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...écrits par Philippe de QUILLACQ
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Eastenwest > 10 - Leçon des cloches
Humble Mortel, chapitres 16-18
Voilà donc la suite de ce roman épique commencé dans le numéro 5 et poursuivi depuis. Comme d'habitude, n'hésitez pas à envoyer vos commentaires à l'auteur pour lui faire part de vos impressions. Bonne lecture.
CHAPITRE 16
"Romik."
"Romik !" répéta une voix lointaine.
L'humain ouvrit péniblement les yeux, pour les refermer immédiatement
après. Ils les réouvrit ensuite, prudemment ; le temps de s'adapter
à la luminosité.
"Targetelan, ce… c'est vous?" balbutia Romik. "Je ne suis
pas mort?"
"Non, et nous vous devons nos vies."
"Et où est-on?" Il tenta de se relever mais la prêtresse
l'en empêcha.
"Ne faites pas cela ! s'exclama-t-elle. Vous êtes convalescent et
avez beaucoup de forces à reprendre."
Il baissa les yeux. On avait déchiré sa tunique et le haut de
son torse était couvert de bandages. "C'est moi qui vous ai soigné"
commenta Targetelan, comme si elle était parvenue à lire dans
ses pensées. "J'ai fait appel à mes pouvoirs de prêtresse
pour que vos blessures se referment. Par contre, je ne peux rien faire pour
vos os, il va falloir attendre qu'ils se ressoudent.
Il leva un sourcil interrogateur. "Vous avez l'épaule fracturée
et plusieurs de vos côtes sont fêlées, voire brisées,
ajouta-t-elle. Vous avez eu de la chance de ne pas avoir un poumon transpercé."
Romik considéra les faits pendant quelques instants, puis : "Vous
n'avez toujours pas répondu à ma question."
"Nous avons établi le campement dans un bois, proche du lieu où
s'est déroulé ce tragique affrontement."
"Et que s'est-il passé après que j'ai tué cette orcque?"
"Le golem s'est tout de suite montré moins menaçant. C'était
comme s'il… avait perdu lien avec sa créatrice. Mieux encore, le
maléfice d'anti-magie a été rompu lors de la mort de la
chamane, et j'ai pu faire appel à mes pouvoirs cléricaux pour
lancer un anathème sur le golem de chair."
"Et alors?"
"Son corps s'est subséquemment disloqué et tout était
fini, malgré des pertes qui nous affligent beaucoup. Tolgââjaz
est mort bravement, ainsi que Veffimtador et Avemenkel."
"Avemenkel ?!" s'exclama Romik. Bien qu'il s'entendait mal avec lui,
sa mort le touchait car il avait conscience des liens qui le liait à
Aïnedegathel, et il avait idée de la peine qu'elle devait endurer.
"C'est bien dommage, commenta-t-il. Et Gwantholin, elle va bien?"
"Elle s'est remise de ses blessures légères" répondit
Targetelan. Romik soupira intérieurement de soulagement. "Désirez
vous la voir?" ajouta la prêtresse.
"Oui, s'il vous plaît."
Targetelan se retira et quelques instants après, la belle Gwantholin
parut.
"Heureuse de te voir éveillé, dit Gwantholin en guise de
salutation."
"Moi aussi, je suis content de te voir. Content de savoir que tu es vivante…"
Elle lui sourit. "J'ai eu très peur lorsque tu es tombé du
golem de chair et qu'il s'est mis à t'attaquer."
"Moi aussi ; j'ai eu la frousse de ma vie !" Après un silence
: "Quelle heure est-il?"
"C'est la quatrième heure après le lever du soleil, répondit
l'elfe. Et le quatrième jour depuis que tu t'es évanoui."
"Quoi ?! Je suis resté inconscient pendant plus de trois jours et
demi ?!" s'exclama l'humain.
"Oui, mais il faut préciser que nous avons aussi prolongé
ton sommeil avec des plantes médicinales. Tu avais besoin de te reposer.
De plus, il valait mieux que tu sois inconscient lorsque Targetelan a entrepri
de remettre en place tes côtes."
Romik grimaça. "J'espère que je serai assez en forme pour
poursuivre le voyage."
Gwantholin acquiesça. "Dis-moi, comment as-tu fait pour réussir
à maîtriser aussi merveilleusement bien la Dague de Précision?
Et comment as-tu fait pour voir la chamane orcque et ensuite deviner qu'il fallait
la tuer, pour avoir une chance d'anéantir le golem de chair?"
Romik lui conta tout ce qui s'était passé : la Dague de Précision
qui s'était activée, les étranges visions qu'il avait eues
avec les formes brumeuses, les auras qu'il voyait, puis l'attaque de l'orcque.
Ensuite, il posa une question : "Au fait, pourquoi m'as-tu demandé
comment j'ai fait pour voir la chamane ? Vous n'arriviez pas à la voir
?"
"Non, nous ne pouvions distinguer ses traits car elle nous était
invisible. Romik, dit-elle en prenant un air grave, je crois que tu as réussi
à lancer la Vision Véritable et cela me surprend énormément,
mais me permet de comprendre plusieurs choses. Je n'ai moi-même réussi
que très rarement, et dans des conditions exceptionnelles, à activer
la Vision Véritable qui est un des pouvoirs de la Dague de Précision.
Tu me surprends beaucoup."
"Euh, la vision véritable? Qu'est-ce que tu veux dire par ce terme?"
"La Vision Véritable est un sort qui te permet de voir tout. La
brume, l'obscurité, les illusions et les invisibilités ne sont
plus un obstacle à ta vue. C'est comme si ces effets ne t'affectaient
plus. De plus, tu peux même avoir le pouvoir de lire les auras des personnes
que tu regardes."
Sur l'air perplexe qu'afficha Romik, elle expliqua : "Il n'est pas aisé
d'expliquer ce que sont les auras. Lorsque tu as activé la Vision Véritable,
tu voyais le monde tel qu'il est dans un autre plan d'existence. C'est un plan
éthéré, à la fois similaire et différent
du nôtre. C'est grâce à cela que tu es parvenu à voir
à travers le sortilège d'invisibilité. Dans ce plan, on
peut donc aussi voir les auras des personnes. Une aura est ce qui émane
de l'identité d'un individu, et si tu as la possibilité de lire
son aura, alors tu peux connaître l'alignement de cette personne, connaître
sa façon d'appréhender son existence et celle des personnes qu'elle
côtoie."
"Et donc tu es surprise que je sois parvenu à cela."
"Oui, je ne t'aurai pas crû capable de le réaliser sans un
long apprentissage adapté. Vraiment, tu me surprends."
"Je crois que je suis parvenu à cela parce que j'étais bien
préparé, je m'étais relaxé grâce aux exercices
que tu m'avais enseignés, l'autre jour." Après une pause,
il ajouta : "Je l'ai aussi réussi en pensant à toi…"
Gwantholin lui sourit. Ils se regardèrent en silence pendant un long
moment, les yeux dans les yeux. Puis leurs visages se rapprochèrent l'un
de l'autre, et leurs lèvres se rencontrèrent. Romik revécu
un moment fascinant. Il serra Gwantholin dans ses bras tout en l'embrassant
pendant un instant qui semblait comme figé.
