d'oiseaux et il resta allongé, les yeux grands ouverts, regardant le
plafond de la hutte pendant plusieurs minutes. Ensuite, il s'assit sur sa couche
et regarda autour de lui. Il semblait qu'il n'avait pas été le
seul à dormir en ce lieu mais ses compagnons de chambre s'étaient
montrés plus matinaux que lui. Il se leva et sortit.
Il estima que le soleil devait s'être levé depuis trois heures
environ. Il n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait faire et il commençait
à avoir faim. Alors il parcourut Torkanjen Dilurgansan en quête
de nourriture. Il ne rencontra presque personne sur sa route et il revint là
où il avait passé la soirée la veille. Ce qu'il avait espéré
trouver était là: de quoi manger. Il y avait suffisamment de restes
entreposés sur les buffets pour nourrir plusieurs Romik. Il se servit
de quoi faire un bon petit déjeuner et partit manger un peu plus loin.
Une fois repu, il décida de retourner à la clairière aux
chevaux, espérant y retrouver Gwantholin. Il descendit de la même
façon que la veille, par les échelles et marcha quelques minutes
avant d'atteindre la clairière. Du sommet de la butte, il aperçut
beaucoup de chevaux, mais aucun elfe. Il passa quelques temps avec ses chevaux
puis il marcha dans le sous-bois.
Rapidement, il entendit chanter. C'était une voix féminine qui
psalmodiait avec beaucoup d'émotion. S'attendant à trouver celle
qu'il espérait, Romik évolua silencieusement vers la direction
d'où provenait la voix. Se rapprochant, il finit par distinguer une silhouette
solitaire adossée à un arbre. C'était Gwantholin. Il s'efforça
de se diriger vers elle le plus précautionneusement possible, en marchant
lentement et en espérant que le chant de l'elfe couvrirait le bruit de
ses pas. Puis il s'adossa lui aussi à l'arbre, mais du côté
opposé.
Il attendit, assez longuement, jusqu'à ce que le chant cesse puis il
dit: "Tu as une belle voix, Gwantholin; ça rend ton chant d'autant
plus admirable." Il se leva et contourna l'arbre.
"Je suis contente de te revoir Romik" lui déclara-t-elle en
guise de réponse.
Romik sourit. "J'ai réussi?" s'enquit-il.
"Quoi donc?"
"A te surprendre."
L'elfe hocha de la tête et Romik éclata de rire. "Oui, j'ai
réussi à te surprendre!" jubila-t-il. "Mais tu aurais
pu te montrer un peu plus surprise que ça, ça m'aurait fait encore
plus plaisir" ajouta-t-il.
"Oh, si ce n'est que cela alors nous n'avons qu'à recommencer: je
me boucherai les oreilles et tu viendras encore une fois par surprise derrière
mon dos" dit-elle en riant.
"Bon, mais j'ai quand même réussi à me déplacer
aussi silencieusement qu'un elfe, j'y suis arrivé!"
Romik redevint sérieux. "Bon, assez plaisanté. Maintenant
que nous avons toute une journée devant nous, tu vas pouvoir m'enseigner
l'utilisation de cette fameuse dague."
"Je constate que tu y tiens beaucoup. Es-tu si pressé que tu le
laisses entendre ou pouvons-nous nous promener un peu?"
"D'accord, je te suis."
Ils marchèrent jusqu'à la clairière car Romik avait envie
de réessayer la monte à crû. Dès que Romik s'assit
sur sa monture, il commença à ressentir les courbatures de la
veille mais il pût quand même continuer. Ils galopèrent pendant
longtemps jusqu'à être fort éloignés de Torkanjen
Dilurgansan. Cette fois-ci, Romik appréhenda plus aisément cette
manière inhabituelle de monter. Ce n'était plus maintenant qu'une
question d'entraînement pour qu'il sache monter avec autant de facilité
qu'un elfe.
Lorsque les chevaux commencèrent à donner signe de fatigue, ils
se mirent au pas et s'arrêtèrent dans un lieu paisible où
les arbres étaient suffisamment espacés pour laisser passer beaucoup
de lumière. Ils conversèrent longuement, d'une conversation fluide
et agréable portant sur des sujets variés. Lorsque Romik commença
à avoir faim, ils partirent en quête de nourriture. Ils trouvèrent
suffisamment de fruits sauvages pour satisfaire l'appétit du jeune homme
et après cela, Gwantholin décida enfin d'apprendre à son
ami l'usage de la Dague de Précision.
Gwantholin s'était assise en lotus sur un tapis de mousse, les mains
reposant sur ses cuisses, les yeux fermés. Elle avait une respiration
lente et silencieuse et elle semblait calme et reposée. Romik tenta de
l'imiter mais il ne put tenir dans la posture du lotus bien longtemps car ses
chevilles commencèrent à lui faire horriblement mal. Il opta alors
pour s'asseoir en tailleur, le dos reposant contre un arbre. Tout comme l'elfe,
il ferma les yeux et essaya de se détendre.
"Gwantholin! appela Romik après un temps. Pourquoi doit-on faire
ça? Je croyais que tu allais m'apprendre la magie
"
Elle se tourna vers lui. "Si tu veux pouvoir utiliser la magie elfique,
tu dois d'abord te mettre dans le même état d'esprit que celui
de tous les lanceurs de sorts, c'est à dire que tu dois te sentir bien;
tu dois être en accord avec ton esprit. De plus, tu dois apprendre la
patience. Même si l'espérance de vie d'un mortel est largement
inférieure à celle d'un elfe, tu as du temps devant toi. C'est
pour cela que je t'enseigne cet exercice de relaxation. Nous allons le reprendre.
Ferme les yeux -c'est important- et essaye de ne pas te concentrer."
"Ne pas me concentrer? Tu veux dire que je dois essayer de faire le vide
dans mon esprit, je dois m'efforcer de ne penser à rien? Quand j'étais
petit, ma mère me disait cela quand je n'arrivais pas à dormir
"
"C'est un peu cela, mais tu ne dois pas nécessairement ne penser
à rien. Laisse tout simplement ton esprit à la dérive.
N'agis pas mais ressens; et laisse ton esprit être parcouru par des pensées
calmes et apaisantes."
"Bon, je vais essayer" fit Romik, sceptique.
Il mit en uvre les conseils de Gwantholin et se détendit. Il aurait
toutefois préféré faire cela allongé: il était
sûr qu'il se sentirait mieux.
Après un certain moment, Gwantholin le " réveilla ".
Il était détendu mais il se demandait toutefois s'il ne venait
pas de s'être endormi juste avant que Gwantholin ne l'appelle. En effet,
il avait l'impression de partager un état de béatitude et il aurait
aimé pouvoir y replonger. C'était un peu comme si on l'avait tiré
du sommeil et qu'il souhaitait se rendormir.
"Te sens-tu bien maintenant?"
