Roman


Pour : Médiéval-fantastique


Auteur(s) :

Philippe de QUILLACQ


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Eastenwest > 6 - Navires et Vaisseaux



Humble Mortel, ch 4-6

Un roman de Philippe deQuillacq
Carte réalisée par Alexis Le Clezio

Voilà donc la seconde partie du roman "Humble Mortel" commencé dans notre précédent numéro.
Vous pouvez vous raffraîchir la mémoire en (re)lisant
la première partie.

Chapitre 4

Ils avaient bien progressé pendant cette matinée. En sortant du bois, ils n'avaient pas repris la Grande Route mais emprunté un chemin de taille modeste et peu fréquenté. Romik se demandait pourquoi ils ne prenaient pas cette voie si Gwantholin voulait être loin de Fnor Ingël avant ce soir. Il avait hésité à lui poser cette question mais s'attendait à une énième réponse évasive. Enfin, il finit par s'y résoudre et elle lui répondit: "Je préfère que nous chevauchions à distance respectueuse de la Grande Route. De la sorte, nous aurons moins de chance de faire de mauvaises rencontres."

Cette réponse n'avait pas totalement effacé les préoccupations de Romik. Pourquoi donc s'obstiner à éviter cette maudite route ? Ils étaient deux pauvres voyageurs qui ne représentaient aucun intérêt pour des larrons et, de plus, l'armement de Romik bien en vue des regards produisait un effet dissuasif. Et la Grande Route, en matière de sécurité était bien moins dangereuse qu'un chemin peu emprunté comme celui sur lequel ils chevauchaient. Alors pourquoi passer par ce chemin ? Gwantholin avait-t-elle d'autres motivations qu'elle préférait lui cacher ? Etait-elle mal renseignée ou tout simplement paranoïaque ?

Il était sûr d' au moins une chose: à moins qu'elle ne lui révèle la raison de ce changement de trajectoire, il n'était pas près de connaître ses intentions. Il décida donc d'accepter au mieux ses volontés.

 

Le ventre de Romik ne tarda pas à lui rappeler qu'il n'avait pas mangé depuis la veille. Croyant que le voyage serait beaucoup plus court, il n'avait pas songé à emporter des provisions. Il se demandait si Gwantholin avait prévu suffisamment à manger pour qu'il puisse avoir sa part. Il le lui demanda mais elle ne fit que lui demander de patienter.

En passant à proximité d'un village, elle ne fit pas mine de l'éviter pour une fois. "Je patienterai pendant que tu iras chercher des provisions, dit-elle en lui tendant une quantité d'argent suffisante pour de nombreux repas. Voilà assez pour plusieurs jours, tu peux tout dépenser."

Romik n'eut pas le temps de lui demander ce que signifiaient « plusieurs jours » qu'elle s'était déjà mise à couvert sous un ombrage. Dépité, il se dirigea vers le village.

Tout se passa sans encombres. Il dépensa une importante quantité de l'argent en nourriture et il put même s'acheter une outre de vin rouge ainsi qu'une petite marmite. Malgré la taille du village, personne ne semblait l'avoir remarqué. Il devait sûrement y avoir beaucoup d'étrangers de passage dans la ville à cette époque.

Lorsqu'il revint, ils se mirent à manger puis ils reprirent la route.

 

Ils voyagèrent sans encombre jusqu'au soir et, comme la veille, Gwantholin leur fit faire halte dans une forêt juste à côté d'une rivière. Cette fois, quand Romik revint d'avoir pansé les chevaux, elle était en train de faire un feu. Romik sortit la petite marmite et ils purent faire un ragoût. Une fois le souper achevé et la marmite récurée, Gwantholin se remit à veiller, comme la nuit précédente, assise en tailleur. Romik s'allongea et contempla les étoiles ; d'un regard furtif, il s'aperçut que Gwantholin semblait toujours perdue dans ses songes. Il ne tarda pas à sombrer dans un sommeil calme et reposant.

 

En pleine nuit, il fut brusquement tiré de ses songes par Gwantholin. "Dépêche-toi ! souffla-t-elle, fonce mettre ton armement, tu vas devoir défendre chèrement ta vie d'ici peu !" Elle avait un ton tellement angoissé et inquiétant que Romik obéit instinctivement à ses ordres. Pendant qu'il enfilait sa cotte de mailles, il entendit une clameur lointaine. Il se dépêcha de lacer son épaulière puis il se coiffa de son casque et s'équipa de son large bouclier et de son marteau de guerre. Il rejoignit précipitamment Gwantholin. "Quels sont donc ces bruits ?" s'enquit Romik.

 "Ce sont des orcs ! et ils se dirigent vers nous !" répondit nerveusement Gwantholin. Comme toujours, elle portait sa longue mante, son visage dissimulé par la capuche. Dans sa main droite, elle tenait un kriss aussi long que son avant bras. Dans son autre main, elle portait un curieux bâton qui lui arrivait à hauteur de poitrine et sur lequel étaient gravées des runes anciennes.