"Je t'aime" lui déclara Romik
à mi-voix après qu'ils se soient embrassés.
L'elfe le regarda et lui sourit, d'un air triste. Ses yeux s'embuèrent
et des larmes coulèrent le long de son joli visage. Elle se releva et
courut, à toute vitesse.
"Attends !" cria Romik.
Elle ne se retourna pas. Il essaya de la rejoindre, mais il était trop
blessé pour accomplir cela. Il se laissa retomber sur le sol, puis il
reposa sa tête sur ses mains et pleura.
"Mais qu'est-ce que j'ai encore bien pu avoir fait?" maugréa-t-il.
Décidément, la vie est parfois compliquée, surtout lorsqu'on est amoureux d'une elfe…
Romik se réveilla. Plusieurs heures encore s'étaient
écoulées et pourtant, il était toujours aussi fatigué.
Il entreprit quand même de se lever et de marcher un peu. Au début,
il eut beaucoup de mal, mais il s'adapta. Il pouvait marcher presque normalement,
s'il faisait attention à son épaule et à ses côtes.
Il vit ensuite Ilpalfejid, assise au sol, immobile.
"Salut à vous, Romik" dit-elle. "Comment vous portez-vous?"
"J'ai toujours mal, mais ça peut aller."
"J'en suis heureuse. Merci."
"Pourquoi?"
"Pour ce que vous avez fait. Nous vous devons tous la vie. Sans vous, je
crois bien que nous serions tous morts."
"Je ne veux pas que vous me remerciez. Je n'ai fait que ce que j'ai pu.
Et puis, cela n'a pas amélioré le sort d'Avemenkel, de Tolgââjaz
et de Veffimtador…"
"C'est vrai, mais vous n'avez pas à vous culpabiliser. Ce n'est
pas votre faute, mais celle de ces…, de ces orcs…"
"Oui, et ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient…" dit amèrement
Romik. Il y eut un silence, et Romik reprit la parole : "Savez vous où
se trouve Aïnedegathel? J'aimerais lui parler."
"Elle est là bas" dit Ilpalfejid en tendant le bras dans une
direction.
L'humain s'apprêta à partir mais Ilpalfejid retint son bras : "Romik,
ne soyez pas brusque avec elle. Elle vit très mal la perte d'Avemenkel."
Il se leva et se dirigea vers l'endroit où se trouvait Aïnedegathel.
"Salut" lui dit-elle tristement, dès qu'elle le vit. "Je
vois que tu te portes mieux : tu peux marcher, maintenant."
"Oui, mais je ne pourrais pas courir ou manier le marteau de guerre avant
plusieurs jours."
"Tiens, lui dit-elle en lui remettant la Dague de Précision. Je
l'ai trouvée près du cadavre de cette orcque."
"Merci. Elle m'a été utile."
"Oui, tu avais raison d'essayer. C'est ce qui nous a sauvés. J'aurais
du avoir confiance en toi : tu nous as préservés de la mort."
"Oh, non! Tu ne vas pas te mettre, toi aussi, à me remercier! On
m'a déjà assez remercié comme ça ; ça suffit
!" déclara Romik d'un air faussement offusqué.
Aïnedegathel rit. Romik fut content de la voir ainsi : cela semblait lui
faire du bien. Mais elle reprit rapidement son air attristé.
"Je… je suis désolé pour la perte d'Avemenkel…"
balbutia Romik.
Aïnedegathel le regarda. "Je l'aimais, il… il m'avait dit qu'e
nous allions nous marier lorsque nous serions arrivés à Arnœd
Keïtzan."
Elle éclata en sanglots. Romik ne savait pas quoi lui dire. Il se sentait
incapable, impuissant à la consoler. Alors il se contenta de la prendre
dans ses bras et de la cajoler.
"Je l'aimais tellement…" se lamenta-t-elle entre deux pleurs.
"Je sais" dit simplement Romik.
Elle pleura encore longtemps, puis : "J'ai envie de mourir ; je n'ai plus
aucune raison de vivre : j'ai perdu celui à qui je tenais le plus."
"Tu ne peux pas dire ça, répondit calmement Romik. Je partage
ton affliction, et je peux ressentir la douleur que tu vis, mais ce n'est pas
pour cela que tu dois appeler la mort. Des personnes t'aiment, dont moi. Trois
elfes, déjà, sont morts pour nous. Je ne veux pas d'une quatrième
mort inutile. Je ne souhaite pas perdre une amie. Et pense à ce qu'Avemenkel
dirait de cela. Es-tu sûre que cela lui ferait plaisir de te voir te donner
la mort ? Je suis persuadé qu'il désirerait que tu poursuives
ta vie, du mieux que tu le peux."
Elle lui sourit tristement et l'embrassa sur la joue. "Tu dois avoir raison,
dit-elle, il n'aimerait pas cela. Je le connais bien, je crois qui plus est
qu'il considérerait mon suicide comme un acte veule" ajouta-t-elle
en esquissant un léger sourire.
Il prit ses mains dans les siennes. "Alors soit forte, n'oublie pas Avemenkel,
et continue à vivre."
"Je te remercie de m'avoir réconfortée. Ce que tu fais me
touche beaucoup."
Ils passèrent un long moment, en silence, assis, Aïnedegathel dans
les bras de Romik.
"Dis-moi, quand partirons-nous?" s'enquit-il.
"Tant que tu étais évanoui, il était évidemment
hors de question de poursuivre le voyage : nous ne sommes pas des nains. Je
crois que nous continuerons notre chemin jusqu'à Arnœd Keïtzan
dès que tu le voudras. Je suppose que c'est en fonction de ton état
de santé que nous voyagerons."
"Je crois que je me sens assez bien pour qu'on reparte demain."
"Bien, j'en parlerai aux autres."
Romik hésita un long moment, puis il lui demanda
une chose qu'il brûlait de savoir depuis plusieurs jours.
"Euh, Aïnedegathel ?" fit-il, hésitant.
"Que veux-tu savoir ?"
"Est-ce que des elfes ont déjà épousé des humains
?"
Elle rit légèrement.
"Qu'est ce qu'il y a ?" lui demanda-t-il, un peu énervé.
"Ne serais-tu pas amoureux de Gwantholin, à tout hasard ?"
Romik rougit instantanément. "Et qu'est-ce qui te ferait croire
ça ?"
"Romik, tu n'as pas encore appris la discrétion elfique. Vous autres,
mortels, révélez très naturellement vos émotions
par des expressions faciales. De temps à autre, j'ai l'impression qu'il
suffit de te regarder pour deviner ce qui se passe dans ta tête."
"Moui, c'est vrai que vous cachez très bien ce que vous ressentez
; c'est peut être pour cela que vous semblez, à priori, tellement
froids et distants."
"Bien, tout cela pour dire qu'il suffit de te voir contempler Gwantholin
pour comprendre que tu éprouves quelque chose d'assez fort pour elle.
Alors, ai-je bien raison ?"
"Oui, admit Romik, tu as deviné juste. Elle me plaît, mais
je ne sais pas si je l'aime."
"Comment cela ?"
