Graham Masterton est un écrivain de littérature fantastique
de second ordre, au sens noble du terme. C'est dire qu'il n'économise
aucun stéréotype et aucune grosse ficelle pour faire plaisir
à ses lecteurs friands de choses dégoulinantes - le tout
enrobé dans un papier cadeau rouge sang rutilant.
Avec son roman Walhalla, Masterton comble manifestement une frustration
: celle de ne pas être Stephen King et de ne pas avoir écrit
Shining - rappelons-le, l'histoire d'un hôtel maudit possédant
son gardien jusqu'à la folie. Donc, Masterton s'offre son propre
Shining. Walhalla n'est pas son premier roman et Masterton a après
tout connu une certaine gloire. Il peut donc s'offrir ce plagiat - lequel
dénie sur sa fin ses origines, à la surprise du lecteur,
et se révèle plus proche en réalité du Rébecca
de Daphné du Maurier.
À ce point de notre critique, il y a un élément dont
il faut tenir compte : le monde est divisé en deux catégories.
Soit on aime Masterton - parce qu'on a toujours aimé les histoires
de fantômes et de monstres répugnants -, soit on a des aspirations
trop élevées pour aimer Masterton, façon " Moi,
je maîtrise Vampire, Monsieur ". Cet article s'adresse aux
premiers.
Il nous a fait le coup du spectre du shaman indien adorateur de Cthulhu
banni au dernier moment par l'invocation que Harry Erskine fait de l'esprit-totem
d'un super ordinateur. Il nous a fait le coup du sorcier interné
en hôpital psychiatrique qui fait disparaître tout le monde
dans les murs pour libérer une faune de sadiques psychopathes 60
ans plus tard sur le malheureux couple qui a racheté l'endroit.
Il a fait le coup des tableaux ensorcelés produisant en leur sein
une autre dimension, refuge d'une famille de sorciers psychopathes - encore
des sorciers et des psychopathes, toujours des cinglés-frappés-du-ciboulot.
Il a fait le coup du char d'assaut oublié sur les côtes normandes
et possédé par un démon invoqué par les alliés
contre Hitler. À cette occasion, je me rappelle d'ailleurs d'une
critique de Casus Belli expliquant comment et pourquoi ce livre - Le Jour
J du Jugement - est aussi à chier que ça
Revenons à Walhalla. Craig Bellman, un juriste fortuné,
est victime d'une agression - aussi atroce que drôle, à bien
y réfléchir et dont on ne dira rien pour préserver
le goût du premier chapitre et une entrée en matière
fracassante. Pour se remettre du choc, il décide d'acheter une
maison immense qu'il découvre par hasard. En réalité,
on sent bien que Craig n'est plus tout à fait le même depuis
qu'il a vu la maison
Celle-ci aurait appartenu à un ancien
milliardaire qui se serait suicidé en 1937 dans des circonstances
étranges. Cependant, dans la demeure tombant en ruine, une inscription
en latin : Non omnis moriar
" je ne mourrai pas complètement
".
Effie, l'épouse de Craig, elle, n'aime pas du tout la bicoque.
C'est bien naturel : dès son arrivée, elle entend des sanglots
et une voix dans sa tête qui la met en garde contre l'endroit, avant
de tout simplement tomber nez à nez avec un fantôme pressé
dans l'escalier.
Voilà l'un des traits typiques de l'écriture de Masterton
: tout va très vite, sauf quand la scène dure pour soutenir
l'angoisse du lecteur qui en demande encore. La créativité
de Masterton est, de plus, évidemment une source inimitable pour
un scénariste de jeu de rôle d'horreur qui devrait le lire
un crayon à la main. Tout y est, de l'ambiance aux idées,
que ces dernières soient originales et délirantes - par
exemple la circonférence des solives et la scène du chat
dans Walhalla - ou remâchées et traditionnelles dans ce genre
particulier de la littérature - empalements gore et silhouettes
spectrales aux fenêtres.
Lire Masterton relève d'un autre trait avantageux en particulier
pour un scénariste de L'Appel de Cthulhu : son " uvre
" est une relecture - un peu populaire - et une modernisation des
thèmes classiques de l'écrivain génial de Providence.
En cas de crise d'inspiration, on peut se servir à la pelle.
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