 "Mais il n'y a pas un moyen de fuir ? Nous avons des chevaux qui pourraient nous permettre de les semer."

 "Il n'y a aucun moyen de les distancer. Ils sont suffisamment proches pour pouvoir nous pister des jours durant. Et la lune est masquée par des nuages, ce qui ne nous laisse aucune chance de galoper en pleine forêt à l'aveuglette. La confrontation est inévitable."

Puis elle se tourna vers lui et dit: "Ce combat n'est pas le tien car ils viennent pour moi. Tu as encore l'occasion de t'enfuir."

 "Jamais ! s'indigna Romik. Je ne me laisserai pas déshonorer de la sorte !"

 "Alors prépare-toi à te battre."

Pendant que Romik méditait sur ces mots, Gwantholin s'était mise à psalmodier des paroles dans une curieuse langue. Romik se remémora tout ce que son père lui avait appris ces derniers jours : l'art de parer des coups, de contre attaquer, de porter des attaques puissantes et précises.

Enfin les orcs arrivèrent à portée de vue. Romik en distingua presque une vingtaine. Ils étaient terrifiants, et semblaient assez courts de taille, peut-être deux têtes de moins qu'un homme de bonne consistance. Ils étaient trapus et vêtus d'ignobles guenilles. Leurs yeux luisants injectés de sang semblaient presque pourpre et ils contrastaient fortement avec leur peau brun-verdâtre. Leur armement semblait assez rustique : de grossiers cimeterres et de lourds gourdins. Quant à leur équipement de protection, il était constitué pour la plupart de chemises d'un cuir épais et de vulgaires casques tout bosselés. Ils poussaient sans cesse des cris bestiaux tout en courant gauchement vers eux.

Juste avant qu'ils ne soient à un jet de pierre, Gwantholin manda à Romik de s'écarter de quelques pas d'elle. 

Les orcs coururent tous vers elle. Certains d'entre eux tournaient le dos à Romik et ce dernier profita de cette occasion pour assener un puissant coup de marteau sur une de ces immondes créatures. Sa tête explosa sous l'impact du choc. A ce moment seulement, les orcs semblèrent remarquer la présence de Romik et à peine le tiers d'entre eux commença à se diriger vers lui. Il décrivit un large coup de marteau dans le vide pour les forcer à s'écarter de lui, puis il bondit sur le plus proche d'entre eux en poussant un hurlement pour se donner du courage. Pris par surprise, l'orc gisait mort sur le sol quelques secondes plus tard. Ses acolytes commencèrent à considérer leur adversaire avec plus de circonspection et l'entourèrent de toutes part. Romik se mit à faire de larges moulinets de marteau pour tenter une fois encore de les éloigner. D'une roulade, il se retourna vers ses adversaires et bondit en se relevant de sorte qu'avec la vitesse prise et l'effet de surprise donné, il assomma un orc du bouclier et en occit un autre. Ensuite il brisa les côtes de l'autre orc encore groggy. Plus que deux. Mais il avait oublié de surveiller ses arrières et une douleur si fulgurante le prit à l'épaule gauche qu'il faillit en lâcher son bouclier. Il se retourna pour affronter les deux orcs restant. Il jouait sur la vélocité pour tenter de compenser l'infériorité numérique. Il portait donc des attaques incessantes pour obliger ses adversaires à rester sur la défensive. Mais de temps à autre, ils lançaient une riposte et chaque coup que Romik parait de son bouclier lui rappelait la douleur à son épaule et l'affaiblissait. Il essayait de tourner autour des deux orcs pour ne faire plus face qu'à un seul d'entre eux. Ignorant la douleur que lui infligeait son épaule, il bloqua le cimeterre du premier et tua son autre adversaire. Il acheva enfin la dernière créature désarmée d'un puissant jet de marteau en pleine tête alors que celle-ci tentait pitoyablement de se saisir d'une arme tombée à terre.

En ramassant son marteau, il contempla les six orcs morts ou agonisants. Il avait à lui seul éliminé six orcs. Il avait donné la mort pour la première fois. Soudain il se rappela : il avait presque oublié Gwantholin. Elle était en danger et avait besoin de lui!

Il courut pour rejoindre sa compagne. Elle s'était adossée à un grand chêne pour limiter le déploiement des orcs. Une poignée d'entre eux gisait sur le sol, le corps ensanglanté. Le kriss de Gwantholin était maculé de sang et son bâton était entouré d'un curieux halo bleuté. Il restait quand même plus d'une demi-douzaine d'orcs qui posait un problème. Romik en tua encore un qui lui tournait le dos et put ainsi se positionner aux côtés de Gwantholin. Les créatures restantes se faisaient de plus en plus menaçantes. Faisant fi de la peur que les orcs pouvaient facilement éprouver, ils se rapprochaient dangereusement des deux compagnons même si ces derniers en blessaient quelques-uns uns au passage.