"Et bien je n'ai jamais aimé quelqu'un auparavant ; je n'ai jamais
expérimenté ce sentiment, alors je ne sais pas si je suis sûr
de l'aimer…"
"Je comprends… Pour ta question sur l'amour entre mortels et immortels,
ceci est assez compliqué. Nous avons généralement quelques
" incompatibilités " et nous les côtoyons peu, bien que
tu sois une exception, mais pas la seule."
"Et pour l'incompatibilité ? Explique-moi…"
"Tu sais que nous vivons autrement que vous, et beaucoup d'humains nous
trouvent très étranges. Comme tu as pu le constater avec Avemenkel,
vous êtes rarement les bienvenus." Elle avait achevé cette
phrase dans un étranglement, et elle se tut. Son expression redevint
triste.
"Pardon, je ne voulais pas te causer du tort…"
"Tu n'y es pour rien. C'est seulement que le mentionner me fait, me fait
regretter ces moments là…" Un silence mitigé, puis :
"Pour continuer ce que j'étais en train de t'expliquer, se manifeste
aussi un problème. Je vais te narrer une histoire :"
Il y a fort longtemps de cela, lorsque les elfes étaient
encore omniprésents sur le monde, et que l'humanité était
alors un jeune peuple -qui n'était apparu que depuis quelques générations
seulement- vivait une elfe du nom de Kaseltinera. On s'accorde pour dire qu'elle
était la plus belle et la plus charmante personne qu'on puisse rencontrer,
et je ne tenterai pas de te faire une description d'elle, qui serait de toute
façon un pâle portrait de son admirable grâce.
Dans une forêt, non loin du lieu où résidait Kaseltinera,
vivait un humain du nom de Feldan. Il était chasseur, mais ne tuait jamais
pour le plaisir, exclusivement pour nourrir un petit village auquel il était
plus ou moins attaché. Feldan vivait en vraie harmonie avec la nature,
et il avait pour elle un grand respect. A vrai dire, il vivait similairement
à un elfe sylvain. Peut être est-ce cela qui intrigua Kaseltinera
qui l'épia, intriguée par cet homme. Lorsqu'elle fut assurée
de son attitude pacifique, elle se montra enfin à lui. Ils firent donc
connaissance et tombèrent grandement amoureux. Kaseltinera présenta
Feldan aux siens, qui n'approuvèrent pas cette union : ils trouvaient
que l'acte de l'elfe était irraisonné et impulsif.
Mais cela ne fit pas obstacle à leur amour et ils se marièrent,
dans la plus grande intimité puis ils voyagèrent à travers
le Grand Monde, car Feldan se sentait mal à l'aise dans la ville natale
de Kaseltinera, où il ne se sentait pas accepté. Ils vécurent
plusieurs années dans le bonheur mais après un certain temps,
Feldan commença à montrer quelques signes de vieillesse qui inquiétèrent
fortement Kaseltinera. En effet, elle voulait passer le restant de sa vie avec
lui, et se sentait incapable d'accepter le vieillissement, la sénilité,
puis la mort de l'humain.
Ils cherchèrent à remédier à cela, et il entendirent
parler de Vastelaï le Sombre. Il était humain, mais était
immortel, tout comme les elfes bien qu'il avait de curieuses habitudes. Ainsi,
on ne le vit jamais apparaître en plein jour ou bien manger ou boire quoi
que ce soit.
Kaseltinera et Feldan vinrent voir le vampire, car c'en était bien un,
quoi que les vampires étaient alors encore inconnus de tous. Il accepta
leur requête, et consentit à ce que Feldan devienne un vampire,
mais il ajouta qu'il fallait que Kaseltinera fasse de même. Les deux amants,
inconscients et ignorants du mal auquel ils étaient confrontés
acceptèrent. Vastelaï but le sang de Kaseltinera puis il lui donna
à boire du sien. Lorsqu'il la contempla alors qu'elle était évanouie
en raison de l'importante perte de sang, il fut subjugué par sa beauté
et décida qu'elle devait être sienne. Ainsi, au lieu de concéder
la " vie " éternelle à Feldan, il l'étrangla.
Lorsque Kaseltinera reprit conscience et qu'elle vit ce que Vastelaï avait
commis, elle entra dans une rage folle. Le vampire fut incapable de la maîtriser
et chacun de ses membres fut arraché puis brûlé. Kaseltinera
avait perdu son amour, et son essence elfique qu'elle ne put jamais retrouver.
Elle était condamnée à demeurer éternellement un
vampire et à fuir la lumière.
Meurtrie par le chagrin et le désespoir, elle continua à errer
de par le monde. Tout le monde la fuyait, et elle devint mauvaise.
"Kaseltinera est la première et fait
partie des rares elfes à s'être tournés vers le Mal"
ajouta Aïnedegathel.
"C'est une histoire lugubre, et tragique" commenta Romik. "Alors
c'est donc ça, ce problème épineux : mon espérance
de vie… Alors que dois-je faire ?"
Aïnedegathel resta pensive longtemps, puis elle exposa son opinion : "Je
crois que tu ne devrais rien tenter. L'amour doit toujours être réciproque,
et si Gwantholin ne se sent pas capable de l'assumer, alors tu n'auras plus
qu'à l'oublier…"
Romik soupira. "Après tout, c'est peut être mieux pour chacun
d'entre nous."
CHAPITRE 17
Les voyageurs avaient poursuivi leur voyage sur le long
des grandes plaines séparant la Forêt Sombre des montagnes Tarkzijir.
Trois semaines déjà s'étaient écoulées depuis
leur départ de Torkanjen Dilurgansan. Ils avaient cheminé lentement,
en raison du mauvais état de santé de Romik.
Après un peu plus de deux semaines, ils avaient atteint la chaîne
de montagnes nommée Tarkzijir. Le cheminement avait été
pénible et long jusqu'alors mais il devint bien plus aisé après,
lorsqu'ils pénétrèrent enfin dans l'immense forêt
Balegathol. Les humains la nommaient la forêt elfe car eux-mêmes
n'y allaient jamais. A vrai dire, c'était parce que les habitations humaines
ne s'étendaient jamais à l'est des montagnes Tarkzijir : seuls
des elfes et quelques hobbits vivaient dans la forêt Balegathol.
Romik, cette fois-ci, se sentait vraiment bien admis dans le groupe et tous
les elfes étaient francs avec lui et ouverts. Gwantholin et Aïnedegathel
elles seules faisaient partie de ses " vrais " amis mais il entretenait
quand même avec Sergojvalitur, Eanepalith, Firdofeïm, Targetelan,
Ilpalfejid et Dakgonthë de courtoises relations amicales. Il avait bien
sûr revu Gwantholin après leur baiser et ni l'un ni l'autre n'en
avaient reparlé. Ils se comportaient en quelque sorte comme si ce second
baiser échangé n'avait jamais eu lieu, et leur amitié ne
s'en était pas trouvée perturbée.