"Oui, je suis reposé et calme."
"Alors nous allons pouvoir commencer." Elle se leva et l'incita à
faire de même. "Passe-moi ta dague, je te prie." Il la lui tendit
et elle la saisit. Elle se concentra et Romik ressentit les mêmes effets
que ceux de la dernière fois: l'étrange picotement familier, le
curieux bourdonnement et le halo luminescent enveloppant la dague.
"J'ai maintenant activé la magie de la dague, commenta-t-elle. Maintenant,
je peux utiliser ses pouvoirs. Regarde." Elle ouvrit sa main et la mit
à plat; la dague reposait sur sa paume. Elle fixa intensément
l'objet qui se mit à léviter au-dessus de ses doigts fins, à
une hauteur équivalente à une largeur de main. Puis l'arme redescendit
et se reposa sur la paume de Gwantholin. Elle ramena sa main en arrière,
vers sa tête et curieusement, l'objet était fixé à
sa paume, comme si on l'avait collé. L'elfe prit une inspiration et projeta
brusquement sa main en avant. La Dague de Précision décolla, elle
était lancée. Elle évoluait moins vite qu'un objet qu'on
lance et semblait presque planer en accomplissant sa trajectoire.
Gwantholin avait projeté l'arme vers un tronc d'arbre. Un peu avant que
la dague n'atteigne l'arbre, l'elfe tendit la main, comme si elle attendait
qu'on y dépose quelque chose. La dague stoppa sa course, resta immobile,
à plusieurs pieds du sol puis inversa sa trajectoire. Elle revenait vers
Gwantholin d'abord lentement puis de plus en plus rapidement jusqu'à
ce que l'elfe l'attrape en plein vol.
"Cette petite démonstration te convient-elle?" s'enquit Gwantholin
tout en tendant à son ami la dague.
"C'est tout simplement stupéfiant !" Romik était époustouflé.
"Et je peux, moi aussi, faire la même chose?"
"J'en suis persuadée; je pense que tu pourras aussi faire exécuter
à la Dague de Précision d'autres secrets." Elle lui tendit
la Dague de Précision. "Vas-y."
Romik s'exécuta. "Et qu'est-ce que je dois faire, maintenant?"
"D'abord, il faudrait que je t'explique brièvement le principe de
fonctionnement de la Dague de Précision. Vois-tu, lorsqu'on lance un
sort, on fait appel au mana. Grossièrement, on pourrait dire que c'est
une énergie magique qui nous entoure. Elle est présente partout,
bien qu'il existe des lieux ou sa concentration est très élevée.
On appelle cela des nuds de mana. Le mana est l'apport d'énergie
nécessaire à la création d'un sort. Plus la quantité
de mana invoquée est importante, plus l'apport d'énergie à
ton sort sera important. Donc le sort sera davantage puissant."
"Mais je me souviens qu'Aïnedegathel m'avait dit que cela pouvait
être dangereux" rétorqua Romik.
"C'est vrai, mais utiliser la Dague de Précision est différent
de lancer un sort car cette dague est un objet magique. Lors de sa création,
le forgeron a gravé les runes que tu peux voir sur cette dague. Ce sont
des runes magiques, dans lesquelles on a investi du mana par un procédé
très complexe qui dépasse mon entendement. De cela, il en résulte
que la Dague de Précision est un objet magique et on fait appel à
ses capacités pour l'utiliser. Je sais que les sorciers d'un certain
niveau peuvent eux aussi accomplir ce que je t'ai montré mais avec une
dague ordinaire. Cela est possible en lançant un sort de télékinésie
avancée mais c'est bien plus difficile, inaccessible à beaucoup
de personnes tandis que ta dague est utilisable pas presque tout le monde."
"Donc si j'ai bien compris, pour réussir à faire ce que tu
as accompli, il faut que j'active la magie de la dague?"
"C'est exactement cela. Pour procéder, il va falloir que tu sentes
la dague. Ferme les yeux et sens son énergie."
Romik essaya. Au bout d'une minute, rien n'était arrivé.
"Ça ne marche pas!" se lamenta-t-il.
"Rappelle-toi l'exercice de méditation que je t'ai fait faire. Essaye
de te replonger dans ce calme intérieur."
Il itéra sa tentative en essayant de se replonger dans la même
attitude que pendant l'exercice de méditation. Il s'efforçait
de ressentir la puissance de la dague, tout en restant serein. Il savait que
s'il avait peur d'échouer, il ne réussirait jamais.
C'est peut être grâce à cette confiance en lui qu'il y parvint.
Au bout de quelques minutes, il put réellement ressentir les effets de
la Dague de Précision. C'était comme s'il était parvenu
à ouvrir une serrure. Il ne manquait plus qu'il exerce sa volonté
sur l'arme pour qu'elle lui obéisse.
Il réouvrit les yeux. Gwantholin le regardait et elle lui souriait. "Tu
y arrives" lui dit-elle. Romik fixa intensément la lame et il sentit
qu'elle vibrait entre ses doigts. Puis le bourdonnement caractéristique
et le halo bleuté apparurent.
"Ça y est, j'ai réussi" dit calmement Romik.
"Oui, tu y es parvenu. Tu as réussi à activer le pouvoir
de la Dague de Précision. Félicitations." Après un
silence, elle ajouta: "Je crois que tu devrais arrêter, maintenant.
C'est bien assez pour aujourd'hui."
CHAPITRE 14
Plusieurs jours s'étaient écoulés
et on était maintenant au lendemain de la pleine lune. Si tout
s'était déroulé comme l'avait envisagé Todjekelimf,
ils avaient déjà essayé de dissiper le sort rendant
les runes du parchemin de Gwantholin illisibles. Romik espérait
que c'était pour cela que Venjhitia était venue lui dire
qu'il devrait se rendre à la hutte de Todjekelimf deux heures environ
avant le coucher du soleil. |
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Todjekelimf attendit quelques instants puis continua
: "Nous avons attendu la pleine lune pour commencer nos rituels. Nous avons
agi en groupe ; ce sont ceux qui m'ont apporté leur aide, annonça-t-il
en désignant d'un geste ample du bras la demi-douzaine d'elfes qui étaient
étrangers à lui. Nous nous sommes préparés durant
de longues heures et avons fait appel à la communion pour que notre travail
d'équipe soit optimal. Je tiens à vous dire que nous étions
dans les meilleures conditions possibles lorsque nous avons essayé de
désactiver la magie de ce parchemin.
"Hélas, quels qu'aient été nos efforts, nous avons
échoué. Nous sommes dans l'incapacité de briser ce sceau
magique. La personne qui l'a crée a fait appel à une magie fort
puissante qui m'est étrangère. Je suis navré, notre aide
vous a été inutile ; il vous faudra faire appel à quelqu'un
de plus versé dans ces arcanes que nous."