Romik se demanda comment ils pourraient sortir de ce guêpier lorsque Gwantholin lui lança: "Colle-toi contre moi, dit-elle, et ne fait plus un geste !" Et, voyant qu'il hésitait: "Vas-y ! C'est ta seule chance de salut !"

Alors il obéit et se plaqua contre elle. Gwantholin laissa tomber son kriss sur le sol  pour pouvoir faire un curieux geste de sa main droite, de nouveau libre : l'index et le majeur liés, l'annulaire replié sur ces deux doigts, le pouce ainsi que l'auriculaire tendus et écartés. La main de Gwantholin s'emplit alors d'un halo bleuté tandis que la luminescence autour du bâton s'amplifiait jusqu'à éclairer les arbres alentours. Elle se mit alors à articuler des paroles dans une langue étrange, avec de curieuses sonorités, d'abord en les murmurant puis en les amplifiant jusqu'à clamer les derniers mots d'une voix de stentor. Romik entendait chaque mot résonner dans sa tête. A la manière dont ces mots étaient clamés, il sentait, sans savoir pourquoi, que chacun d'entre eux avait une importance bien particulière. Il attendait la suite avec inquiétude. A la dernière syllabe, elle brandit son bâton. Il s'en échappa une chaîne d'éclairs et toutes les créatures vivantes autour d'elle furent touchées par la foudre ainsi générée, hormis Romik qui était collé à elle. A la fin du sort, il ne restait plus que des cadavres calcinés et fumants autour d'eux. Gwantholin se détacha alors de Romik. Elle ramassa son kriss planté dans la terre, puis : "Je crois que nous allons quitter ces lieux dans l'immédiat. Je ne pense pas que tu veuilles encore dormir."

Romik avait le regard rivé sur le sol autour de lui, il ne savait plus quoi faire, ni quoi dire. Tant de choses venaient de se dérouler autour de lui que ses pensées étaient confuses. Il était tout simplement sidéré par ce qui venait de se passer. Il se laissa tomber fébrilement sur le sol moussu. Il regarda son marteau. Il était maculé du sang épais des orcs. Combien de crânes avaient craqué sous cette masse ? Trois, quatre ? Plus encore ? Il ne voulait plus s'en souvenir. Et puis il y avait ce sortilège qu'avait lancé Gwantholin. Les orcs avaient été tués par de la magie ! Il poussa un profond soupir et ferma les yeux pour noyer une larme. Que fallait-il encore qu'il apprenne aujourd'hui ? Tout cela ne suffisait-il pas ? Le jeune homme serra les dents. En se relevant, il tourna les yeux vers sa compagne et en eut le souffle coupé: sa capuche était abaissée et il pouvait pour la première fois contempler son visage éclairé par la lune réapparue. Elle était d'une beauté magnifique, presque surnaturelle et peu commune : les traits fins, des yeux d'un bleu intense, de saisissants cheveux d'or finissant en boucles. Mais ce n'était pas cela qui l'avait fait crier de surprise. La grâce presque féline de son visage, le regard si étrange, si… inhumain et les fines oreilles terminant en pointe lui firent réaliser qu'il se trouvait face à une elfe.

Gwantholin comprit instantanément à l'expression hébétée de Romik qu'il avait réalisé qu'elle n'était pas humaine. "Grimpe sur ton cheval. Je… je t'expliquerai tout pendant le trajet" lui dit-elle d'un ton calme.

 

Toute crainte avait disparu et ils chevauchaient doucement dans la forêt. Le ciel s'était éclairci et la lune illuminait le sentier entre les branches. Gwantholin avait la tête nue et les boucles de ses longs cheveux dorés frappaient son dos en cadence avec le pas de sa monture. Elle n'avait maintenant plus aucune raison de dissimuler son beau visage aux yeux de Romik qui ne la quittait plus des yeux… Tout en elle rayonnait la magnificence des elfes : elle se tenait droite, silencieuse, ses yeux emplis d'un air confiant ou mélancolique, scrutant les moindres fluctuations des ténèbres. Ses mains fragiles et blanches comme la neige tenaient délicatement les rênes, comme pour pouvoir donner à la monture des ordres d'une précision extra sensorielle. Ses lèvres étaient délicates et finement ciselées, ce qui accentuait la grâce de son visage d'un teint presque d'albâtre. Son nez, petit, était gracieusement retroussé comme celui de beaucoup d'elfes, disait-on. Ses yeux céruléens en amande étaient purs et limpides, plus transparents que l'eau cristalline-même, et étincelaient d'une lueur froide, tout comme la pierre polie qui se trouvait sur son ceinturon. Les mots auraient manqué à Romik sur l'instant pour décrire cette vision angélique.

L'elfe le tira de son rêve: "Comme tu as pu le remarquer, je ne suis pas une mortelle, dit-elle en regardant droit devant elle, au loin, comme si elle essayait de voir au-delà de la nuit. Je suis une elfe, originaire d'une contrée peu connue des hommes, à de nombreuses lieues à l'est d'ici. J'étais à Fnor Ingël car on m'a assigné une mission importante : je dois transmettre dans les plus brefs délais un message aux miens. J'ai dans mes affaires un parchemin qui met en garde notre peuple contre une menace extérieure qui va prochainement peser sur nous. J'avais très peur que nous soyons pris en filature par des orcs et c'est la raison pour laquelle je nous ai fait passer par tous ces petits sentiers."