Ils avaient déjà au cours de leur progression à travers
la forêt Balegathol fait des haltes dans deux villages elfes. Ces petites
communautés de moins de cinq cents âmes ne ressemblaient guère
à Torkanjen Dilurgansan et Gwantholin avait dit que les elfes qui y vivaient
étaient des elfes blancs - comme elle et la plupart du groupe - et non
des elfes sylvains. Physiquement, les elfes blancs différaient peu des
elfes sylvains. Ils avaient des cheveux généralement clairs ainsi
qu'une taille et une carrure légèrement inférieure à
celle des humains. Par contre, les tenues vestimentaires variaient selon les
races d'elfes. Ainsi, les elfes blancs s'habillaient généralement
d'amples toges ou de robes de multiples couleurs. Si les vêtements des
elfes sylvains comportaient différentes nuances de vert, les elfes blancs
faisaient appel à un spectre de couleurs bien plus large. Toutefois,
ils portaient rarement des vêtements aux couleurs extravagantes ou qui
jurent. Les teintes étaient généralement pastels et le
violet prédominait.
Les deux villages que Romik avait pu apercevoir paraissaient, eux aussi, très
différents de Torkanjen Dilurgansan. Ils n'étaient pas situés
dans des arbres, mais à même le sol. C'étaient souvent des
maisonnettes aux murs beiges qui constituaient les villages. Les architectures
qu'on pouvait rencontrer différaient les unes des autres mais l'ensemble
parvenait toutefois à donner une impression d'ordre. A l'intérieur
des demeures régnait une grande luminosité que les grandes fenêtres
en verre transparent laissaient abondamment rentrer. Les maisons avaient toujours
un seul étage et le bois était beaucoup utilisé : pour
le plancher, les meubles, certains murs et pour certains objets de décoration.
Cela ne voulait pas dire que les elfes délaissaient le métal,
bien au contraire, ils excellaient dans son travail. Seulement, dans la mesure
du possible, le peuple immortel semblait préférer le bois, ce
que Romik ne pouvait leur reprocher en raison des merveilles qu'ils pouvaient
produire avec cette matière.
Les voyageurs avaient été les deux fois, bien accueillis et les
elfes n'avaient montré aucun signe de surprise ou d'animosité
en voyant Romik. Il avait pu se laver avec de l'eau chaude, ce qui le changeait
de l'eau glacée des rivières. Pour son plus grand bonheur, on
lui avait offert de se laver dans une grande baignoire en pierre qui était
bien plus confortable que les bassines de bois qu'il avait toujours connues.
On lui avait aussi donné de nouveaux vêtements car ses anciens
habits étaient déchirés et fort usés. Romik portait
maintenant un solide pantalon de cuir fin, une grande tunique mauve et on lui
avait aussi donné une épaisse cape d'un vert tirant sur le brun.
Il ressemblait maintenant beaucoup plus à ses compagnons de route et
aux autres elfes blancs, en raison de la coupe de ses vêtements.
Ils étaient restés chaque fois moins d'une demi-journée
dans les villages elfes, car ils ne voulaient pas trop s'attarder jusqu'à
Arnœd Keïtzan, elle aussi située dans l'immense forêt
Balegathol, à de nombreux jours de marche des montagnes Tarkzijir.
Et un jour enfin, Romik aperçut la magnifique
cité d'Arnœd Keïtzan. Il la vit brusquement, car elle était
localisée en pleine forêt et non dans une plaine. Cette cité
était merveilleuse et d'une grandeur démesurée, probablement
plus grande que Fnor Ingël même. Une muraille blanche en faisait
le tour complet. Arnœd Keïtzan était construite de façon
circulaire, les maisons les plus proches des murailles étaient les plus
simples, et plus on se rapprochait du centre, plus le cercle de maisons était
petit et plus ces dernières étaient finement ouvragées.
Mais même les maisons le plus à l'extérieur de la ville
étaient déjà un chef-d'œuvre d'architecture : de grandes
demeures à un étage, faites de pierre blanche. Elles avaient toutes,
un jardin très soigneusement entretenu avec souvent un bassin et des
statues.
Les rues étaient larges, et les pavés très plats contribuaient
à l'excellent état de la chaussée. Il y avait parfois des
arbres au beau milieu de la rue, ce qui surprenait beaucoup. Romik fut frappé
par la propreté de la ville : les murs des maisons étaient impeccables,
comme s'ils venaient d'être achevés, et aucun déchet n'était
visible dans les rues. Il se demandait bien d'ailleurs comment les elfes faisaient
pour vider leurs ordures, car il n'y avait pas de ruisseau au milieu de la rue
servant à acheminer les saletés à l'extérieur de
la ville.
Plus ils se rapprochaient du centre de la ville, plus Romik était ébahi
de la beauté de cette dernière. Les maisons se faisaient plus
grandes, et de plus en plus belles. Elles avaient maintenant deux ou trois étages
avec de multiples balcons. Les immenses vitres transparentes et étincelantes
des fenêtres renvoyaient la lumière du soleil dans la rue. Un elfe
accoudé à un balcon sculpté leur fit un petit signe de
salutation.
Arnœd Keïtzan démontrait avec brio qu'on pouvait parvenir à
marier urbanisation et nature, car bien que la ville fut immense, elle avait
souvent des espaces de verdure, des arbres, et même parfois quelques petits
bois.
Ils arrivèrent au centre ville qui était
le lieu de convergence de toutes les rues principales. La beauté de l'endroit
était telle que Romik en eut le souffle coupé : devant lui s'étendait
une immense place comprenant des allées d'arbres, de somptueuses fontaines
et d'imposantes sculptures représentant des elfes en tenue d'apparat.
Un grand palais entièrement construit en marbre se dressait non loin
de là, assurément le plus beau et le plus majestueux bâtiment
que Romik n'eut jamais vu.
Tous les elfes descendirent de cheval, laissèrent leurs fournitures,
et pénétrèrent à l'intérieur du palais.
Vu de l'intérieur, il était encore plus beau qu'on ne pouvait
s'y attendre. Les murs en marbre s'élevaient à plusieurs dizaines
de pieds de haut. Toute cette pierre aurait pu laisser une impression d'immensité
glacée, mais les nombreuses tapisseries colorées et le parquet
fait de bois clair tempéraient cet effet. Ils cheminèrent longuement
dans les couloirs sans rencontrer beaucoup d'elfes, qui de toute façon
ne semblaient même pas les remarquer. Tout en cheminant, Romik put apercevoir
tout une foule de décorations : des petits tableaux d'un réalisme
impressionnant, des sculptures faites dans une pierre blanche et très
pâle. Il vit aussi un bon nombre d'armures à la fois lourdes, somptueuses
et très voyantes qui devaient probablement servir uniquement pour les
défilés. Puis ils sortirent de nouveau dans une cour intérieure
où coulait un ruisseau dans un jardin bordé de nombreux arbres
et bosquets. Tout le monde y resta pour se reposer, excepté Eanepalith
qui s'effaça discrètement.
Lorsqu'il revint, il annonça à tous qu'ils pouvaient assister
à l'audience que leur accordait le Clairvoyant. Ils pénétrèrent
donc de nouveau dans le palais. Ils montèrent quelques étages,
puis entrèrent dans une pièce qui était bien assez grande
pour que tout le monde puisse s'y installer. De grandes baies vitrées
ouvrant sur le balcon dévoilaient le fabuleux panorama de la ville. C'est
à ce moment-là que Romik s'aperçut qu'ils étaient
au sommet de la ville. En effet, les murailles en contrebas laissaient apparaître
le dénivelé ; il put aussi s'apercevoir que le balcon surplombait
le jardin dans lequel ils s'étaient reposés. D'ici, on avait donc
pu les voir.