Gwantholin prit la parole : "Alors qu'allons nous faire ? Il faut que ce
que contient ce parchemin soit très important pour qu'il soit ainsi protégé.
Je crois que nous ne pouvons nullement nous permettre de ne pas le lire."
"C'est aussi ce que je conçois" déclara Venjhitia. "Nous
ne pouvons pas prendre le risque de négliger ce que contient ce document.
Il nous faut essayer par tous les moyens de désactiver ce sort."
"Bien, si vous pensez que ceci est nécessaire je peux alors vous
suggérer de vous rendre à Arnd Keïtzan. Je suis persuadé
que le Clairvoyant pourra résoudre votre problème."
"Arnd Keïtzan ! s'exclama Aïnedegathel. Mais cela va nous
prendre des semaines!"
Todjekelimf acquiesça. "Cela est vrai ; aussi, je poursuis mon offre
d'hospitalité. Ceux d'entre vous qui souhaitez rester à Torkanjen
Dilurgansan le pourront. Ils seront toujours considérés comme
des nôtres."
"Je vous en suis fort reconnaissante" répondit Venjhitia.
"Puisque le voyage jusqu'à Arnd Keïtzan va prendre de
nombreux jours, je ne crois pas que vous serez gênés d'en passer
un de plus ici. Les miens se chargeront des préparatifs ; ainsi, vous
pourrez partir après demain, à l'aurore. Je crois que nous pouvons
considérer que cette réunion est achevée, il n'y a plus
rien à traiter."
Sur ces paroles, les elfes disposèrent.
"Aïnedegathel, attends ! cria Romik
en la rejoignant."
"Qu'y a-t-il?"
Romik attendit, le temps qu'il reprenne son souffle puis: "C'est que je
n'ai pas entièrement compris de quoi vous parliez. Quel est le lieu dont
vous avez parlé? Et qui est ce Clairvoyant?"
"Il s'agit d'Arnd Keïtzan. C'est une cité elfe très
importante, loin d'ici, vers l'orient. Il nous faudra au moins trois semaines
pour nous y rendre. Et pour ta question, le Clairvoyant est un elfe. Il est
d'une grande sagesse et il bénéficie de pouvoirs importants."
"Au moins trois semaines? C'est donc plus loin que les montagnes Tarkzijir?"
"Peut être as-tu entendu parler de la forêt Balegathol. C'est
une immense étendue d'arbres. Rarement ses sentiers ont été
arpentés par des humains. C'est là bas qu'est située Arnd
Keïtzan. C'est en quelque sorte la capitale des elfes, et le plus beau
lieu qui existe en ce monde."
"J'ai hâte d'y être. Euh
j'espère que je peux
continuer à vous accompagner?"
"Ne t'en fais pas, j'intercéderai en ta faveur."
Romik lui sourit. "Merci. Tu es une vraie amie et je suis content de pouvoir
compter sur toi."
Il passa la fin de cette journée et la journée
suivante à Torkanjen Dilurgansan. Sachant que la durée de son
séjour était limitée, il avait essayé de voir le
plus de choses et il était partit à la découverte de la
cité. Il arrivait plus facilement à se repérer, il connaissait
l'architecture générale des logements et il avait pu observer
l'art elfique, que se soient la musique, le tissage ou la gravure sur bois.
Il avait d'ailleurs passé de nombreuses heures à perfectionner
son travail du bois avec un elfe artisan très amical, du nom d'Hestvalen.
En effet, en tant qu'apprenti maître artisan, il lui était arrivé
plusieurs fois d'effectuer des travaux d'ébénisterie à
Stanok et c'est peut être pour cela qu'il progressa avec autant de facilité
auprès de l'ébéniste.
C'était maintenant le matin, jour du départ. Romik et les autres
étaient rassemblés au sol, en dessous de Torkanjen Dilurgansan.
Leurs chevaux étaient prêts, et leurs effets personnels avaient
été chargés sur les deux chevaux de trait de Romik qui
avaient trouvé leur utilité. Il y avait cette fois ci beaucoup
moins de monde pour le voyage, et de la petite vingtaine d'elfes ne restaient
plus que neuf personnes : Gwantholin, Aïnedegathel, Avemenkel et Sergojvalitur,
toujours accompagné de Ruvmirtik. Firdofeïm et Eanepalith étaient
aussi du voyage. Il y avait aussi trois autres elfes que Romik connaissait vaguement
: Ilpalfejid, Dakgonthë et Veffimtador.
Venjhitia s'avança vers le groupe. "Je vous souhaite un bon voyage,
annonça-t-elle. Puissiez-vous arriver à destination promptement,
et sans encombres. Je ne vous accompagne pas mais vous pourrez toujours bénéficier
de la sagesse d'Eanepalith."
"Si vous le permettez, dit Todjekelimf, j'aimerai vous confier deux personnes
qui n'ont pas encore fait leur preuve mais qui pourraient vous apporter leur
aide. Voici Tolgââjaz" dit-il en désignant un grand
elfe aux épaules carrées, portant à la ceinture un fourreau
devant contenir une épée large. Un grand bouclier ovale était
passé dans son dos. "Sa lame pourrait vous être utile en cas
de danger" ajouta-t-il.
Il présenta la deuxième personne, une elfe aux longs cheveux châtains
clairs. "Les talents cléricaux de Targetelan pourraient aussi vous
être profitables" se contenta-t-il de dire en passant une main sur
l'épaule de la personne en question.
Romik dévisagea ses deux nouveaux compagnons de route. A priori, ils
semblaient jeunes, peut être de l'âge de Gwantholin ou moins que
cela. Bien que les elfes bénéficient de la jeunesse éternelle,
Romik avait appris plus ou moins à distinguer leur âge. Il y parvenait
en notant de subtils détails : le port de la personne, l'intensité
de son regard
Cela se faisait plutôt de façon instinctive
et Romik aurait été incapable d'enseigner à un autre humain
comment déterminer l'âge d'un elfe. Il le faisait tout naturellement,
sans réellement se donner d'explication sur cela. Bien sûr, il
n'était pas toujours sûr de ses estimations
Donc Tolgââjaz et Targetelan semblaient assez jeunes. Peut-être
étaient-ils toujours restés à Torkanjen Dilurgansan et
le voyage jusqu'à Arnd Keïtzan constituerait alors leur première
" vraie " sortie.
Avant que les compagnons ne se mettent en route, Venjhitia
vint vers Romik. "Pourrions-nous nous entretenir quelques instants, je
vous prie ? lui demanda-t-elle. J'aimerais vous faire quelques recommandations."
Ils s'écartèrent du groupe et marchèrent. Ce fut Romik
qui prit la parole : "Pourquoi vous ne nous accompagnez pas ? Je pensais
que vous vous sentiez aussi concernée par le problème du parchemin
de Gwantholin."
"Assurément, je suis concernée par ce parchemin. Seulement,
je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je vienne avec vous. Je me
sens fatiguée et j'aimerais prendre du repos. J'estime qu'il n'est pas
nécessaire que je me rende à Arnd Keïtzan."