 "Pourtant au début, nous étions sur la Grande Route…"

 "J'ai oublié de te préciser que les orcs ont un odorat très subtil. Ils ne peuvent pas pister une elfe dans des endroits très fréquentés ou les odeurs seraient brouillées, comme sur la Grande Route à proximité de Fnor Ingël, par exemple. Par contre, il y avait de grandes chances qu'ils me retrouvent sur cette même route plus à l'est, où il y a moins d'affluence."

 "Mais ils nous ont quand même retrouvés, même si nous étions assez éloignés de la Grande Route."

 "Oui, et cela m'inquiète beaucoup. Ils pouvaient me rechercher sur la Grande Route, où il y avait le plus de chances que je sois, ainsi que sur les chemins alentours. Cela laisse donc croire que nous n'avons fait face qu'à une infime partie de leurs troupes. Nous avons intérêt à nous éloigner d'ici dans la plus grande urgence si nous ne voulons pas rencontrer leurs acolytes. J'ai bien peur que nous soyons aussi dans l'obligation d'effectuer un large détour par le sud pour les distancer. Cela me permettra toutefois de rencontrer des amis qui nous aideront. Nous allons donc nous enfoncer encore plus profondément dans la forêt."

Après un silence mitigé, Romik se résigna à prendre la parole. "Les… éclairs qui étaient sortis de ton bâton, cela signifie donc que tu es une magicienne?"

 "J'ai effectivement une certaine connaissance de la magie. Oui, grâce à elle j'ai pu nous sortir de cette situation apparemment sans issue."

 "Et… tu pourras m'enseigner un jour la magie ?"

 "Ce n'est pas comme tu le crois. Apprendre à utiliser la magie n est pas aussi aisé qu'apprendre à parler. Cela exige du talent et des lunes et des lunes d'apprentissage. C'est pour cela que les hommes sont si étrangers à cet art. Leur vie semble aussi courte que celle d'un papillon de nuit à nos yeux. Et puis ils ne connaissent pas la patience, la sagesse. Tout comme cet insecte, ils se brûlent les ailes à vouloir trop approcher la lumière sans prendre conscience de leurs actes."

En disant cela, Gwantholin fixa Romik dans les yeux. "Comprends-tu cela ?"

Puis, apercevant du sang sur sa cotte, elle ne lui laissa pas le temps de répondre et lui dit : "Tu es blessé, il ne faut surtout pas laisser ta blessure sans soin. Arrêtons-nous."

Chapitre 5

Romik était assis sur une souche, torse nu et Gwantholin avait appliqué un onguent sur son épaule blessée. Cette substance produisait des effets miraculeux. Il ressentait moins de douleur et sa blessure était en train de se refermer. Gwantholin protégeait son épaule de fines bandelettes de tissu lorsqu'il lui demanda: "Pourquoi devons nous faire ce détour par la forêt ? Tu pourrais à l'aide de la magie invoquer une sorte de brouillard qui nous camouflerait de ces orcs, par exemple."

 "La magie n'est pas aussi simple que cela et je ne la réserve qu'en cas d'extrême urgence. Je crois que nul ne pourrait se targuer de maîtriser parfaitement cet art. Il y a toujours une part de risques à user d'un sort et même si j'invoquais un brouillard magique, on pourrait de toute façon nous repérer en lançant un sort de détection de magie en retour."

Un petit vent frais soufflait dans la clairière et on n'entendait nul autre bruit que la voix de Gwantholin. Elle était tout contre Romik qui la dévisageait, sa tête à une largeur de main de la sienne. Il avait envie de l'embrasser, de l'étreindre de ses bras puissants et de lui dire qu'il n'avait jamais éprouvé un sentiment aussi intense pour quelqu'un. Il avança ses lèvres vers les siennes jusqu'à ce qu'il les touche presque mais Gwantholin se retira brusquement. Romik soupira. Elle hésita une seconde, puis se dirigea vers une sacoche posée contre son cheval, de laquelle elle extraya un petit objet.

 "J'ai été très touchée par ce que tu as fait. Tu t'es montré d'une grande bravoure pendant ce combat qui n'était pas le tien. D'ailleurs, je crois pouvoir affirmer que tu fais honneur aux mortels. Tu m'as été d'une aide précieuse que je n'oublierai jamais et je tiens à ce que tu prennes ceci." Elle lui tendit une curieuse dague ; la lame de couleur gris-blanc semblait très résistante. Sur le manche finement ouvragé étaient gravées des runes inconnues. La garde de l'arme était incrustée de gemmes bleu translucide.