Il n'eut pas plus de temps pour contempler le panorama car une personne attira
son attention. C'était un elfe à l'aspect vénérable,
assis en tailleur à même le sol, parmi des coussins. Il était
vêtu d'un magnifique surmanteau de velours indigo, passé sur une
toge blanche et argentée. Sa longue chevelure gris-clair rejetée
en arrière laissait paraître ses fines oreilles pointues. Il avait
un beau visage délicat, une petite bouche bien dessinée et de
surprenants yeux en amande couleur vert pomme. Ils étaient très
clairs et donnaient à son regard un curieux éclat. L'elfe semblait
être d'assez frêle constitution et un seul coup d'œil suffisait
pour se rendre compte de sa grande prestance et de son aspect respectable.
Les elfes s'installèrent sur des coussins, autour de lui. Romik les rejoignit.
" Salut à toi, humble mortel, lui dit l'étranger en décrivant
un geste de la main similaire à celui fait par Venjhitia et Todjekelimf.
Je suis Althgovifen et suis celui qu'on nomme le Clairvoyant ; j'ai le pouvoir
de lire les auras des mortels.
- Romik, fils de Famik, de Stanok, répondit l'humain.
- Je n'ai pas l'habitude de côtoyer ou de voir des mortels, mais votre
présence ne m'est pas désagréable. Il fit une pause, prit
quelque chose dans sa poche qu'il se mit à mâcher. Je vous propose
de poursuivre cet entretien en ertelien, afin que Romik puisse nous comprendre
annonça-t-il en dévisageant l'ensemble du groupe. Bien. Eanepalith
m'a expliqué la raison de votre présence à Arnœd Keïtzan
et ce qu'il m'a confié est fort surprenant. Mais je ne veux pas faire
de conclusions hâtives. Il se tourna vers Gwantholin : Mademoiselle, il
semblerait que cette occurrence soit due à vous ou plutôt à
ce que vous détenez.
- Effectivement, elle est due à ce parchemin magique ; un puissant sortilège
nous interdit de le lire. Nous avons tenté de détruire ce sceau
magique à Torkanjen Dilurgansan, hélas sans réussite. Todjekelimf
nous a alors suggéré de faire appel à votre aide, c'est
pourquoi nous sommes venus ici. Gwantholin se releva et s'adressa au Clairvoyant
en elfique : Althgovifen Kallapeav'l, qaveïd bensej omt thazed arpeosalenda.
- Weonaï qel arpeosalendol répondit Althgovifen. "
Elle lui remit le parchemin. Le Clairvoyant s'en saisit, ferma les yeux, et
l'effleura du bout des doigts. " Incontestablement, ce sort est puissant,
commenta-t-il. Je vais voir ce que je peux faire, mais pas immédiatement
car il me faudra une préparation. De plus, j'aimerais que vous me disiez
ce que vous savez sur ce parchemin, Gwantholin. "
Elle prit une longue inspiration. "Tout a commencé, il y a plus
d'une lune de cela. Nous avions, avec d'autres elfes, établi un petit
campement temporaire dans la Forêt aux Songes, à quelques jours
de marche à peine vers le couchant en partant de Torkanjen Dilurgansan.
Une nuit, je fis un songe fort curieux : je me trouvais nue dans une clairière,
et un étrange personnage tout de blanc vêtu vint à moi.
Il était grand, son contour était très indistinct et je
ne parvenais pas à distinguer quelle était son espèce.
Je me souviens seulement qu'il était blanc ou qu'il me paraissait blanc
et qu'il avait des sortes d'immenses ailes dans le dos. Je n'arrivais pas à
apercevoir son visage, c'était comme… si on avait effacé
ses traits. Il s'adressa à moi, mais je ne me souviens pas qu'il me parlait.
C'était comme s'il me communiquait ses pensées. Il me fit comprendre
que je devais aller à un certain endroit. C'est alors que je me suis
réveillée. Je me souvenais très mal de ce dont j'avais
rêvé et ne savais pas où précisément cette
étrange personne m'avait mandé d'aller. Mais curieusement, je
ressentais le besoin de partir, dans une direction bien précise. Je partis
donc sur-le-champ, en direction de Fnor Ingël. On était alors à
quelques jours à peine du solstice d'été. Je me rendis
dans cette ville et là encore, je sus où il me fallait aller.
Je pénétrai dans une auberge, montai à l'étage et
entrai dans une chambre. C'est là que je trouvai ce mystérieux
parchemin. Quelqu'un m'avait fait venir ici, mon inconscient avait été
guidé. Dès que je me saisis du parchemin, je me sentis comme…
libérée. C'était comme si celui qui m'avait menée
jusque là-bas avait accompli son travail et qu'il me laissait enfin tranquille.
J'entrepris donc de retourner à mon campement pour présenter ce
curieux parchemin aux miens. J'arpentais les rues de Fnor Ingël en étant
fort préoccupée car je ne sais pourquoi, je sentais qu'une menace,
que quelque chose d'immensément puissant m'avait remarquée et
qu'il avait jeté son dévolu sur moi. Dans cet état d'inquiétude,
je ne vis pas venir un humain qui me bouscula. Cet humain, c'est Romik, annonça-t-elle
en se tournant vers lui. Il m'a semblé très gêné
de m'avoir renversée et il m'a même proposé de m'aider.
J'ai tout d'abord décliné son offre qui me semblait futile puis,
en réfléchissant, je me suis dit que sa présence n'était
peut-être pas fortuite. Peut-être était-ce un signe, et voilà
pourquoi j'acceptai qu'il m'accompagne. Je crois avoir bien agi : Romik nous
a effectivement été bien utile. "
Gwantholin relata ensuite tout ce qui s'était passé depuis leur
rencontre : le voyage jusqu'à la Forêt aux Songes, la première
attaque des orcs où Romik s'était rendu compte qu'elle était
une immortelle, le départ de toute la petite communauté elfe jusqu'à
Torkanjen Dilurgansan, la rencontre de Todjekelimf et son échec dans
la tentative de lire le parchemin, leur voyage jusqu'à Arnœd Keïtzan,
le tragique affrontement avec les orcs et le golem de chair, ainsi que l'exploit
de Romik avec la Dague de Précision.