"Mmh, je comprends. Vous vous estimez en quelques sorte trop âgée
pour ce voyage
"
"Oui, je n'ai pas cur à cela." Après un silence
: "Bien, venons en aux faits. Le voyage que vous allez entreprendre pourra
faire montre de danger. En effet, je crois personnellement que la menace que
représentent les orcs qui vous avaient attaqués est toujours existante.
Certes, ils n'ont pas donné signe de vie depuis quelques jours, ce qui
est une bonne nouvelle, mais je ne crois pas qu'ils aient abandonné leur
idée fixe."
"D'accord ; je serai toujours prêt à cette éventualité
et mon marteau de guerre sera constamment à portée de main. Vous
pouvez compter sur moi."
"Il faut aussi que je vous dise que vous allez passer quelques lunes en
compagnie d'elfes. Pour l'instant, vous ne semblez pas avoir eu d'incident mais
une fois que vous aurez quitté Torkanjen Dilurgansan, vous ne pourrez
plus revenir à Stanok avant quelques temps. Alors tâchez de bien
vous entendre avec tous les elfes que vous rencontrerez, je vous prie. Il peut
malheureusement vous être très aisé d'être mal vu
par certains des miens. Alors, je le répète, faites attention
à vos actes, en compagnie de Gwantholin
"
Romik ne répondit rien. Il avait saisi le sous-entendu et il ne préféra
pas qu'on aborde ce sujet.
"J'ai confiance en vous, Romik, ajouta-t-elle. Je sens que vous êtes
quelqu'un de bien. Il est éventuel que vous apportiez un soutien inespéré
à notre peuple."
"Je
vous remercie. Au revoir ; j'espère fortement que je pourrai
avoir le plaisir de vous revoir."
Venjhitia s'avança vers le jeune humain et elle déposa un baiser
sur sa joue. "Moi de même, dit-elle. Puisse la Clairvoyance guider
chacun de vos pas, Romik fils de Famik, de Stanok."
"Au revoir, répéta-t-il." Il laissa Venjhitia seule
et revint vers les autres, sans se retourner à un seul moment.
"Je n'ai pas fait mettre de selle sur ta
jument, annonça Gwantholin à Romik. Veux-tu que je m'en charge?"
"Non, répondit-il. Ce n'est pas la peine" ajouta-t-il en se
juchant lestement sur le dos de sa monture.
Et les douze voyageurs partirent.
Le soleil avait atteint le zénith et ils étaient
toujours au pas, dans la Forêt Sombre. Comme d'habitude, les elfes voyageaient
silencieusement, de façon presque austère et Romik commençait
à s'ennuyer. Il décida de nouer conversation avec Targetelan pour
tuer le temps. Il vint vers elle et lui proposa de s'entretenir avec lui.
"Je n'y vois pas d'inconvénient" répondit-elle.
"Lorsque Todjekelimf vous a présentée, il a fait allusion
à des talents cléricaux, je crois. Est-ce que cela veut dire que
vous êtes femme de religion?" fit Romik, perplexe.
"Effectivement, je suis ce que vous appelleriez une prêtresse, bien
que je n'ai fait le Serment que récemment." A la mine étonnée
de Romik, elle ajouta : "Vous semblez surpris
"
"C'est que chez nous, enfin je veux dire chez les humains, il n'y a que
les hommes qui peuvent être prêtres. De plus, je discerne mal ce
que vous voulez dire par " serment "."
"Je vois que vous êtes néophyte dans le domaine de la religion
elfique. Je vais donc m'efforcer de vous en apprendre plus."
Targetelan resta coite pendant quelques instants, puis elle se mit à
parler : "Comme presque toutes les races pensantes, nous croyons en l'existence
d'une entité supérieure qui nous a créés et qui
continue, parfois, à veiller sur nous. Nous la nommons Ajelebathan, vous
la nommez Dieu, mais j'estime que c'est un seul et même être. On
dit que c'est Ajelebathan qui façonna le monde lors du Commencement.
Il fit apparaître la Lumière, les Eaux, la Terre, la Flore et la
Faune. On dit qu'Il se réserva le jour et déclara qu'il serait
le témoignage de Son existence. Il réserva la Nuit aux anges,
les premiers de Ses enfants. Les anges créèrent alors les Etoiles
et la Lune car la Nuit, seule, leur paraissait bien trop morne.
"Voici comment fut créé le monde. Nos légendes disent
qu'ensuite Dieu trouva qu'il y avait bien trop de désordre ; mais Il
s'était interdit d'y intervenir, car Il estimait ne plus avoir à
agir directement sur Sa création. Il créa alors les elfes, qui
furent chargés d'entretenir le monde et d'y apporter joie, abondance
et prospérité. Ajelebathan était heureux, et Il était
particulièrement fier de Ses créations. On dit qu'un de ses anges,
nommé Moreldeïn fut tellement subjugué par la beauté
des elfes qu'il décida d'imiter le Créateur et il s'isola à
l'écart des autres anges, pendant des siècles, à parachever
un projet. Et c'est ainsi qu'apparurent les nains. Mais Moreldeïn en fut
déçu car les nains sont d'un aspect disgracieux, et on dit que
c'est pour cela qu'ils vivent sous terre, dans les cavernes qu'ils ont creusées.
Mais Moreldeïn aimait quand même son peuple et bien que les nains
soient disgracieux, ils bénéficient de plusieurs qualités.
Ainsi, ils sont d'une constitution bien plus importante que celle des autres
êtres : ils sont robustes, endurcis et ne craignent pas l'effort. D'ailleurs
Ajelebathan ne réprimanda pas Moreldeïn pour sa création,
car les nains apportaient aussi une part utile au monde : les elfes s'occupaient
des forêts et des plaines, tandis que les nains avaient à charge
toutes les étendues rocailleuses. Les elfes étaient spécialisés
dans le domaine des arts et de la beauté tandis que les nains affectionnaient
le travail de la pierre, la métallurgie et l'orfèvrerie. Et il
n'y avait entre elfes et nains nul conflit car ils vivaient généralement
éloignés les uns des autres.
"Mais malheureusement, une personne apporta le trouble à toutes
ces créations. C'était l'ange Anoïzalkel, que vous nommez
le Diable. Anoïzalkel était le plus beau et le plus puissant de
tous les anges d'Ajelebathan. Malheureusement, il devint aussi rapidement le
plus fier et le plus orgueilleux d'entre tous. Sa présomption atteignit
son paroxysme lorsque, jaloux de toutes les oeuvres qu'Ajelebathan avait conçues,
il décida de Le surpasser. Son but n'était plus d'imiter ce que
faisait Ajelebathan ; il voulait à tout prix montrer aux autres anges
qu'il pouvait faire mieux que Lui. Consumé par la convoitise et la jalousie,
il créa la pire abomination qui soit : les orcs, ces êtres répugnants
qu'on ne saurait laisser vivre. Malheureusement, Anoïzalkel était
trop aveuglé pour se rendre compte des horreurs qu'il avait engendrées.