 "Ceci est une Dague de Précision. Si tu te concentres suffisamment sur la cible que tu désires atteindre, tu ne manqueras jamais ton but. Avec de l'entraînement, cette dague pourras même revenir dans ta main lorsque tu lui en intimeras l'ordre. Elle est maintenant tienne et n'obéira qu'à toi ou à ceux à qui tu le permettras."

Romik prit la Dague de Précision, il en admira les détails et fit jouer le reflet de la lune en inclinant l'arme puis il la mit dans sa ceinture. Il ne savait pas quoi dire. C'était la première fois qu'elle lui avait parlé aussi directement ; elle l'avait considéré avec beaucoup moins de distance qu'auparavant et cela exerçait en lui plus de sympathie et de compréhension pour l'elfe qu'il n'en éprouvait avant.

 "Ce présent signifie que tu veux toujours de moi et que je pourrai continuer à t'accompagner alors, finit-il par dire."

 "Bien sûr, et je te propose de reprendre la route immédiatement. La menace que représentent ces orcs est loin d'être dissipée."

 

Ils se remirent donc à progresser à travers la forêt luxuriante. Les premières lueurs de l'aube commencèrent à paraître. L'épaule de Romik ne le lançait plus ; c'était presque comme s'il n'avait jamais été blessé.

 "Tes amis sont-ils loin d'ici ?" s'enquit Romik.

 "Ils résident presque  de l'autre côté  de cette forêt, sur le côté oriental à moins de deux jours à cheval. J'espère de tout cœur que nous pourrons les rejoindre sans encombre. Les orcs sont presque inégalables dans l'art de pister. Je crois que c'est là la seule qualité qui puisse leur être attribuée." Après un silence, elle tourna son visage vers lui : "Je suppose que même les mortels qui sont peu confrontés à ces monstruosités ont conscience du mal qui est en eux."

 "Oui, effectivement. Tu pourrais peut-être me parler en détails d'eux ? Cela pourrait toujours… servir."

La gracieuse elfe resta pensive quelques secondes puis prit la parole. "Les anciens disent que les orcs ont toujours existé. Pourtant, ils ne semblent pas avoir fait de progrès et ils n'ont pas de savoir à proprement parler qu'ils transmettent de génération en génération. Ils adorent des divinités malfaisantes qui sont-elles mêmes le reflet de leurs propres attitudes. Ces quelques exemples pourront t'en convaincre : Garsha, la déesse des Ombres est la reine de leurs dieux. Les autres dieux  « subalternes » sont Tergesh, le dieu du Chaos ; Marnat le dieu de la Violence et de la Brutalité ; Arshom, la déesse de la Haine ; Peznaj, le dieu de la Convoitise. Viennent ensuite des dieux « mineurs » qui peuvent varier d'une tribu à une autre, mais l'ensemble de ces croyances religieuses reste dédié au Mal. Les orcs sont donc mus par une énergie maléfique qui les pousse à détruire tout ce qui est beau à nos yeux. Ils sont aussi fort hargneux et guidés par l'appel du sang qu'ils n'hésitent pas à faire couler, même entre eux. Les tribus orques auraient donc presque pu toutes disparaître si ce n'est qu'elles se renouvellent rapidement et qu'un être doué et coercitif peut parvenir à les utiliser à ses fins."

 "Tu veux dire que certains les utilisent comme des pions dans un jeu de batailles ?" s'étonna Romik, perplexe.

 "C'est à peu près cela. Si tu parvenais à exacerber la haine et la convoitise de quelques orcs, tu pourrais leur faire faire beaucoup de choses. Il doit en être ainsi pour ceux qui nous poursuivent. Ils ne sont pas assez dotés d'intelligence pour avoir conçu pareil plan. Non, c'est un individu externe à ces immondes créatures qui les a motivés à nous pister."

 "Une personne comme un troll par exemple ? J'ai entendu dire qu'ils sont pire que les orcs…"

 "Non, certainement pas ; un troll n'aurait jamais pu motiver des orcs à ce point, fit Gwantholin en souriant. Ces deux espèces se côtoient, certes assez souvent : dans une bataille, par exemple, les orcs constituant le gros de l'armée sont envoyés au front tandis que les trolls, plus lents mais plus imposants, robustes et bien plus dangereux restent légèrement en retrait mais ce ne sont jamais eux qui peuvent manipuler les orcs. Par ailleurs, ils sont presque aussi facilement influençables qu'eux…"

 "Alors qui aurait pu influencer ces monstres ?"

Gwantholin regarda Romik droit dans les yeux. L'éclat céruléen intense de ses yeux en amande mit l'humain mal à l'aise. Il allait devoir s'habituer au fait que sa compagne de voyage était une elfe. Mais le regard de son interlocutrice, s'il était étrange, n'avait en aucun cas un air vipérin. Il semblait receler une sorte de beauté farouche et fascinante, restée intacte. "Je préfère ne pas en parler. Je ne tiens guère à décrire en détails toutes les espèces ennemies aux nôtres ou au tiens, ni à m'interroger continuellement sur ceux qui veulent porter entrave à ma mission."

 "Bien, alors parlons de sujets plus joyeux."