Althgovifen prit la parole : " Ce que vous m'avez confié me laisse
fort perplexe et m'inquiète beaucoup. J'ai toujours considéré
les orcs comme une race primitive, cruelle et bestiale, dans le pire sens du
terme. L'idée qu'une orcque ait pu avoir accès à la magie
me surprend énormément. Et qu'elle ait conçu un puissant
rituel de nécromancie en créant un golem de chair, qu'elle ait
lancé un sort d'anti-magie et un sort d'invisibilité me laisse
encore plus inquiet. Je sais que les orcs ne peuvent pas avoir accès
à la magie car ils n'ont pas l'intelligence nécessaire. Ceci laisse
donc supposer qu'ils ont reçu une aide extérieure. C'est forcément
quelqu'un, quelque chose de plus puissant, de plus intelligent et de plus malfaisant
qui a dû les aider. En effet, les orcs n'auraient normalement pas eu de
raison valable de vous poursuivre et de vous attaquer ; c'est quelqu'un qui
les a poussés à le faire et c'est sûrement lui qui a concédé
un tel pouvoir à cette mystérieuse chamane orcque. Nous pouvons
bien évidemment être amenés à supposer que ces attaques
orcques sont liées au parchemin de Gwantholin. J'espère que nous
pourrons en savoir plus grâce à ce document. Quant à savoir
qui nous l'a donné et dans quel but… Il se tourna vers la ravissante
Gwantholin. Peut-être avez-vous idée de l'identité de cette
mystérieuse personne ?
- Je ne puis malheureusement vous aider. Je vous ai dit tout ce que je sais
et je n'ai jamais revu cette mystérieuse personne en blanc, que ce soit
dans la réalité ou dans mes songes. "
Une idée traversa l'esprit de Romik. Il se racla la gorge pour attirer
l'attention.
" Romik, avez-vous quelque chose à nous faire connaître ?
s'informa le Clairvoyant.
- Non, je ne crois pas. J'ai pensé à quelque chose, mais c'est
stupide.
- La stupidité est ce qui est dénué d'intelligence, or
une supposition n'est jamais inintelligente.
- Bon, puisque vous insistez… Dans ma religion, la description qu'a faite
Gwantholin de la personne vue dans ses songes correspond à la représentation
que nous avons des anges. Je trouve qu'il correspond aux anges, qui sont entièrement
blancs et qui ont une auréole dorée au-dessus de leur crâne.
Lorsque Romik arrêta de parler il rougit, car il trouvait que ce qu'il
avait dit ne semblerait sûrement pas intéressant aux yeux d'un
elfe.
- Donc vous supposez que la personne étant apparue en songe à
Gwantholin est un ange ? répondit Althgovifen. Je crois que l'hypothèse
d'une intervention divine n'est pas à négliger. Puissions-nous
en savoir plus en lisant ce parchemin ; si bien sûr, nous y parvenons…
"
Les elfes disposèrent et seuls Althgovifen, Gwantholin, Eanepalith et
Targetelan restèrent dans la grande pièce.
CHAPITRE 18
Les autres elfes ainsi que Romik passèrent
le reste de l'après-midi dans le grand et magnifique jardin intérieur
du palais. Romik écoutait avec beaucoup d'attention Aïnedegathel
qui lui parlait d'Arnœd Keïtzan. Il n'était pas encore remis
de ses blessures, et ses os ne s'étaient pas complètement ressoudés.
Pourtant, la vie lui semblait très agréable sous un soleil rayonnant
et dans une cité étrangère magnifique.
On vint ensuite leur mander de retourner voir le Clairvoyant qui les attendait.
Lorsqu'ils furent tous enfin installés, il prit la parole : " Nous
avons réussi à désactiver le sort bloquant la lecture du
parchemin " déclara-t-il.
Romik soupira de soulagement : il allait enfin savoir ce que contenait ce parchemin.
Les autres elfes, quant à eux, furent plus discrets, fidèles à
leur habitude.
" A vrai dire, j'y suis parvenu assez aisément, ce qui m'a surpris.
Mais après, curieusement, je n'ai pas pu lire le parchemin, ni aucun
d'entre nous. D'abord perplexe, j'ai opéré de différentes
façons jusqu'à parvenir à connaître le contenu de
ce document. Mais je ne l'ai pas lu. Je l'ai… ressenti. C'est comme si
ce parchemin avait délivré un message, mais par la pensée.
J'ai bien sûr laissé les autres personnes tenter de "lire"
le message, mais sans réussite. Il semblerait ainsi que je sois la seule
personne qui puisse être informée de manière directe du
contenu de ce parchemin, ce qui est une singulière coïncidence.
De plus, il me faudra étudier ce procédé, qui est fort
intéressant. Mais nous pourrons spéculer sur cela ultérieurement.
Je vais tout d'abord vous informer de ce message qui m'inquiète énormément.
Il fit une pause, se servit un verre d'eau, le but puis continua : Comme je
vous l'ai confié, je n'ai pas lu ce parchemin mais son contenu est venu
à moi un peu comme dans un rêve. Nous avons beaucoup à craindre,
car une entité supérieure malfaisante a décidé de
nous éradiquer. J'ignore qui est-ce, bien que j'ai peur que ce soit un
démon, une créature d'Anoïzalkel. Je ne sais pas non plus
pourquoi elle nous en veut. Par contre, je sais ce que nous avons à craindre.
Tout d'abord, cet esprit malfaisant a réussi à se faire passer
auprès des orcs pour Garsha, la déesse des Ombres qui est leur
divinité majeure. C'est ce démon -appelons le Garsha - qui a motivé
à ce point ces orcs à vous poursuivre. Et c'est toujours Garsha
qui a octroyé à la chamane orcque un tel pouvoir. "
Il tendit le bâton de l'orcque au bout duquel pendait toujours une tête
humaine. Romik ne put s'empêcher de pousser une exclamation de stupeur
et d'effroi. Les elfes froncèrent les sourcils et fixèrent Romik
d'un regard perplexe.
" C'est le bâton de cette orcque ! expliqua Romik. Je me souviens
que lorsque je me servis de la dague de précision, je le vis entouré
d'une lumière jaune fluorescente ! "
Althgovifen resta pensif quelques instants et Gwantholin conversa avec lui en
elfique. Elle devait sûrement lui expliquer qu'en utilisant la dague de
précision il avait activé la vision véritable.
" Nous reparlerons de cela ultérieurement, commenta le Clairvoyant
en regardant l'humain. La remarque de Romik souligne bien le fait que ce bâton
est hautement magique et je peux vous certifier qu'il n'est pas d'origine orcque.
C'est Garsha, je veux dire l'être qui se fait passer pour elle, qui le
lui a offert. C'est grâce à cet objet maudit qu'elle est parvenue
à vous causer tant de tort. Je vous ai montré ce bâton pour
tenter de vous faire réaliser l'ampleur des moyens de l'Ennemi. Il resta
pensif quelques instants. Le parchemin m'a fait réaliser que le démon
usurpant l'identité de Garsha n'est pas physiquement présent dans
ce plan bien que son influence malfaisante ait malheureusement cours ici. Toutefois,
il se peut que cette condition empire. En effet, il existe un lieu appelé
le Sanctuaire Maudit qui est loin d'ici vers le sud. C'est difficile à
expliquer, disons qu'en quelque sorte ce lieu maudit est très puissant
et il contient un pouvoir suffisamment important pour faire revenir Garsha dans
ce plan.
- Et que se passerait-il si Garsha pouvait venir dans notre monde ? demanda
Romik.
- Avec son immense pouvoir, elle apporterait le chaos, la désolation
et la destruction. Je sais qu'elle s'attaquerait en premier aux elfes car, j'ignore
pourquoi, elle nous en veut particulièrement. Notre mission est de se
rendre à ce Sanctuaire Maudit et d'essayer d'y trouver un moyen d'annihiler
cette force qui pourrait faire venir Garsha. "
Gwantholin prit la parole : " Je constate qu'une lourde responsabilité
repose sur nous. Mais êtes-vous sûr qu'en détruisant ce sanctuaire
Garsha ne posera plus de risques ?