Il présenta l'horrible fruit de ses travaux, les orcs, à Ajelebathan
qui en fut dégoûté. Il somma sur l'instant Anoïzalkel
de détruire les orcs, mais ce dernier, rongé par la perversion
déclara qu'il était bien meilleur qu'Ajelebathan et qu'il lui
revenait de droit celui de régner sur le Monde.
"Il s'ensuivit un long affrontement entre Ajelebathan et son premier ange,
Anoïzalkel. Il est dit que c'est à partir de là que le monde
connut la laideur, car il conserva de nombreuses séquelles de ce combat.
Mais, finalement, Ajelebathan vainquit et Il renvoya Anoïzalkel dans un
autre plan d'existence, l'Enfer. La paix fut rétablie, mais certaines
traces de l'affrontement ne disparurent jamais et les orcs continuèrent
d'exister. Anoïzalkel ne fut pas banni seul car il avait aussi rallié
d'autres anges pervertis à sa cause. Et depuis ce moment là, d'autres
monstres apparurent encore.
"Longtemps après, vinrent soudain les humains, et en quelques générations
ils parvinrent à se rendre maîtres de toutes les contrées.
Beaucoup de nos légendes divergent sur l'origine des humains. Certaines
d'entre elles disent que, tout comme nous, ils furent crées par Ajelebathan
qui fit apparaître les humains pour apporter un renouveau. D'autre disent
que les humains vinrent seuls et qu'ils furent créés par le monde
lui-même. Enfin, d'autres légendes disent que les humains furent
créés par un ange, tout comme pour les nains, ce qui peut expliquer
leur imperfection et leur potentialité à devenir mauvais."
Targetelan s'arrêta quelques temps, puis s'adressa à Romik. "J'apprécierais
beaucoup que vous me parliez de votre religion. Je n'en ai rien appris par la
bouche d'un humain."
"Eh bien le début de ce que vous avez dit est assez similaire à
ce qu'on m'a enseigné, bien que je n'aie jamais entendu dire que les
nains existaient à cause d'un ange. Par contre, à partir de l'apparition
des humains, cela en effet devient assez différent. Notre religion dit
que les premiers hommes furent bien crées par Dieu. Ils vivaient bien
loin d'ici, dans un endroit où la terre était pauvre et le labeur
difficile. On dit qu'alors Dieu apparut à un de ces humains. Ce prophète,
guidé par le Tout Puissant, eut pour tâche d'emmener notre peuple
jusqu'ici, et c'est ainsi que l'humain apparut sur ce continent. Nous vivions
en paix, et dans la gratitude pour ce que Dieu avait fait pour nous. Pourtant,
Dieu à l'époque apparaissait aux humains comme quelqu'un qui pouvait
être terrible et on dit qu'il était sans pitié avec certains
pécheurs.
"Puis il y a quelques temps, il y a un peu plus de mille deux cents périodes
de cela, Dieu envoya Son fils parmi nous pour racheter nos fautes. Le Messie
vint et répandit la Bonne Nouvelle. Je crois qu'il a changé beaucoup
de choses et Dieu n'est plus considéré de la même façon
depuis ce moment là : en choisissant d'incarner un homme, Il a fait un
grand acte d'humilité. Mais la plus grande chose qu'il accomplit fut
de se laisser tuer. Je crois que c'est là qu'il prit le plus totalement
possible condition humaine. Il mourut car des humains ne l'appréciaient
pas du tout ; en effet le Rédempteur illuminait leur faiblesse et éclipsait
leur pouvoir. Alors ils montèrent une foule de criminels et de repris
de justice contre lui et, après un procès bâclé,
ils l'exécutèrent. Je sais que le Sauveur avait le pouvoir de
les en empêcher, mais il ne fit rien et les laissa le mettre à
mort. C'est cela, le plus grand acte d'humilité qu'il ait jamais fait,
selon moi.
"Mais deux jours plus tard, il était ressuscité, il avait
triomphé de la mort et il était revenu pour nous dire de ne pas
avoir peur car chacun d'entre nous peut accéder au Royaume Eternel."
"Ce que vous m'avez conté est fort intéressant, dit Targetelan.
Nous ne considérons pourtant pas le Messie comme une incarnation d'Ajelebathan.
Nous reconnaissons son indéniable puissance divine mais pour nous, il
est plutôt
un prophète. Ceci, peut être parce que c'est
vers vous qu'il est venu, et non chez les elfes."
CHAPITRE 15
Cinq jours étaient passés et ils avaient
quitté la Forêt Sombre l'avant veille, en début de soirée.
Leur voyage se déroulait maintenant dans une plaine, une grande étendue
plate où l'on pouvait parfois voir quelques bois.
Et justement, ils étaient en train d'approcher d'un bois. Il était
encore bien trop tôt pour établir un campement, mais à force
de côtoyer les elfes, Romik savait qu'ils y auraient probablement passé
la nuit s'ils étaient arrivés près de ce bois plus tard
dans la journée.
Sergojvalitur chevauchait à côté du jeune humain. Un léger
vent frais souffla quelques instants.
"Je crois que nous allons avoir droit à un orage impressionnant,
d'ici quelques temps" annonça le ranger.
"Tu en es sûr ?" lui demanda Romik. Pour l'instant, le soleil
rayonnait de tout son éclat dans un ciel bleu à perte de vue.
"Crois-moi, je suis ranger et à force de fréquenter et d'observer
la Nature, je sais de quoi je parle. Les orages sont fréquents en cette
saison par ici, et ils arrivent généralement sans prévenir."
Et effectivement, l'elfe eut raison. La température diminua légèrement,
le vent d'abord léger souffla plus fort et de lourds nuages sombres ne
tardèrent pas à apparaître. Rapidement, ils voilèrent
le soleil et les premières gouttes tombèrent.
"Nous ferions bien d'aller nous abriter dans ce petit bois avant que l'averse
ne vienne !" cria Eanepalith aux autres.
Et sur ce, chacun pressa sa monture en direction du petit bois. La luminosité
était vraiment faible, et on vit au loin un éclair. Puis, quelques
instants plus tard, se fit entendre le tonnerre, lourd et inquiétant.
Romik fit avancer sa monture encore plus rapidement. A cinq cent pas du bois,
l'obscurité se faisait plus importante et c'était inquiétant,
car cela paraissait surnaturel. Et le pire se fit alors voir : durant un bref
instant, lorsqu'un éclair surgit du ciel pour illuminer les lieux, Romik
revit l'horreur absolue : une foule d'orcs, peut être trente, peut être
cinquante, peut être plus, les attendaient. Ils étaient dissimulés
parmi les arbres, à quelques mètres de la lisière du bois
; leurs armes étaient sorties, et un rictus torve déformait en
une parodie de sourire chacun de leur hideux visage. Effrayée, la jument
de Romik se cabra, et il eut du mal à ne pas tomber, puisqu'il n'avait
ni selle, ni étriers, ni bride. Il apaisa sa compagne et la força
à aller au galop.