 

Ils progressèrent durant deux jours. Gwantholin s'était montrée moins distante et Romik put enfin avoir de réelles discussions avec elle. Il lui avait parlé de ses proches, de sa vie à Stanok, des habitudes et coutumes humaines. Il lui avait même appris quelques airs de chansons. En retour, elle lui avait parlé des elfes, de son peuple et des autres races, comblant ainsi petit à petit l'ignorance de son compagnon. Mais elle n'était jamais totalement rentrée dans les détails, changeant de sujet lorsque Romik lui posait certaines questions et elle s'était toujours refusée à lui en dire plus sur la magie, au grand désarroi de son compagnon.

 

La forêt se faisait de moins en moins dense et faisait place à d'immenses arbres espacés. D'ailleurs, la luminosité avait changé et en était devenue presque troublante. Cette « clairière » laissa ensuite place à un terrain, qui montait faiblement. Des pierres, puis d'imposants rochers apparurent. Ces gigantesques menhirs encerclaient, tels des gardes fidèles à leur poste, un talus. En pénétrant entre les rochers à la suite de Gwantholin, Romik se rendit compte que ce petit surplomb faisait plus d'une centaine de pas de diamètre. Alors apparurent des tentes sous les branchages environnants. Elles étaient remarquablement bien dissimulées et semblaient pour certaines avoir été façonnées par la Nature elle-même. Il n'était cependant pas surpris. Après ce que lui avait raconté Gwantholin sur son peuple, Romik avait fini par être convaincu du fait que la civilisation elfe avait développé un tout autre Savoir que celui des Hommes, beaucoup plus en rapport avec leur nature même.

 "Attends ici, s'il te plaît, dit Gwantholin à son compagnon. Te présenter sans préliminaires à mes amis pourrait les surprendre." Elle descendit de sa monture puis se dirigea vers la tente la plus importante en portant ses doigts à sa bouche. Elle en émit un sifflement strident et aigu, puis un sifflement normal quelques instants à peine avant d'entrer dans l'abri.

Romik attendit suffisamment de temps pour attacher les chevaux et se demander si l'elfe ne l'avait pas oublié. Elle finit par venir et le convier à la suivre. Se doutant qu'il allait être surpris, il pénétra dans l'antre.

Il y vit une demi-douzaine d'elfes. Une demi-douzaine parce qu'il avait peine à les compter en raison de la pénombre et de leur ressemblance mutuelle. Ils étaient vêtus d'habits similaires, colorés et amples. Imberbes, le visage noble, ils portaient les cheveux longs, au moins jusqu'aux épaules. Romik allait avoir du mal à distinguer les hommes des femmes… Faisant signe à Romik de la suivre, Gwantholin s'assit à côté de l'elfe qui semblait posséder le plus d'autorité naturelle. Ce devait être le sage du groupe.

 "Salut à toi, humble mortel, dit le personnage en décrivant un petit geste circulaire de la main."

La sage du groupe se corrigea Romik en entendant la voix de soprano. Elle l'examinait d'un regard bienveillant ; ses lèvres étaient soudées mais elle semblait sourire du visage ou plutôt… des yeux. Il se rendit compte qu'elle attendait qu'il lui réponde.

 "Bonjour à vous… à vous tous" dit-il en regardant les autres elfes, imperturbables autour de lui. Puis il ajouta : "Je suis Romik de Stanok, fils de Famik."

 "Nous savons déjà qui vous êtes. Gwantholin a eut le temps de nous conter les événements passés avec vous. Vous êtes une personne de confiance, Romik."

 "Bien, peut être pourriez vous alors m'annoncer ce que vous envisagez de faire. Je pense qu'il serait stupide de patienter ici jusqu'à ce que les orcs nous y débusquent."

Les elfes restèrent silencieux pendant quelques instants. Romik rougit de sa question un peu trop entreprenante. Mais la sage finit par lui répondre : "Permettez-moi de me présenter, je suis Venjhitia Dentem Felqas et voici mes proches, dit-elle en décrivant un geste ample du bras gauche. Vous les connaîtrez en temps utile. En ce qui concerne votre remarque, vous avez effectivement raison. Nous partirons demain à l'aube, le temps que vous vous reposiez et que nous fassions nos préparatifs pour le départ."

Le soleil avait à peine commencé à descendre du zénith ; il restait donc à Romik une demi journée à perdre. Pressentant que Gwantholin n'aurait pas forcément envie de passer ce temps avec lui, il salua poliment les elfes et sortit.

Chapitre 6

Il partit s'occuper des bêtes : puisqu'ils restaient sur place jusqu'au lendemain, autant mettre les deux chevaux de trait à l'aise. Il emmena donc les montures à un endroit abrité du vent et de la pluie, puis il se mit à les desseller et à les panser. Il était en train de brosser une bête lorsqu'une elfe presque aussi belle que Gwantholin apparut à côté de lui. Ses fins cheveux noirs de jais ondulaient sur de frêles épaules. De beaux yeux d'un bleu très clair, mis en valeur par sa chevelure couleur nuit l'épiaient malicieusement.