- Je sais que c'est par cela qu'elle peut exercer son influence sur des créatures
inférieures ; ce démon banni a ainsi dirigé les orcs qui
vous ont attaqués. Ecoutez, je ne peux vous apprendre plus de choses
sur cela, car c'est tout ce que m'a révélé le parchemin.
Je vais prendre quelques jours et chercher des notes sur cela dans les archives
que nous détenons. C'est pour l'instant la meilleure chose à faire.
Je vous convoquerai dès que mes recherches se seront avérées,
je l'espère, fructueuses. "
A ce moment, les elfes se relevèrent et ils
disposèrent. Romik avait dépassé la porte lorsqu'il sentit
une main sur son épaule. C'était Althgovifen.
" J'aimerais m'entretenir avec vous, si vous l'acceptez fit-il.
- Ce serait avec plaisir répondit poliment l'humain. "
Ils sortirent du palais et déambulèrent dans une grande avenue
d'Arnœd Keïtzan. Le Clairvoyant ne prit la parole qu'au bout de quelques
minutes.
" Vous êtes quelqu'un d'exceptionnel, Romik.
- Je vous demande pardon ? Je ne comprends pas…
- Vous avez déjà beaucoup vu, pour un jeune humain.
- Je ne crois pas que je sois le seul.
- Je voulais dire que vous avez vu et connu beaucoup d'événements
auxquels peu de personnes de votre race sont d'ordinaire, confrontées.
- Moui… c'est vrai. Je dois avoir de la chance d'avoir rencontré
des elfes et d'avoir vu plusieurs de leurs villes.
- Certes, mais ce n'est pas seulement pour cela que je vous dis que vous êtes
quelqu'un d'exceptionnel.
- Alors pourquoi donc ?
- Essayez de comprendre pour quelle raison on me nomme le Clairvoyant.
- Eh bien parce que vous avez une grande sagesse ; on s'en aperçoit presque
tout de suite en vous voyant et en vous entendant. Oui, ça doit être
ça, parce que vous avez beaucoup de sagesse dont vous n'hésitez
pas à faire profiter les autres.
- Vous avez mal saisi la portée de ma question. Savez vous ce qu'est
la Clairvoyance, Romik ?
- Non, j'avoue que lorsque j'ai entendu cette expression, je n'ai pas cherché
à connaître sa signification.
- Je me souviens avoir toujours eu ce don, fit Althgovifen pensivement. Depuis
toujours, je possède la Clairvoyance. Elle m'est utile, car c'est elle
qui m'apporte une très grande lucidité.
- Voulez-vous dire que vous êtes une sorte de voyant ?
- Pas dans le sens où je peux connaître l'avenir, cela m'est impossible.
Par contre, j'ai la possibilité de comprendre beaucoup de choses. C'est
en quelque sorte une forme d'intelligence qui me permet d'appréhender
certaines situations avec succès.
- Lorsque vous vous êtes présenté, vous avez dit que vous
pouviez lire les auras. Qu'est-ce donc ?
- Chaque être pensant possède une aura, c'est un peu la manifestation
de son âme, de ses intentions. La Clairvoyance me permet de lire naturellement
les auras des personnes que je rencontre.
- Et… vous pouvez lire dans les pensées ?
- Non. Je peux connaître les intentions d'une personne, savoir par exemple
si elle est habitée par le bien, si elle est fidèle à elle-même
ou à son entourage. Comprenez-vous ?
- Je n'en suis pas sûr. C'est assez nébuleux.
Ils continuèrent à marcher en silence dans la ville. Althgovifen
continua :
- C'est pour cela que je vous ai dit que vous êtes quelqu'un d'exceptionnel,
Romik : je l'ai su en lisant votre aura.
- Pourriez-vous expliquer cela ? Je n'arrive toujours pas à comprendre
en quoi je suis exceptionnel.
- Je ne peux pas. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi j'ai ressenti cette
impression. Je le sais grâce à la Clairvoyance mais je serais vraiment
incapable de l'expliquer. A la couleur de votre silhouette éthérée,
j'ai compris que vous pouviez être quelqu'un de… différent.
- C'est curieux, ce que vous dites cette fois-ci semble me dire quelque chose…
- Ceci s'explique par le fait que vous avez déjà utilisé
la vision véritable. Une de ses particularités, le pouvoir de
lire les auras, est commune à la Clairvoyance.
- D'accord… je comprends, maintenant. Est-ce pour cela que vous vouliez
parler avec moi ?
Le Clairvoyant hocha de la tête.
- C'est parce que vous m'intriguez : vous êtes parvenu à utiliser
la dague de précision avec une grande aisance. C'est lorsque j'ai montré
le bâton de l'orcque que j'ai compris que vous vous étiez servi
de la vision véritable, en raison de la réaction que vous avez
eue.
- Eh bien je suis doué pour cela, voilà tout. Je ne pense pas
que ce soit la peine de s'interroger plus sur ce sujet…
- C'est une possibilité. Vous avez sûrement un don, qui vous a
été d'une grande utilité.
- Donc… je pourrais apprendre facilement à maîtriser la magie,
alors ?
- Cela est fort probable. Etes-vous donc intéressé ?
- Je ne sais pas… Lorsque j'ai vu Gwantholin lancer ce sort pour la première
fois, j'ai été très impressionné. Sur le coup, je
fus presque jaloux à l'idée qu'elle puisse faire des choses aussi
puissantes. De plus, à chaque fois que j'abordais ce thème, elle
l'évitait et changeait de sujet. Et voilà maintenant que vous
me proposez presque d'apprendre à maîtriser la magie ! Il émit
un petit rire amer. Seulement, je ne crois plus être aussi intéressé,
maintenant. Depuis ce que j'ai vu cette orcque faire ça… Je n'arrête
pas d'y penser, et ça me fait peur qu'on puisse faire des choses aussi
horribles. Non, je ne crois plus être vraiment intéressé
par la magie. J'ai vu les horreurs qui peuvent en découler, et cela me
fait comprendre qu'il vaut probablement mieux que je n'y touche pas. Romik resta
pensif quelques instants, puis il reprit la parole : Althgovifen ? J'aimerais
bien que vous me parliez de la magie chez les elfes. Comment ils vivent avec
et comment ils y sont initiés.
- Pour commencer, la magie est bien plus présente chez nous que chez
les mortels, mais ceci ne veut pas dire qu'elle soit omniprésente. En
effet, nous ne vivons pas pour la magie et son usage reste très modéré.
Je peux même vous dire que dans certaines communautés elfes, la
magie a littéralement été bannie, en raison de la peur
de ce qu'on peut faire magiquement avec, comme par exemple ce que vous avez
vécu lors de ce triste affrontement. Mais ici, la magie est tolérée
car nous pensons que c'est un don d'Ajelebathan ; il faut juste ne pas en abuser.