"Suivez-moi ! hurla Sergojvalitur. Allons ailleurs, ici nous ne sommes
pas à notre avantage !"
Et tous suivirent le ranger. Les chevaux galopaient aussi vite que leurs muscles
pouvaient le permettre, et Romik pouvait sentir le vent et la pluie fouetter
son visage. Il détourna la tête, et constata avec soulagement que
ses deux bêtes de somme le suivaient.
Les orcs sortirent de leur cachette et ils poursuivirent les elfes et l'humain.
Les monstres se faisaient distancer, mais ils n'abandonnaient pas leur poursuite
et continuaient leur course effrénée, là où des
humains auraient été forcés de s'arrêter, faute de
souffle. Ils continuèrent à galoper pendant un instant qui sembla
interminable à Romik, puis Sergojvalitur les fit s'arrêter au sommet
d'une butte.
"Ici, nous aurons un léger avantage, dit-il. Que ceux qui ont des
affaires à prendre le fassent, puis relâchez les chevaux : ce n'est
pas leur combat !"
Romik se précipita sur un de ses chevaux de trait et en extirpa son équipement
de protection. Il revint parmi les autres. Sergojvalitur, Firdofeïm et
Dakgonthë avaient sortis leurs arcs et chacun avait une flèche encochée.
Les autres elfes aussi s'étaient préparés. Gwantholin avait
son étrange bâton et son kriss ; elle était assise en tailleur
sur l'herbe mouillée, les yeux fermés. Elle devait être
en train de se préparer mentalement au combat. Tolgââjaz
attira aussi son attention. Il portait une étrange armure faite de petites
plaques pourpres. Il avait dégainé son épée longue
et portait un étrange bouclier de poing. Mais le plus surprenant était
son heaume : un énorme casque multicolore qui couvrait entièrement
sa tête. Il avait la forme d'une tête de dragon et la gueule béante
au niveau des yeux de Tolgââjaz lui permettait de voir. Les autres
elfes s'étaient aussi préparés. Quelques-uns portaient
une armure de cuir, mais la plupart d'entre eux n'avait aucune armure. Ils étaient
pour la majorité assis, visiblement en train d'essayer de se reposer.
Romik endossa sa longue cotte de mailles, mit son casque, laça son épaulière,
noua son écu à son bras gauche et décrocha son marteau
de guerre de sa ceinture. Comme pour le dernier combat, il se remémora
tout ce que son père lui avait apprit sur l'usage du marteau de guerre.
Et enfin, les orcs vinrent. Ils semblaient être brusquement apparus et
encore, on les distinguait mal en raison de la pénombre et de la pluie.
Les archers tirèrent immédiatement leurs flèches et recommencèrent
immédiatement. Ils semaient la mort parmi les rangs orcs qui, pourtant,
n'en étaient nullement apeurés. Ils continuaient leur course effrénée
avec une haine visible. Les elfes n'eurent pas le temps de vider leur carquois
que les orcs étaient déjà à moins d'un jet de pierre.
Ils s'élancèrent alors sur leurs ennemis, Tolgââjaz
et Romik en premier, suivis des autres. Tous deux hurlèrent, à
la fois pour se donner courage et pour impressionner les orcs.
Le combat commença. Il devait bien y avoir une bonne trentaine d'orcs,
mais pourtant, le combat n'était pas trop déséquilibré
car les créatures du mal étaient terriblement mal organisées.
Romik fut reconnaissant envers son équipement de protection qui lui permit
d'amortir beaucoup de coups. Au bout de quelques minutes, il ne restait plus
qu'une douzaine d'orcs, et il n'y avait pas d'elfe avec des blessures graves.
L'issue du combat semblait proche, et tout ce que Romik espérait était
la victoire, sans qu'aucun elfe ne soit occis, en particulier Gwantholin.
Romik donnait la mort sans pitié, écrasant crânes et poitrines
de violents coups de marteau, parant les coups en les esquivant ou en bloquant
les armes ennemies de son bouclier. Plusieurs fois, des lames entaillèrent
sa cotte de maille et les habits de Romik commençaient à être
tâchés de sang : de celui des orcs et du sien ; mais le jeune humain
ignorait ses multiples douleurs et il continuait à se battre, pour survivre.
Et, enfin, tous les orcs furent à terre. Romik commença à
exploser de joie, mais il s'arrêta lorsqu'il vit Aïnedegathel étendue
sur le sol. Il courut vers elle, et constata avec soulagement qu'elle n'était
pas morte. Elle s'était prise un méchant coup mais elle survivrait.
Quelques elfes aussi étaient blessés, mais c'était surtout
des blessures mineures.
Toutefois, le combat n'était pas fini. La pénombre s'accrut encore
et Romik put entendre un rire guttural démoniaque. Une douzaine d'orcs
déboula. Ils étaient restés en arrière et Romik
pria le Ciel pour que se soient les derniers car il n'en pouvait plus. Ces orcs
semblaient différents de ceux qu'il avait combattus. Leur peau était
bien plus brunâtre, et leur équipement était de bien meilleure
qualité. Ils portaient tous des armes tranchantes aiguisées avec
soin. Romik crut discerner en arrière une autre créature. C'était
une orcque et elle avait un aspect terrifiant. Elle portait, comme tous les
autres, de hideuses guenilles puantes et ses mamelles pendaient lamentablement.
Elle était coiffée d'un casque constitué de bouts d'ossements
et elle portait un grossier bâton au bout duquel était accrochée
une tête humaine en état de décomposition. La chamane orcque
se mit à gesticuler et à brailler des paroles incompréhensibles,
qui déchiraient les oreilles de Romik. Mais le jeune humain n'eut pas
le temps de s'en préoccuper car la douzaine d'orcs était en train
de charger.
Les elfes avaient le dessus sur le combat, qui était pourtant assez corsé
pour qu'il y ait le risque que quelques personnes soient sérieusement
blessées, voire pire. La chamane orcque continuait de brailler puis,
brusquement, elle se mit à crier et à gesticuler encore plus fort.
Romik ressentit alors un important frisson dans le dos qui le mit extrêmement
mal à l'aise. Il avait le pressentiment que quelques chose d'horrible
allait se passer. Et effectivement, il vit la pire horreur à laquelle
il fut jamais confronté, et cette chose allait lui donner des cauchemars
pendant plusieurs lunes.
L'orage persistait et la chamane orcque parut soudain
plus grande. Son
bâton déformé semblait comme animé, c'était
comme s'il s'était mis à vivre. Elle le dirigea vers le tas de
cadavres de ses congénères et la foudre éclata à
cet endroit.