 "C'est avec ces chevaux là que vous êtes venus jusqu'ici ? C'est plutôt cocasse", dit l'elfe, l'air amusé.

 "Je m'appelle Aïnedegathel, je suis la petite-nièce de Venjhitia, reprit-elle. Gwantholin est une de mes cousines. Aux yeux de mon peuple je suis plutôt jeune. Je n'avais jamais quitté nos terres pour venir ici. Jusqu'alors, je n'avais vu que rarement des humains et je ne m'étais jamais suffisamment rapprochée d'eux pour qu'ils puissent me voir. Tu sembles assez beau garçon pour un homme."

Romik rougit, gêné. On ne s'était jamais adressé à lui de manière aussi directe. En tout cas, si Aïnedegathel n'avait jamais parlé à un humain, elle ne semblait nullement intimidée par sa présence.

 "Avez vous des montures ? Je n'ai pas vu de chevaux par ici."

 "Bien sûr que nous en avons. D'ailleurs nous allons t'en donner une. Tu ne vas quand même pas continuer à voyager avec une bête de somme. Si tu n'as pas vu nos chevaux c'est que nous les laissons en liberté. Ils ne connaissent pas la captivité."

Elle sortit une légère flûte d'un pan de sa tunique puis la porta à ses lèvres. Elle joua deux courtes mélodies stridentes. Quelques instants après, deux magnifiques étalons apparurent.

 "Eh bien, qu'attends-tu ? demanda impatiemment Aïnedegathel. Aide-moi à en seller un. Je ne pense pas que tu veuilles tenter une chevauchée sans selle…"

Romik prit une selle et des rênes et harnacha l'étalon le plus proche. Décidément, elle n'était vraiment pas intimidée par un humain pour une première rencontre…

 

Ils avaient chevauché pendant près d'une heure. Aïnedegathel, qui connaissait bien les environs était parvenue à démontrer à Romik qu'une forêt n'était pas seulement une vaste étendue insignifiante d'arbres. Elle lui avait montré des lieux superbes où la lumière blutée par la fine frondaison mettait en valeur la beauté de l'endroit. Elle lui avait fait remarquer que la vie abondait dans la forêt, que ce soient des végétaux ou des animaux, des insectes, du plus petit ver jusqu'au majestueux cerf.

Presque aussi épuisés que leurs montures, ils s'étaient arrêtés dans une petite clairière au centre de laquelle un imposant rocher donnait de l'ombre. Les bêtes laissées en liberté broutaient paisiblement à l'écart d'Aïnedegathel allongée dans l'herbe et de Romik adossé contre le roc.

 "Tu vis depuis longtemps dans ces lieux ?" s'enquit Romik.

 "Oh, dans cette forêt nous avons établi un campement depuis le dernier équinoxe. C'est un lieu à l'abri du passage d'humains, néanmoins relativement proche d'eux. Sinon, nous vivons en communauté loin d'ici, vers le soleil levant. Presque tous les elfes résident là bas même si souvent, nous partons pour longtemps en voyage. D'autres préfèrent vivre dans la solitude, plus profondément encore dans les forêts ou parfois dans les montagnes." Elle se tourna vers Romik.

 "Parle-moi de ta vie chez toi."

 "Eh bien j'habite chez mes parents à Stanok. Mon grand-père loge aussi chez nous ; il aurait voulu nous accompagner pour le festival du solstice d'été mais son âge et son état de santé ne le permettent hélas plus. J'ai beaucoup d'affection pour lui, il est d'une grande sagesse et il sait conter d'anciennes légendes comme personne. Il m'a même appris un peu à lire. C'est lui qui avait suggéré en premier à mon père que j'aille à Fnor Ingël pour le festival." Après un silence, il reprit : "Dans la famille, nous exerçons la profession de maître artisan de père en fils. Le village étant assez peu peuplé, nous travaillons aussi bien le bois que la pierre, le cuir ou l'argile pour subvenir aux besoins de tous. Avec le forgeron, l'essentiel de notre travail est pour les paysans, mais je préfère concevoir des objets de décoration comme des sculptures en bois ou des gravures."

Il se tourna vers Aïnedegathel. L'elfe hocha de la tête comme pour faire signifier à son compagnon qu'elle écoutait toujours. Il se risqua à poser une question : "Euh… as tu toi aussi la connaissance de la magie ?"

Aïnedegathel rit doucement. "A ce que je vois, les mortels semblent autant fascinés par la magie qu'on me l'avait décrit. Mais pourquoi donc es-tu tant intéressé ?"

 "Parce que la magie m'est inconnue et que je suis curieux, et j'aimerais en apprendre davantage. Et puis j'ai vu Gwantholin l'utiliser pour se défendre. C'est très efficace."

L'elfe eut un hochement d'approbation. "Oui, mais tu sais te défendre, j'ai vu que tu as un marteau de guerre."

 "Oui, mais c'est différent de la magie !"