Il existe des faits relatés sur cela : dans les premiers temps de l'humanité,
lorsque vous autres, les mortels, n'étiez encore qu'un tout jeune peuple,
nous étions bien plus présents sur ce monde. Ainsi, l'Ertelie
était presque une immense forêt, recouvrant tout le pays ; des
elfes vivaient encore à cette époque près de la mer. C'est
un temps ancien, et maintenant révolu ; nous étions alors la race
la plus ubiquiste sur ce monde tandis que maintenant, arrive notre déclin,
ainsi que celui des nains…
- Pourquoi parlez-vous de déclin ? Je ne comprends pas comment vous pouvez
parler de ceci ici, à Arnœd Keïtzan, qui est la preuve que
vous êtes un peuple fabuleux, qui peut faire des merveilles…
- Je parle de déclin dans le sens où nous pouvions naguère
vivre en tout point de ce monde sans crainte, tandis que depuis l'arrivée
des mortels, nous sommes dans l'obligation de vivre dans la réclusion.
- Je ne comprends pas pourquoi. Qu'est-ce qui vous empêche d'aller à
Fnor Ingël par exemple, sans vous cacher ?
- Votre candeur me surprend, Romik. Nous nous cachons car nous ne voulons pas
de conflits avec des mortels. Nous leur avons fait confiance un trop grand nombre
de fois, et avons subi trop de souffrances pour continuer à vivre de
la sorte…
- Que voulez-vous dire par là ?
- Je vais vous narrer un fait : des elfes acceptèrent une fois de donner
l'hospitalité à un groupe d'hommes. C'était lors d'un rude
hiver, ils étaient plus d'une cinquantaine et mourraient de froid. Les
elfes les laissèrent donc entrer dans leur cité, ils leurs donnèrent
des vêtements chauds, des vivres et du réconfort. Seulement, ces
mortels ne s'en contentèrent pas et ils firent une razzia sur le village.
Ils tuèrent cruellement les elfes, abusèrent de leurs compagnes
et torturèrent leurs enfants. Ils prirent tout objet de valeur et firent
brûler les maisons. Et pour aggraver le tout, le feu se propagea aux bois
environnants et il ne resta pratiquement que des cendres d'une bonne partie
de la région.
Romik poussa une exclamation.
- Mais c'est abominable ! s'écria-t-il. Y a t-il eu des survivants ?
- Oui, des elfes purent survivre et ils rebattirent une communauté, malgré
toutes leurs souffrances, mais ils sont marqués pour toujours par cette
tragédie.
Il y eut un long silence gêné, puis Romik s'adressa à Althgovifen
d'une voix hésitante :
- Je… je voudrais vous demander pardon, au nom de mon peuple…
- Nous vous pardonnons : nous savons pertinemment que vous n'êtes pas
tous ainsi. Nous pardonnons, mais n'oublions pas. Ces elfes qui furent martyrisés
étaient des elfes sylvains, et ils n'accordèrent plus que très
rarement leur confiance à des mortels. Vos légendes sur les elfes
tueurs viennent de là, car il est désormais très rare qu'un
humain puisse approcher d'un campement d'elfes sylvains sans se faire cribler
de flèches.
Romik déglutit péniblement et l'elfe continua :
- Voilà pourquoi nous évitons le plus possible de nous mêler
des affaires des mortels. Nous avons beaucoup de mal à côtoyer
des personnes au comportement si versatile, voyez-vous. C'est pour cela que
nous les laissâmes s'étendre sur tout le continent, tandis que
nous nous réfugiions dans des forêts le plus souvent.
- Je trouve votre attitude assez surprenante : j'ai l'impression que vous n'avez
jamais cherché à vous venger. C'est comme si vous les aviez laissé
faire, sans sourciller…
- J'ai la conviction que c'était le meilleur comportement à adopter.
Nous ne voulons pas vivre dans l'esprit de vindicte, car elle mène à
la haine, ce que nous ne souhaitons nullement. Vous pourriez être porté
à croire que nous nous laissons marcher sur les pieds par les humains.
A vrai dire, nous ne faisons que nous efforcer de les éviter.
- Vous êtes donc des pacifistes ?
- Je dirais pacifiques, car il nous arrive parfois de prendre les armes. Si
nous évitons le plus possible des confrontations avec les mortels, les
orcs, trolls et autres monstruosités ne seront jamais à l'abri
de nos flèches s'ils sont à notre portée. "
Il n'y eut plus que le silence pendant de longues minutes. Romik était
toujours dans le même émerveillement contemplatif d'Arnœd
Keïtzan, tandis qu'Althgovifen semblait perdu dans ses pensée.
" Nous nous sommes un peu éloignés de ce que je voulais connaître
initialement, dit Romik. Je voudrais savoir comment vous est enseignée
la magie, car j'ignore tout de cela.
- A Arnœd Keïtzan, par exemple, tout le monde peut avoir accès
à la magie. Toute personne étant en moyen de faire la demande
d'étudier la magie est libre de prendre cette initiative, de la même
manière qu'un elfe demanderait à devenir ranger, prêtre
ou architecte. Ce demandeur est alors pris en charge par une personne suffisamment
qualifiée qui veut bien de lui comme apprenti. Si l'apprenti ne sait
pas encore lire, ce qui peut arriver lorsque c'est un jeune elfe qui souhaite
connaître la magie, alors on lui apprend à lire. On lui apprend
aussi plusieurs langues qui sont nécessaires à l'étude
des livres. En effet, devenir ce que vous appelleriez magicien consiste essentiellement
à étudier, à assimiler le savoir qui se transmet entre
elfes.
- Et vous dites que n'importe qui peut apprendre à faire de la magie
?
- Oui, chacun peut devenir apprenti, mais cela ne signifie pas qu'il pourra
apprendre la magie. De toute façon, il ne peut le faire qu'après
de longues années d'études. Ensuite, il doit prouver qu'il a accumulé
suffisamment de connaissances et acquis assez de sagesse pour qu'on puisse enfin
l'initier aux arcanes ancestrales. Hélas, ceci ne peut garantir qu'il
usera de la magie avec sagesse…
- A propos de cela, justement. J'ai entendu dire que certains magiciens elfes
devinrent dangereux en se servant de la magie. Est-ce cela ?
- Oui, mais je ne tiens pas à vous en parler car cela m'est… douloureux.
- …
- A propos de l'apprentissage de la magie, l'initiation cléricale est
assez similaire. L'étudiant en prêtrise doit étudier, apprendre
et assimiler durant de nombreuses années avant de pouvoir faire le Serment.
Il est alors déclaré prêtre et peut, à partir de
ce moment seulement, exercer ses fonctions et user des pouvoirs qui lui ont
été transmis par le Ciel
- Des pouvoirs transmis par le Ciel ?
- Effectivement. D'ailleurs Targetelan vous en a déjà fait bénéficier.
- Ah, oui ! Vous faites allusion à ses dons de guérison.
- C'est cela ; c'est un des dons que les prêtres possèdent. Le
Clairvoyant resta coi pendant un certain temps. Comme je l'ai dit auparavant,
il me faut chercher des indices dans nos archives sur Garsha. J'aimerais pouvoir
m'adonner à cette tâche, si vous n'avez plus besoin de moi.
- J'espère que vous trouverez ce que vous cherchez répondit Romik.
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