Romik ne vit plus rien pendant quelques instants car l'éclair qui était
apparu si près de lui l'avait ébloui. Le frisson qu'il avait ressenti
s'était fait encore plus important, jusqu'à être douloureux.
Plié en deux, l'humain vit les cadavres orcs léviter au-dessus
du sol puis brusquement exploser en mille morceaux. La chair puante retomba
sur le sol. Mais curieusement, le tas de chair continuait de s'animer, il semblait
bouger. Puis il s'organisa en une forme humanoïde qui s'éleva. Ce
monstre était gigantesque et devait faire au moins treize pieds de haut.
Son corps affreux était composé de la chair des orcs morts. Les
ossements, eux aussi, figuraient sur le corps en un semblant d'armure. Le monstre
n'avait pas d'armes, mais ses énormes poings étaient incrustés
des ossements acérés des orcs.
L'apparition était terrifiante. Terrifiante à un tel point qu'elle
fit battre en déroute le restant de la troupe orcque. Romik, lui, se
contenta de pousser un puissant hurlement d'effroi. Aïnedegathel, blessée
et exténuée par l'affrontement, pleura de peur. Romik se retourna,
et il vit que les autres elfes pleuraient, eux aussi. Ils pleuraient de dégoût
face à cette abomination qui était une satire, une négation
de la vie.
"Dieu ! mais qu'est ce que c'est que ça ?!" hurla Romik.
"C'est un golem de chair !" répondit Gwantholin. "Un monstre
engendré par un puissant sort de nécromancie !"
Gwantholin se dirigea vers Targetelan et chacune d'entre elles brandit son bâton.
Elles incantèrent, d'une manière qui rappelait à Romik
le sort que Gwantholin avait lancé la première fois qu'ils s'étaient
faits attaquer. Simultanément, les deux elfes étendirent la main
vers l'avant. Mais rien ne se produisit. Gwantholin proféra des paroles
qui semblaient être des jurons.
"Que se passe-t-il ?" demanda Romik, inquiet.
"Notre sort n'a pas fonctionné, répondit Targetelan. Je ne
comprends pas, il aurait dû détruire ce golem."
"Alors qu'est-ce qui s'est passé?"
"J'ai bien peur que la sorcière orcque ait ajouté un sortilège
d'anti-magie après la création de ce golem."
"De l'anti-magie?" fit Romik.
"Oui, et tant que nous sommes dans cette zone, nous ne pourrons plus canaliser
de mana
"
"Alors il ne nous reste plus que la force" annonça Tolgââjaz.
Il se tourna vers Romik et l'appela. L'humain acquiesça : ils s'étaient
compris.
Ils chargèrent en hurlant sur le golem, brandissant épée
longue et marteau de guerre. Ils furent rapidement imités par d'autres
elfes, tandis que Sergojvalitur, Firdofeïm et Dakgonthë avaient repris
leurs arcs. Romik et Tolgââjaz furent les premiers sur le golem.
Le monstre n'était pas encore passé à l'attaque, il devait
sûrement être encore affaibli. Malheureusement, ce n'était
plus le cas à présent car il riposta dès que les premiers
coups furent portés. Mais bientôt, il y eut plus d'une demi-douzaine
d'elfes autour du monstre qui se fit assaillir de tous côtés. Romik
fut heureux de posséder une arme contondante car son marteau de guerre
faisait des ravages sur l'exosquelette du golem. Bientôt, il l'avait suffisamment
endommagé pour que les autres elfes puissent entailler la chair. Les
flèches des archers, qui avaient été arrêtées
par l'armure d'ossements se plantèrent enfin dans la peau du monstre.
Romik, par contre, se trouva alors désavantagé par son marteau
de guerre qui rebondissait contre la chair molle à chaque coup porté.
Le combat se poursuivait, et les entailles se multipliaient sur le golem qui, pourtant, ne poussait que de faibles cris qui étaient d'ailleurs plus des cris de frustration que de douleur. Quelques elfes s'étaient fait blesser, et certains durent interrompre le combat et se retirer à l'écart. Romik se démenait comme un fou contre le golem de chair, mais chacun de ses coups lui semblait pourtant inutile. Le golem, quant à lui, frappait tout ce qui passait à sa portée, mais dès qu'il se retournait pour porter un coup, une attaque de l'autre côté le forçait à se retourner, aussi n'était-il pas trop dangereux en raison de la supériorité numérique adverse. Les flèches elfes atteignaient à chaque fois leur but et le golem de chair ne tarda pas à ressembler à un hérisson. Pourtant elles ne semblaient infliger que des dégâts mineurs mais Sergojvalitur, Firdofeïm et Dakgonthë continuaient à tirer sans relâche.
Tolgââjaz empoigna son épée
longue à deux mains et assena un puissant coup sur le genou du golem.
La lame s'enfonça jusqu'à sa moitié dans la chair du monstre
qui poussa un long hurlement terrifiant. Cette fois-ci, il souffrait. Tolgââjaz
fit tourner sa lame dans la plaie du golem, ce qui le fit souffrir et s'affaiblir
davantage. Le golem gesticulait en tous sens pour que l'elfe arrête, mais
ce dernier se cramponnait à son épée et continuait encore,
sans répit, à blesser le monstre. Malheureusement, il était
tellement préoccupé dans sa tâche qu'il ne vit pas venir
un coup de bras si puissant qu'il fendit son casque ainsi que son crâne.
Le vaillant guerrier s'effondra instantanément, son épée
restant plantée dans le genou du golem. Chacun hurla de peine, pris de
surprise. Romik aussi ; il n'avait pas eu l'occasion de connaître l'elfe,
mais il allait indubitablement lui manquer.
Frustré d'être incapable dans cet affrontement, le jeune humain
décida de prendre une initiative. Il se lança sur le golem et
essaya, tant bien que mal, à l'escalader. La créature ensorcelée
bougeait tout le temps, mais Romik ne lâchait pas prise. Il s'aidait des
bouts d'os qui étaient répandus sur tout le corps du monstre pour
le gravir. Et petit à petit, il faisait son bout de chemin. Il était
déjà à dix pieds de hauteur, et était sur le point
d'atteindre les épaules. Plus que quelques pieds, et il atteindrait le
crâne du golem où il pourrait assener un coup fatal
Hélas, le golem ne restait pas immobile et une secousse particulièrement
violente fit tomber Romik. Il chuta d'une hauteur de plus de dix pieds et il
atterrit sur le sol sur l'épaule gauche. Une horrible douleur le prit
instantanément. Pour empirer le tout, le golem se retourna et posa son
pied sur le torse de Romik. Bien que l'humain tenta de se protéger à
l'aide de son écu, cela n'empêcha pas le golem de continuer à
s'appuyer sur lui. Il ressentit une douleur pire, beaucoup plus oppressante,
qui lui coupait la respiration. Puis il entendit un horrible craquement d'os.