 "Et en quoi ? Tu ne connais rien de cela pour exprimer une telle affirmation ! Il t'a bien fallu de longues périodes d'apprentissage afin de pouvoir manier correctement le marteau, et à chaque combat, tu y investis de l'énergie. Dans un sens, ce n'est pas si différent de la magie."

 "Je veux bien le croire. Mais pourquoi diable avez vous alors si peu envie de me parler de la magie ?"

 "Parce que c'est dangereux. Il y a toujours une part de risque à user de magie. Le mana est l'énergie qui nous entoure. En le canalisant avec une formule appropriée ou avec un catalyseur comme un bâton de magie ou autre, on peut « modeler » le mana pur pour créer de la foudre, du feu, du vent et cætera… Les nécromanciens utilisent aussi le mana, à partir de l'énergie qui en est fournie, pour animer des êtres sans vie, façonner des golems ou invoquer des élémentaires. Il est même dit que certains peuvent… faire appel à des démons.

 "Le risque principal de la magie est qu'en y faisant appel on peut produire des effets non désirés qui peuvent s'avérer être très dangereux. Comme je te l'ai déjà dit, le mana est la source d'énergie qui est à l'origine de tout sort. Seulement, le contrôle parfait du mana n'existe pas et y faire appel peut, par exemple, te faire foudroyer par un éclair si tu échoues dans ton invocation d'énergie.

 "Donc les risques majeurs de la magie sont les effets indésirables. Mais existe une autre menace peut être pire qui est que la magie peut te dominer. Certains des nôtres se sont laissés gagner par cela. Ils ont été corrompus par la convoitise, en découvrant que la magie était un moyen d'accéder au pouvoir. Quelques-uns uns en sont morts -les effets indésirables de la magie- et les autres devinrent dangereux. Le conseil des elfes, à l'unanimité prit la décision de les bannir et ils connurent l'exil, la pire condamnation qui existe pour notre peuple."

 "Comment cela ? s'enquit Romik, vous n'infligez jamais de punitions corporelles ou même de sentences de mort ?"

 "Mais qui en aurait le droit ? Les elfes sont par nature bons et le meurtre, chez nous, n'existe pas ; une condamnation à mort nous semblerait atroce. Tout ce que nous pouvons faire est d'écarter ces personnes dangereuses jusqu'à ce qu'elles reprennent conscience de leurs actes.

 "Pour en revenir à mon récit, certaines sociétés elfes condamnèrent sans autre forme de procès la magie car elles avaient vu les peines et souffrances qui peuvent en découler. Pourtant, certaines d' entre elles -dont la nôtre- après mûres réflexions décidèrent de tolérer partiellement la magie en raison des bienfaits indéniables qu'elle peut procurer. En effet, grâce à la magie, on peut faire pousser un arbre en une nuit, guérir des personnes qui auraient été condamnées à mourir…

 "Cependant, son utilisation reste limitée et elle n'est enseignée que par les plus sages d' entre nous. De plus, pour pouvoir bénéficier d'un tel enseignement, il faut prouver son aptitude à la magie, c'est à dire qu'on doit être suffisamment averti, consciencieux, humble et doué pour recevoir cet enseignement."

Romik réfléchit sur ces paroles. "Bien, donc si vous répugnez à simplement aborder le thème de la magie c'est que vous en avez peur, que vous en craignez les conséquences. Mais si je vous prouvais que j'étais suffisamment sage et pur d'intentions, accepterais-tu alors de m'apprendre des sorts?"

 "Mmh, ce n'est pas à moi d'en décider mais… probablement oui, si nous sommes persuadés que tu n'as que des intentions honorables."

 

Le jour avait continué à décliner et Romik poursuivait sa discussion avec Aïnedegathel. Il s'entendait bien avec elle et ils n'avaient jamais partagé de silences mitigés, comme il en avait connu avec Gwantholin. Le soleil était sur le point de se colorer de teintes rosées, annonçant l'imminence du coucher de soleil lorsqu'un elfe apparut. Il devait être aussi grand que Romik mais moins large d'épaule, plus fin. Des cheveux châtains lui arrivaient jusqu'au cou.

 "J'espère que je ne vous dérange pas trop" dit il après son arrivée discrète.

Pour un peu, Romik aurait répondu par l'affirmative. Il avait l'impression de ne pas s'être aussi bien entendu avec une personne du sexe opposé depuis assez longtemps. Toutefois, il n'avait pas ressenti les mêmes sensations qu'avec Gwantholin. Si Aïnedegathel était plus ouverte que Gwantholin, elle exerçait sur Romik une fascination bien moins importante. Elle était peut être trop humaine pour vraiment lui plaire.

 "Bonsoir, Avemenkel. Je suppose que tu es venu nous chercher parce qu'on requiert ma présence."

 "Effectivement, nous allons effectuer une cérémonie de départ dès que la nuit arrivera. Venjhitia m'a chargé de vous dire que vous êtes aussi convié" déclara-t-il en se tournant vers Romik.