Il souffrait comme un damné et il appelait la mort de venir à
lui, car il se sentait incapable de supporter une aussi grande affliction.
Romik aurait effectivement pu mourir, si les elfes n'avaient organisé
une contre-attaque. Il s'attaquèrent tous au genou endommagé du
golem qui cessa d'écraser Romik. Et ce fut peut-être ce geste qui
lui sauva la vie. Un elfe -Romik ne put savoir qui- l'empoigna fermement et
l'entraîna à l'écart.
L'humain se trouvait maintenant étendu sur le sol, aux côtés
d'Aïnedegathel. L'elfe semblait en mauvais état : sa belle chevelure
noir de jais était tâchée de sang.
"J'ai bien peur que nous allions nous dire adieu" déclara Aïnedegathel.
Romik fut surpris, c'était la première fois qu'il la voyait si
triste et si pessimiste ; elle qui donnait d'habitude une attitude si joviale
"Non ! Je refuse de me laisser tuer !"
"Hélas nous ne pouvons rien faire. Les armes sont impuissantes contre
ce golem de chair. Quant à la magie, nous n'arrivons même pas à
y faire appel
"
"Targetelan a dit qu'on ne pouvait pas utiliser le mana, c'est bien ça?"
"Malheureusement, oui. Je ne sais comment ils ont pu faire cela, mais ils
sont parvenus à créer une sphère d'anti-magie."
"Peut-être, mais je crois que ceci ne nécessite pas de mana"
déclara Romik en sortant la Dague de Précision de sa tunique.
"Tu espères peut-être pouvoir occire un golem avec une dague,
même enchantée? Je crois que nous sommes condamnés."
Elle prit une voix grave : "Romik, j'ai été très heureuse
de t'avoir connu. Tu es un ami très plaisant. J'ai passé de bons
moments avec toi."
"Tais-toi, lui répondit l'humain d'une vois calme. Tu ne vas pas
mourir, est-ce que c'est compris?" Il s'efforça de se redresser,
malgré les horribles douleurs que lui infligeaient son épaule
et ses côtes. Une fois assis, il s'appliqua à reprendre les exercices
de détente que lui avait enseignés Gwantholin. Il ferma les yeux
et tenta d'oublier qu'il se trouvait sur un champ de bataille, à quelques
pieds d'une horreur engendrée par de la nécromancie. Il contrôla
sa respiration et parvint à inspirer et expirer paisiblement. Il essayait
de ne pas penser aux horreurs qu'il venait d'avoir vu et subi. Pour oublier
cela, il pensait au jour où Gwantholin lui avait appris à se servir
de la Dague de Précision. Ils s'étaient trouvés dans un
endroit paisible, près de Torkanjen Dilurgansan. Ensuite, il se concentra
sur Gwantholin, pour s'apaiser. Il visualisait la fois où il l'avait
vue, adossée à un arbre, ses adorables yeux pers fermés,
chantant de toute son âme un chant elfique. Elle était si gracieuse,
si plaisante
Romik ouvrit les yeux et fixa sa dague qu'il parvint à activer. Un léger
bourdonnement se fit entendre, la lame s'entoura d'un halo luminescent tandis
que la manche de la lame vibrait dans sa main. Romik se concentra encore plus
sur la Dague de Précision, tout en continuant à penser à
Gwantholin. Brusquement, il ressentit un grand changement dans son être.
Lorsqu'il leva les yeux et qu'il regarda autour de lui, il voyait différemment.
Les formes autour de lui, qu'elles soient mobiles ou non étaient étrangement
inconsistantes. C'était comme si un étrange brouillard était
apparu. Par contre, la luminosité était forte, presque aveuglante,
et bien que Romik entendait le vent et ressentait la pluie, l'orage lui semblait
très lointain, comme partiellement effacé.
Son regard fut attiré par le golem. Le monstre était remplacé
par une sorte d'ombre éthérée, gris foncé et noir.
Autour de la créature magique, il pouvait voir des formes humanoïdes
claires, blanchâtres : les elfes. Romik se retourna pour contempler Aïnedegathel.
Il parvenait avec peine à distinguer ses traits. C'était comme
si son corps était devenu
nuageux. Le plus surprenant était
le contour éthéré, qui prenait des couleurs très
claires. En regardant l'elfe, il voyait curieusement le Bien qui était
en elle. C'était comme s'il était parvenu à examiner la
pureté de son âme.
Romik regarda de nouveau en direction du golem qui était toujours aussi
sombre. Maintenant, il voyait clairement que ceci représentait la malveillance
qui l'habitait ; autour, les formes représentant les elfes étaient
toujours aussi claires et Romik pouvait lire en elles le Bien. Il voyait parfois
aussi des halos lumineux jaunes que portaient les elfes ; la Dague de Précision
avait aussi revêtu cette couleur. Ceci devait indiquer les objets magiques.
Son regard fut attiré par quelque chose à l'écart du groupe
de combattants. Cela en était très éloigné mais
Romik parvint quand même à lire son aura qui reflétait une
âme sombre, habitée par le mal. Il comprit : c'était la
sorcière orcque que tout le monde semblait avoir oublié. Ensuite,
il réussit même à distinguer un peu mieux les détails
: le bâton noueux était coloré d'une lumière jaune
fluorescente ; il devait être hautement magique. Le sombre halo lumineux
autour de l'orcque était similaire à celui du golem et les deux
êtres reflétaient le Mal. Curieusement, Romik voyait des sortes
de liens qui unissaient la chamane au golem. C'était comme si l'orcque
était une marionnettiste et qu'elle contrôlait le monstre. Oui
! c'était cela ! Pour détruire le golem de chair, il fallait d'abord
détruire la personne qui l'avait créé et qui continuait
toujours à le diriger : la chamane orcque.
Toujours en semi-état de transe, Romik se releva. La douleur que tout
son corps lui criait était lointaine, et de toute façon, il n'en
avait cure car il devait agir. Empoignant fermement la Dague de Précision
dans sa main droite, il la lança doucement en face de lui. La dague quitta
sa main et évolua lentement d'abord, à quelques pieds du sol,
puis Romik d'un effort mental, la fit s'accélérer. Lorsqu'elle
arriva au niveau de l'orcque, elle évoluait à une telle vitesse
qu'elle la traversa littéralement, puis elle continua sa trajectoire.
Romik intima l'ordre à la Dague de Précision de revenir, et l'arme
transperça de nouveau l'orcque. Romik fit de même plusieurs fois,
jusqu'à ce que la sorcière s'écroule sur le sol, et que
l'aura l'entourant disparaisse.
Alors, il interrompit enfin l'immense effort qu'il avait déployé
pour contrôler la Dague de Précision, qui tomba alors, imitée
quelques instants après par Romik, qui s'évanouit, épuisé
et blessé.
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